Fiche lecteur analytique Prière à Dieu

« Prière à Dieu » Traité sur la Tolérance de Voltaire (1763)

Comment voltaire utilise-t-il la forme de la prière pour allier à une intension polémique une dimension plus universelle ?

Introduction : Voltaire & Les Lumières

• C’est un extrait du chapitre 23 du traité sur la tolérance de Voltaire, un essai philosophique [Montaigne crée le genre de l’essai au 16ème siècle, genre plus tard prisé par les philosophes des lumières] (1763) où Voltaire développe ses idées contre le fanatisme et la persécution. 
• Voltaire est déiste (Déisme = position philosophique de ceux qui admettent l'existence d'une divinité, sans accepter de religion révélée ni de dogme. [Petit Robert])
• Cette prière est détournée et s’adresse, non pas à Dieu, mais aux hommes

• C’est un appel à la tolérance entre les hommes.
• Il montre que les pratiques ou les rites religieux sont des sources de conflits entre les hommes.
• Voltaire appelle à la liberté dans la pratique de la religion ce qui rejoint son déisme. 

Comment voltaire utilise-t-il la forme de la prière pour allier à une intension polémique une dimension plus universelle ?

I – Un texte qui porte les marques de la prière

II – En réalité un appel aux Hommes

I – Un texte qui porte les marques de la prière

Le texte est intitulé « Prière à Dieu », annonce le thème religieux du texte.

• Texte adressé à un Dieu tout puissant :

• 2ème personne + adresse directe « c’est à toi Dieu » 
• Présence et grandeur de Dieu « d’oser te demander (…) toi qui a tout donné, à toi dont les décrets sont immuables comme éternels »
• Infériorité de l’homme : « faibles créatures perdues (…) les erreurs attachées à notre nature » ou « nos débiles corps, nos langages insuffisants, usages ridicules, lois imparfaites, opinions insensées » et « les atomes appelés hommes » 

• Une demande humble

• Marques significatives : expression du souhait « fais que nous nous aidions mutuellement », lexique exprimant l'humilité « daigne regarder avec pitié les erreurs attachées à notre nature » ...
• Un contenu conforme aux attentes pour une prière : amour, fraternité « tu ne nous as point donné un cœur pour nous haïr », paix « des mains pour nous égorger »

TR : Mais contenu de la demande très développé, et texte comporte des éléments qui semblent le faire soretir du cadre de la prière

I – En réalité, un appel aux hommes

• Progression du texte :

• Prière au départ, mais aspect critique de plus en plus net, qui devient polémique dans la partie centrale du texte. Caractère de plus en plus argumentatif du texte (prière n'est pas une forme argumentative)

• S’appuyant sur une éloquence oratoire :

• Périodes ; texte composé de 3 grandes phrases
• Répétitions ; « tous les êtres, tous les mondes, tous les temps » et « entre … entre … entre… »

• Une critique au caractère polémique : qui n'a pas de sens adressée à Dieu, mais aux hommes, oui :

• Critique sociale et morale : rôle des périphrases à valeur ironique, dénonciation implicite de comportements en contradiction avec la doctrine chrétienne, dévalorisation des coutumes humaines.

•  Mise en cause de la hiérarchie religieuse (aspect satirique) « l’habit teint de rouge ou en violet » « jouissent sans orgueil »
• Critique des rites qui divisent les hommes et suscitent le conflit « couvrent leur robe d’une toile blanche (…) manteau de laine noire »

• Dénonciation de la violence humaine sous toutes ses formes : intolérance, persécution, haine... 🡪 champs lexicaux, allusion à l'intolérance religieuse (''tyrannie exercée sur les âmes'')
• Mise en évidence de la responsabilité des hommes (anaphore ''que ceux qui...''/''que ceux dont...'' ; ''se souvenir qu'ils sont frères'', ce qui suppose qu'ils ont oublié)

•  Au-delà du registre polémique, un appel émouvant reposant sur des valeurs universelles :

• Dieu = dernière chance, hommes écartés en tant que destinataire au début ''Ce n'est donc plus aux hommes...'', implicitement parce qu'ils n'ont pas été réceptifs aux discours qui ont pu leur être tenus
• Mais, alors que les hommes disparaissent derrière le ''nous'' durant tout le texte, retour à la fin ''Puissent tous les hommes...'' puis passage de la 3e personne ''Qu'ils aient...'' (subjontif à valeur d'impératif) à une 1ère personne du pluriel de l'impératif (''ne nous déchirons pas...'')
• => ramenés au cœur du propos, hommes véritablement impliqués et acteurs (sujet grammatical) + tonalité pathétique de '' ne nous déchirons pas dans le sein de la paix venant de l'opposition entre entre ''[se déchirer]'' et ''paix'

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