Commentaire linéaire Aube Rimbaud

« Aube », Illuminations (recueil de 45 poèmes en prose, titrés sauf 1) A. Rimbaud (biographie p. 476 du manuel)

Introduction :

Le refus du conformisme s’exprime d’abord dans la vie de Rimbaud (fugues, vagabondages, liaison avec Verlaine, désertion de l’armée, exil en Abyssinie, abandon de l’écriture à l’âge de 20 ans...) mais aussi dans le désir de faire une poésie neuve, loin de la « vieillerie poétique » : « Je dis qu’il faut être voyant, se faire voyant ».

Ce thème classique de la poésie : l’aube va donc être traité selon une approche singulière ; il s’agit moins de décrire la beauté que de tenter de la saisir, à travers une prose très simple qui renonce aux vers rimés mais conserve deux vers blancs (= non rimés), l’octosyllabe qui ouvre le poème et celui qui le ferme, mimant le geste d’embrassement.

Problématique(s) :

En quoi ce poème est-il original ?

Comment le texte justifie-t-il le titre « aube » ? En quoi ce texte est-il poétique ?

Une situation d’énonciation qui traduit une dimension onirique :

Un lieu composite et fluctuant :

monde urbain (« palais », « clochers », « dômes », « marbre » avec amplification des pluriels, une discrète somptuosité, un caractère imposant) / nature : « bois », « sentier », « fleur », « wasserfall », « coq », « bois » (2 fois)

horizontal (« route », « plaine ») et vertical (« wasserfall », « cime », « clochers, dômes », « en haut », « au bas »)

liquide : présence de l’eau (« eau », wasserfall », « quais »), solide (« palais », « marbre ») et aérien (« les ailes se levèrent », les voiles)

paysages du nord (mot allemand + sapins) et méditerranéen (lauriers)

Une temporalité ambiguë :

A priori du lever du soleil à midi, donc un récit chronologique + été (confirmé par « fleur » et « tièdes »). Repères : « rien ...encore »/ « la première »/ « déjà »/ « alors » mais l’aube « tombe » (l.16) juste avant midi et alors qu’on passait de l’endormissement du début à la poursuite (mouvement intense), on aboutit à un réveil. La fin et le début coïncident donc pour le thème.

Le passé composé se réfère à un événement récent, lié au présent, quand le passé simple installe la coupure du passé révolu, celui du récit de fiction mais il choisit deux formes (« dit » et « rit ») communes au présent et au passé simple et « s’échevela », outre le caractère inhabituel de la forme pronominale, inscrit l’action non dans la description (imparfait de durée) mais dans l’instantanéité, ce qui est discordant car une cascade ne peut se mettre à couler à un instant donné seulement.

« je » (« me ») semble renvoyer, jusqu’aux deux dernières lignes, au poète, narrateur d’une expérience personnelle qu’il nous fait partager de communion avec la nature et avec l’aube - expérience si singulière qu’elle exclut les autres êtres humains du texte. La grand’ville elle-même paraît déserte. Mais la ligne 16 utilise la 3° personne : « l’enfant », comme si le poète était témoin d’une scène qu’il évoque avec du recul. Pourtant, il vient de parler d’une étreinte avec l’aube et nous assimilons donc immédiatement « je » et « l’enfant », d’autant que le geste d’«agiter les bras » (l.10) a une connotation très enfantine, de même la course. L’un et l’autre se dissolvent d’ailleurs dans la dernière phrase qui ne précise pas qui fait l’action de se réveiller : « je » et « l’enfant » seraient-ils des personnages qui n’existent que dans le rêve ?

Enfin, le texte semble évoquer une expérience initiatique réussie (l.1 et 15 bien que « un peu » relativise le succès), du type de celles qui font passer de l’enfance au statut d’initié, qui font sortir de l’enfance. La présence de ce mot dans l’avant-dernière phrase traduirait- elle l’impatience et la précocité de Rimbaud ? Là encore le texte ne fonctionne pas selon la logique attendue.

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