L'auteure dans Nathalie Sarraute - Enfance
Dissertation : L'auteure dans Nathalie Sarraute - Enfance. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar rbrenner • 10 Janvier 2019 • Dissertation • 1 847 Mots (8 Pages) • 2 207 Vues
DEVOIR ÉCRIT
ENFANCE – NATHALIE SARRAUTE
L'enfance constitue la période des première expériences, influençant ainsi le plus sur l'évolution d'un individu. Pour l'auteur, les expériences uniques et propres à soi peuvent inspirer une histoire sous forme d'autobiographie. Dans Les Confessions, Jean-Jacques Rousseau déclare :
Je sais bien que le lecteur n’a pas grand besoin de savoir tout cela, mais j’ai besoin moi, de le lui dire. Que n’osé-je lui raconter de même toutes les petites anecdotes de cet heureux âge qui me font tressaillir d’aise quand je me les rappelle !
Il dénonce une nécessité de s'exprimer par rapport aux détails de ses expériences et adopte un point de vue personnel qu'il veut partager avec le lecteur, tout en gardant une certaine distance timide, puisqu'il « ose » s'ouvrir à nous. Ainsi, l'auteur, le narrateur et le protagoniste se confondent en une seule personne. Selon Lejeune, on s’engage dans un pacte autobiographique, avec d'une part l'auteur qui raconte la vérité, et d'autre part le lecteur qui lui fait confiance. Cependant, Nathalie Sarraute, se place-t-elle dans la même perspective avec Enfance ? Est-ce une autobiographie ou va t-elle au delà des contraintes de ce genre littéraire ?
Nous verrons dans une première partie les éléments autobiographiques typiques présents dans Enfance, tout comme le personnage qui y est présenté. Par la suite nous exposerons les difficultés de l'autobiographie rencontrées pour voir comment Nathalie Sarraute s'élève au dessus de ces contraintes et de ce genre.
Avec Le Pacte Autobiographique, Lejeune définit l'autobiographie comme un « récit rétrospectif en prose qu'une personne réelle fait de sa propre existence, lorsqu'elle met l'accent sur sa vie individuelle, en particulier sur l'histoire de sa personnalité [1]». Nous verrons à quel point Enfance fait partie de cette définition. En effet, la jeune protagoniste nous partage « l'histoire de sa personnalité » et les moments de sa vie qui l'ont forgée. Dès son plus jeune âge, qui reste néanmoins vague, Natacha aborde l'écriture d'histoires et « trace des mots avec [sa] plume trempée dans l'encre rouge [2]». La confrontation de ses écritures avec l'éditeur de sa mère l'a traumatisée, après avoir été critiquée sur son orthographe. Elle en est troublée et se délivre de son écriture d'histoire. On assiste à un développement de personnalité dans l'enfance de Natacha, un moment intime que l'auteure nous fait revivre. L'enfance, cette période de la vie et ce statut même, nous est présentée comme dans un cadre autobiographique. Ces expériences et ces sensations vécues se poursuivent tout le long du récit, permettant au lecteur de se faire une image de l'évolution de Natacha. Elle paraît d'abord naïve, puis semble perdre ce trait, puisqu'elle se sent de plus en plus à part et commence à questionner les adultes.
De plus, ces moments marquants ne sont pas choisis par hasard. Ils sont vécus ici à travers les yeux d'un enfant soumis à ses sensations. Elle raconte surtout les ressentis vis à vis ses parents, les gens qui l'entourent. Les relations vécues font bien partie des passages obligés d'une autobiographie. Ce sont des tropismes qui guident le choix des moments rapportés. D'après le Centre national de ressources textuelles et lexicales, un tropisme est une « Réaction d'orientation ou de locomotion orientée d'un organisme végétal ou de certains animaux, causée par des agents physiques ou chimiques [3]». C'est lors de sensations fortes, lors de déclarations marquantes de personnes, ici souvent malheureuses, qu'on se remémore d'une scène, d'une histoire. Ceci est aussi le cas pour Natacha. Au début, la relation entre elle et sa mère sont encore assez bonnes, au point qu'elle ose mentir à Natacha afin de l'épargner de la peur d'une opération. Elle l'appelle même « mon petit chaton [4]» sur le bord de son lit. Mais ce mensonge n'est que présage pour la suite. Natacha se sent étrangère face à Kolia et sa mère. Elle « [s']insère là où il n'y [a] pas de place pour [elle] [5]». Le point culminant se trouve à l'incident de la poupée, qu'elle trouve plus belle que sa mère. La correspondance par lettre entre sa mère et elle ne fait qu'empirer la relation. Natacha se sent perdue, innocente et coupable à la fois. Nous avons donc bien des moments vécus à travers les yeux d'un enfant qui suscitent des souvenirs, déclenchés comme par un tropisme. Chaque souvenir se trouve ensuite sous la forme d'un chapitre, d'une unité close en soi. L'importance du souvenir n'est pourtant pas reflété à travers la longueur de celle-ci, mais on retrouve une histoire fragmentée, ressentie et non jugée par l'enfant puisqu'il en est incapable.
Ensuite, afin que l'aspect autobiographique soit respecté, il faut que l'auteur, le narrateur et le protagoniste se confondent en une seule personne et l'histoire rapportée doit être vraie. Malgré que Nathalie Sarraute introduit l'aspect d'un dialogue entre deux personnages, que nous développerons dans la seconde partie, il est clair que Natacha correspond à l'auteure. Le prénom est le diminutif de Nathalie, et Tachok en est le surnom. Tout comme l'écrivaine, Natacha est d'origine russe, toutes les deux écrivent des histoires et elle se sert même de son nom à la page 163. Le « je » utilisé regroupe donc ces trois aspects de l'autobiographie. Nathalie Sarraute utilise cette occasion pour se souvenir et restituer son enfance de manière aussi honnête que possible. Elle écrit dans un style épuré et se contente de juste rapporter, tout en usant de nombreux verbes et adjectifs, afin que l'illusion et l'immersion soit totale.
...