Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne

MADAME,

Peu faite au langage que l’on tient aux rois, je n’emploierai

point l’adulation des courtisans pour vous faire hommage de cette

singulière production. Mon but, Madame, est de vous parler fran-

5 chement ; je n’ai pas attendu pour m’exprimer ainsi l’époque de la

Liberté : je me suis montrée avec la même énergie dans un temps où

l’aveuglement des despotes punissait une si noble audace.

Lorsque tout l’Empire vous accusait et vous rendait responsable

de ses calamités, moi seule, dans un temps de trouble et d’orage, je n’ai

10 eu la force de prendre votre défense. Je n’ai jamais pu me persuader

qu’une princesse, élevée au sein des grandeurs, eût tous les vices de

la bassesse.

Oui, Madame, lorsque j’ai vu le glaive levé sur vous, j’ai jeté mes

observations entre ce glaive et la victime ; mais aujourd’hui que

15 je vois qu’on observe de près la foule de mutins soudoyée, et qu’elle

est retenue par la crainte des lois, je vous dirai, Madame, ce que je

ne vous aurais pas dit alors.

Si l’étranger porte le fer en France, vous n’êtes plus à mes yeux

cette reine faussement inculpée, cette reine intéressante, mais une

20 implacable ennemie des Français. Ah ! Madame, songez que vous

êtes mère et épouse ; employez tout votre crédit pour le retour des

princes. Ce crédit, si sagement appliqué, raffermit la couronne du

père, la conserve au fils, et vous réconcilie l’amour des Français.

Cette digne négociation est le vrai devoir d’une reine. L’intrigue, la

25 cabale, les projets sanguinaires précipiteraient votre chute, si l’on

pouvait vous soupçonner capable de semblables desseins.

§1 : déclaration d’honnêteté

§2 et 3 : olympe de G, avocate de la reine

§4 : mise en garde à la reine

§1 : déclaration d’honnêteté

• «  MADAME » : Apostrophe pour s’adresser à la reine est déjà une provocation. Ce n’est pas la façon conventionnelle de s’adresser à une reine. On s’attend plutôt qu’elle utilise le terme « Majesté ». ODG dédicace son œuvre à la Reine toutefois elle s’adresse à elle comme une citoyenne à sa semblable dans une monarchie constitutionnelle.

• « Peu faite au langage que l’on tient aux rois, je n’emploierai point l’adulation des courtisans pour vous faire hommage de cette singulière production » :

→ « Peu faite » témoigne sa franchise + « n’… point » négation refusant un langage « soutenu », « correcte » comme on s’adresse à une reine.

→ Utilisation de la première personne du singulier « Je » pr montrer que c’est elle qui parle, exprime son idée de ne pas être absente ou transparente.

→ «  je n’emploierai point l’adulation des courtisans » → litote, fig d’atténuation qui consiste à dire moins pour laisser entendre davantage. ODG l’utilise pour exprimer de façon à susciter chez la reine un sens bcp plus fort que la simple énonciation de l’idée exprimée. Donc elle affirme qu’elle parlera le langage du peuple.

→ « singulière production » : périphrase (=fig de style qui consiste à désigner une réalité par un des aspects caractéristiques sans le nommer directement) → ODG est elle-même consciente d’avoir écrit un texte révolutionnaire témoignant

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