Dans quelle mesure la poésie est-elle un moyen efficace pour présenter une critique de la société ?

Dans quelle mesure la poésie est-elle un moyen efficace pour présenter une critique de la société ? Vous répondrez à cette question en vous appuyant sur les textes du corpus, sur ceux que vous avez étudiés en classe et sur vos lectures personnelles.

     « As-tu oublié que ton libérateur, / C’est le Livre ? » (Hugo). Beaucoup d’écrivains ont mis leur plume au service de la libération de l’homme dans des luttes concrètes, notamment politiques ou sociales. Cependant, parmi les genres littéraires, la poésie est plus souvent associée à l’épanchement des sentiments, à l’évasion dans l’imaginaire, qu’à l’expression des « idées ». Préjugé que dément pourtant l’existence de nombreux poèmes porteurs d’un message ou même engagés au point que le poète Gabriel Celaya définit la poésie comme « une arme chargée de futur ».  Ainsi, la poésie est-elle une « arme » efficace pour défendre des idées et préparer un avenir meilleur que le présent qu’elle critique ? Dans cette perspective, nous aborderons d’abord l’efficacité de la poésie lorsqu’elle a pour mission de critiquer la société. Puis, nous étudierons d’autres genres littéraires parfois plus aptes à délivrer une critique sociale.

     Aux heures noires de l’occupation nazie, un groupe de poètes fait entendre sa voix, pour appeler une nation à la dérive à se dresser contre l’oppresseur. Bombes de papier et mots explosifs, certains poèmes seront même déversés par avion sur les populations civiles. Est-ce à dire que la poésie a une force particulière pour dénoncer les abus de la société et du monde ?

     Avant d’être poète, un homme reste un homme qui ne peut se désintéresser du sort de ses semblables. Dès l’Antiquité, la mission du poète est sacrée. Celui-ci permet la conception d’un univers, il peut agir sur le monde et le faire réagir : « Et c’est assez pour le poète d’être la mauvaise conscience de son temps », dit Saint-John Perse. Etant maître des mots, il sait parler mieux que le commun des mortels qui n’a du langage qu’une utilisation utilitaire ; il peut donc prêter sa voix à ceux à qui on a confisqué la parole, notamment les enfants et les peuples opprimés. Pour dénoncer les conditions inhumaines du travail des jeunes enfants au XIXe siècle, Hugo accorde la parole à ces pauvres victimes dans son poème « Melancholia » : « Ils semblent dire à Dieu : – Petits comme nous sommes, / Notre père, voyez ce que nous font les hommes ». En outre, Arthur Rimbaud dévoile les travers de la bourgeoisie qui se caractérisent par l’idéologie de l’argent, de la guerre et de la séparation. A travers l’écriture poétique de son œuvre «  A la musique », Rimbaud y substitue un esprit d’unité, de paix et de concorde. Enfin, dans le poème « Familiale » issu du recueil intitulé Paroles publié en 1946, Jacques Prévert ose livrer un autre regard sur la famille, et plus généralement sur la société : les hommes lui paraissent figés dans des rôles, enlisés dans la routine. Sous la plume satirique de Prévert, le caractère mécanique de notre existence n'est que le signe de l'absurdité, du tragique de la vie. Ainsi, la voix du poète permet de délivrer une conscience sociale.

     Sans doute une arme légère et maniable, la poésie s’accommode très bien de la concision. Un poème dit beaucoup de choses en peu de mots ;  il allie la variété : vers réguliers, vers libres, prose, calligramme. C’est un genre protéiforme qui joue de tous les registres : souvent lyrique, la poésie peut être pathétique, satirique, mais aussi dramatique notamment lorsqu’elle dénonce la guerre. Le choix des images permet d’exprimer des sentiments et des idées abstraites, ce qui touche et persuade l’auditoire.  En poésie, le rapport entre le mot, l’image et l’idée est spécifique : d’une vision et de son expression, jaillit l’idée, qui n’est pas imposée didactiquement au lecteur. En lisant un poème nous voyons, nous partageons les sentiments ou les idées exprimées, nous les connaissons et les comprenons très profondément. D’autant plus que la structure utilisée n’est pas anodine : à savoir le style dialogique du sonnet qui permet un effet de chute. Aussi, le passage du poème à la chanson symbolise une force poétique. Prenons pour exemple le poème « L’Affiche Rouge » de Louis Aragon chanté par Léo Ferré ; cette musicalité permet de mémoriser des strophes facilement. Certains poètes poussent à l’extrême cette capacité de la poésie en créant des néologismes, par leurs sons et par leur magie, créent réellement le sens. La poésie peut donc être chantée puisque la chanson est accessible à une vaste audience. Enfin, certaines chansons qui présentent un caractère poétique, défendent et revendiquent des idées.

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