Dom Juan, acte III, scène 2, Molière, la scène du pauvre
Commentaire de texte : Dom Juan, acte III, scène 2, Molière, la scène du pauvre. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar nour855 • 14 Mai 2017 • Commentaire de texte • 3 367 Mots (14 Pages) • 1 904 Vues
LA n°21 : Molière, Dom Juan, III, 2 : la scène du pauvre (scène entière)
Introduction : - présentation de l’auteur et de l’œuvre : _ - situation de l’extrait : Douze hommes à cheval sous la conduite des frères d’Elvire sont partis à la recherche de Dom Juan, afin de venger l’outrage fait à la jeune femme. Pour leur échapper, il se réfugie avec Sganarelle dans une forêt dans laquelle ils s’égarent. Cet égarement dans la forêt symbolise un égarement de l’esprit et est une réponse à la scène précédente où Dom Juan formulait une profession de foi rationaliste. Sganarelle demande alors son chemin à un Pauvre. C’est une nouvelle occasion pour Dom Juan de commettre un sacrilège et de défier Dieu, en incitant le pieux vieillard à renier sa foi. - Plan de l’extrait : 1)du début du texte jusqu’à « grâce de tout mon cœur » : la rencontre et la demande de chemin. 2) « Si vous vouliez […] à mettre sous les dents » : la demande d’aumône du Pauvre. 3) « voilà qui est étrange » jusqu’à la fin : la tentation du blasphème incarnée par Dom Juan. - Problématique : Comment Dom Juan cherche-t-il à séduire le Pauvre et comment celui-ci résiste-t-il ?
Lecture linéaire :
I) la rencontre
1ère réplique de Sganarelle : il est poli, il vouvoie le Pauvre dans sa question alors que dans la scène précédente, il l’avait interpellé familièrement. Le Pauvre est sans doute un ermite. Selon la religion chrétienne, les pauvres incarnent le mépris des vanités du monde. Sganarelle cherche sa route véritablement mais sa question se pose également sur un plan symbolique : Sganarelle est perdu par la conversation de son maître. Sa question a un sens propre et un sens symbolique : comment se retrouver dans la question de Dieu ? la forêt est souvent la métaphore de la perdition. Elle représente le danger de l’ignorance théologique et métaphysique. La réponse du Pauvre est poli : il dit « Messieurs » et donne un avertissement de danger dans la forêt. Il s’agit d’un être aimable parce que plus il est gentil, plus il recevra une plus grande aumône (devoir moral de charité). La réplique de Dom Juan est cynique : il le remercie en le tutoyant, lui donne un terme affectif, paternel « mon ami » mais il fait semblant de ne pas comprendre et oblige ainsi le Pauvre à lui demander explicitement de l’argent, révélant par là une forme d’hypocrisie du Pauvre.
II) la demande d’aumône du pauvre
1) la remise en cause de l’aumône : « Ah ! Ah ! ton avis est intéressé à ce que je vois » : Dom Juan change de ton et de comportement : avec les interjections ironiques, il feint d’ignorer que l’avis était intéressé. Dom Juan veut montrer à Sganarelle que les prières sont inutiles. La réponse du Pauvre suscite la pitié : solitude de l’ermite qui fait qu’il n’a pas de ressources. Dom Juan veut montrer l’absurdité de son attitude : le Pauvre veut prier pour Dom Juan, qui est riche afin qu’il soit plus riche. Le futur est conditionné : « je ne manquerais pas » : il vend en quelque sorte ses prières. Réponse de Dom Juan : La charité bien ordonnée commence par soi-même. Il est question ici d’une des vertus de la prière : la réversibilité : quelqu’un peut prier pour une autre personne. Il s’agit d’une prière viciée : non pas spirituelle mais matérielle : pour la prospérité des gens riches. Dom Juan pointe l’absurdité de cette prière pour les riches et ne cache pas son exaspération. Intervention de Sganarelle : il reprend en quelque sorte à son compte la profession de foi matérialiste de Dom Juan. Ce passage constitue la première étape dans la progression du blasphème et de la provocation : Dom Juan se contente d’abord de remettre en cause le caractère sacré de l’aumône en en faisant un marché donnant donnant. Dans un second temps, avec plus de violence, il se moque de l’inutilité de la prière.
2) L’inutilité de la prière :
Loin de s’en tenir à son mépris insolent de la charité, Dom Juan cherche à nouveau l’affrontement : « Quelle est donc ton occupation parmi ces arbres ? » Le Pauvre rappelle une nouvelle fois au libertin la valeur chrétienne de l’aumône : « De prier Le Ciel tout le jour pour la prospérité des gens de bien qui me donnent quelque chose ». Dom Juan, en se plaçant dans la logique du donnant donnant exclusivement matériel, feint alors de s’étonner de la misère du Pauvre : « Il ne se peut donc pas que tu ne sois bien à ton aise ? » Désarmé par ce paradoxe, le Pauvre ne peut que rappeler à nouveau son état de « nécessité », mot qui signifie ici indigence, pauvreté. Mais Dom Juan feint toujours de ne pas comprendre. Il humilie à nouveau le malheureux, en le considérant comme un menteur et un imposteur : « Tu te moques : un homme qui prie le Ciel tout le jour ne peut pas manquer d’être bien dans ses affaires ». Fidèle à sa vision rationnelle et objective des faits, Dom Juan fait de la misère du Pauvre une preuve de l’inexistence ou à tout le moins de l’indifférence de Dieu : si Dieu existait, il récompenserait un homme qui le prie avec autant de ferveur. Face à cette cruauté, le Pauvre tente d’apitoyer Dom Juan : « Je vous assure, Monsieur, que le plus souvent je n’ai pas un morceau de pain à me mettre sous les dents ». Mais il ne réussit qu’à conforter les arguments du libertin sur l’inutilité de la prière : « Voilà qui est étrange, et tu es bien mal reconnu de tes soins ». Dom Juan veut jouer en quelque sorte un rôle pédagogique : il veut par ses répliques ironiques faire comprendre au pauvre qu’il a tort de prier. Mais le Pauvre ne fait pas le lien entre son état et la prière. Puisque le Pauvre ne comprend pas que la prière est inutile, Dom Juan change de tactique. La provocation atteint alors son paroxysme quand il demande au Pauvre de renier sa foi en échange d’un louis d’or.
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