Etude linéaire : le dénouement de la nouvelle "Au champs"
Commentaire de texte : Etude linéaire : le dénouement de la nouvelle "Au champs". Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar rotolino • 16 Janvier 2023 • Commentaire de texte • 1 515 Mots (7 Pages) • 1 640 Vues
Séance 3: L'argent fait-il le bonheur?
Etude linéaire du dénouement de la nouvelle "Aux Champs"
La nouvelle "Aux champs", publiée dans le recueil des Contes de la Bécasse en 1883, raconte le destin de deux familles de paysans normands: les Tuvache et les Vallin. Un jour, un couple de bourgeois, les D'Hubières, s'arrête devant leurs fermes, et la jeune femme désireuse d'avoir un enfant propose successivement aux deux familles d'adopter leur fils: les Tuvache refusent mais les Vallin, poussés par la cupidité, acceptent. L'extrait suivant se déroule bien des années après l'adoption de Jean Vallin.
En quoi peut-on parler d'ironie du sort dans ce double dénouement?
1er mouvement: deux destins opposés
Les deux premières phrases de l'extrait fonctionnent comme un sommaire. Les deux verbes à l'imparfait "vivotaient" et "venait" ont valeur de répétition. De façon antithétique, le narrateur évoque l'amélioration des conditions de vie des Vallin grâce à l'argent des D'Hubières et de l'autre la misère des Tuvache. La parataxe et l'hyberbole "restés misérables" amplifient l'écart qui sépare les deux familles. La seconde hyperbole "fureur inapaisable " accentue la jalousie des Tuvache dont le niveau de vie n'a pas évolué.
Le narrateur accumule ensuite les malheurs qui frappent les Tuvache "Leur fils aîné partit au service. Le second mourut; Charlot resta seul à peiner avec le vieux père..." A la souffrance de la perte des deux fils, s'ajoute celle du travail agricole et des conditions de vie, contenue dans le verbe "peiner".
2e mouvement: le retour de Jean Vallin
Une ellipse permet d’arriver rapidement au moment du retour de l’enfant adopté, Jean Vallin, aux vingt- et-un ans de Charlot : " Il prenait vingt et un ans, quand, un matin". La rupture temporelle "un matin" et l'emploi du passé simple "s'arrêta", "descendit" mettent davantage en relief ce moment.
Le narrateur insiste sur l'ascension sociale de Jean Vallin: la "brillante voiture" ainsi que le détail de la "chaîne de montre en or" symbolisent l'enrichissement du jeune homme, en opposition avec le nom "chaumières" connotant la pauvreté des paysans. Le nom mélioratif "monsieur" désignant Jean Vallin fait état de cet embourgeoisement grâce à l'argent des D'Hubières.
Les paroles retranscrites au discours direct dans la scène suivante font également état de l'instruction de Jean, en opposition avec le langage des paysans qui élident les mots "m'n", "v'là", les déforment "éfant" ou parlent de manière incorrecte "C'est-i té". Le décalage est flagrant entre le fils, devenu un bourgeois, et ses parents, restés paysans.
Le narrateur met aussi en avant l'éducation et les qualités de Jean Vallin. Il se montre poli et respectueux avec sa mère adoptive l'aidant à descendre de voiture " donnant la main à une vieille dame". Il l'est aussi avec ses parents biologiques, les saluant à plusieurs reprises "Bonjour, papa; bonjour, maman." et marquant son affection envers sa mère alors qu'elle avait accepté de le vendre "Il la prit dans ses bras et l'embrassa". Ce vocabulaire associé à la tournure pronominale "se furent reconnus" souligne l'harmonie qui règne au sein de la famille. La scène des retrouvailles est aussi placée sous le signe de l'émotion: le choc vécu par les parents est évoqué de façon hyperbolique "Ils se dressèrent, effarés.", " La paysanne laissa tomber d'émoi son savon dans son eau", "le vieux, tout tremblant". Les passés simples sont alors en opposition avec les imparfaits utilisés pour les actions habituelles et en cours des deux paysans "La vieille mère lavait ses tabliers; le père infirme sommeillait près de l'âtre".
Si le narrateur valorise le retour de Jean dans sa famille, il souligne aussi la reconnaissance sociale dont il est l'objet. L'énumération des notables "On le conduisit chez le maire, chez l’adjoint, chez le curé, chez l’instituteur " montre à la fois la fierté des Vallin devant l'ascension sociale de leur fils et le changement de regard porté sur eux: la famille qui avait été critiquée pour avoir vendu son enfant redevient fréquentable, tout en améliorant l'avenir de son fils.
3e mouvement: la réaction de Charlot Tuvache devant le retour de Jean Vallin
De façon symétrique et antithétique, le narrateur introduit Charlot dans son récit. Contrairement à Jean Vallin qui a évolué socialement et qui, symboliquement, est associé à des verbes au passé simple exprimant l'arrivée "une brillante voiture s'arrêta" ou l'action "un jeune monsieur descendit", Charlot Tuvache a stagné. Cette stagnation et sa passivité sont symbolisées par sa posture et par l'emploi de l'imparfait " Charlot, debout sur le seuil de sa chaumière, le regardait passer." Le verbe de perception "regardait" exprime sans doute aussi la jalousie de Charlot devant l'ascension sociale de Jean Vallin.
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