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Commentaire de Candide

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Par   •  22 Mars 2016  •  Commentaire de texte  •  2 646 Mots (11 Pages)  •  929 Vues

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Lecture analytique n°2 : Candide – Extrait du chapitre 19 sur le nègre de Surinam, Voltaire (1759)

Cet extrait a été écrit en 1759 par Voltaire de son vrai nom François Marie Arouet, un grand philosophe des Lumières né en 1694 et décédé en 1778 à Paris. Voltaire ayant été emprisonné et exilé à plusieurs reprises pour ses propos satiriques, il trouve dans Candide et le conte philosophique un moyen d’exprimer ses idées de façon détournée mais libre. Ce texte se situe juste après l’Eldorado, Candide et Cacambo quittent cet endroit placé sous le signe du bonheur et continuent leur périple. Ils arrivent à Surinam, colonie hollandaise située à proximité des côtes de la Guyane où ils espèrent atteindre le bonheur. Au XVIIIème siècle, avec le commerce triangulaire l’esclavage connait un très grand développement. Les Européens bâtissent leur puissance économique en asservissant des centaines de milliers d’Africains qu’ils déportent dans leurs colonies pour les y faire travailler jusqu’à l’épuisement et la mort. Dans le même temps un vaste mouvement d’opinion sous l’égide des philosophes et des encyclopédistes dénonce l’esclavage des noirs et demande son abolition.
Voltaire défenseur des opprimés participe à cette compagne et profite des voyages de son personnage Candide pour le mettre en présence d’un esclave et dénoncer autre l’esclavagisme la religion chrétienne mais aussi la philosophie optimiste.

I. La critique de l’esclavage

a)Les circonstances de la rencontre

Tout d’abord, le relevé des indices de lieu invoque les circonstances de la rencontre : « en approchant de la ville ils rencontrèrent un nègre étendu par terre » ; mais aussi les continents du commerce triangulaire qui s’effectuait au temps de l’esclavage entre l’Afrique, l’Amérique et l’Europe : « sur la côte de Guinée », « nous travaillons aux sucreries », « c’est à ce prix que vous mangez du sucre en Europe ».

b) Avec le nègre de Surinam, une allégorie de l’esclavage

Voltaire ne présente qu’un cas unique, un seul esclave, pour symboliser toutes les victimes de ce système qui détruit toute dignité humaine. Cet homme a subi une triple mutilation :
●une mutilation physique →il a subit une double amputation : « jambe gauche », « main droite ».Cet homme n’est plus qu’une moitié d’homme, il est diminué par une symétrie qui le rend bancal mais aussi pitoyable pour Candide : « Eh !mon Dieu !lui dit Candide en hollandais, que fais-tu là, mon ami, dans l’état horrible où je te vois ? ».
Cette amputation physique est relayée par une amputation de son habit, Voltaire présente d’abord l’habit puis les membres tranchés, on a l’impression qu’il les met sur le même plan. On sent donc ici l’ironie de l’auteur qui montre que pour les esclavagistes ces deux mutilations avaient la même importance. D’ailleurs son esclaves est presque nu d’où l’expression « pauvre homme » qui émane du narrateur qui ne peut rester neutre.
●une mutilation sociale →cet homme est la propriété de M.Vanderdendur, il est considéré comme un bagnard, un prisonnier. C’est un déporté, il a été arraché à son Afrique natale, il n’a pas de nom propre (« ils rencontrèrent un nègre »), il parle le hollandais « Eh !mon Dieu !lui dit Candide en hollandais »), il a donc été privé de sa langue, de sa culture et même de son identité.
Voltaire le place au sol (« étendu par terre »).Il est ravalé plus bas que terre comme un animal mais même les animaux semblent avoir un sort plus enviable ce qui transparait à travers une comparaison : « les chiens, les singes et les perroquets sont mille fois moins malheureux que nous », Voltaire n’a pas choisi ces animaux au hasard, en effet les singe est une caricature de l’homme de par son mimétisme verbal. Le singe et le perroquet donnent également une coloration exotique. Le chien peut représenter le traître, le bandit, le lâche.
●une mutilation spirituelle →on a converti le nègre de force au protestantisme il a donc perdu ses racines religieuses : « les fétiches hollandais qui m’ont converti ».Le pronom personnel « m’ » en fonction de COD montre la passivité du sujet, l’absence de choix, l’expression  « pauvre homme » est doublement justifiée car il est pauvre matériellement et spirituellement. Tout comme on lui a coupé les membres on l’a coupé de ses racines.

c)La dénonciation des responsables et du code noir. Qui sont les responsables de cette triple mutilation ?

Si il y a esclave il y a maître : ici M.Vanderdendur. Certains termes le désignent : de par son nom qui signifie vendeur à la dent dure, Voltaire joue sur l’onomastique, d’autre part l’expression « fameux négociant ».On peut se demander pour quelles exactions il est renommé, réputé. Dans le nom propre le dental provoque du rire mais témoigne également de la dureté du maître.
Est-ce-que ce que le maître a fait est inconcevable? Non, car Voltaire à travers le nègre lui-même mentionne que c’est l’usage. Il l’a acheté au marché aux esclaves à un négrier qui l’a lui-même acheté à ses propres parents. Les parents ont ainsi agi par ignorance et intérêt (« lorsque ma mère me vendit dix écus patagons sur la côte de Guinée » ;  « mon cher enfant, bénis nos fétiches, adore les toujours, ils te feront vivre heureux, tu as l’honneur d’être esclave de nos seigneurs les blancs, et tu fais par-là la fortune de ton père et de ta mère. »).C’est un système bien organisé, bien huilé mais surtout bien codifié. C’est une machine administrative bien organisée, en effet les trois points qui provoquent la pitié de Candide sont le résultat de l’application d’un règlement, d’un code. Quand Candide voit le nègre revêtu d’un simple caleçon c’est normal car dans le code noir il est dit qu’il faut leur donner un caleçon tous les six mois. Des économies drastiques sont faites sur le dos des esclaves, les esclavagistes sont mesquins. Quant à la jambe amputée elle est le résultat du désir de fuite de l’esclave. Enfin, la main coupée renvoie au règlement en cas d’accident. Ces trois éléments sont expliqués en détail par la victime de façon froide, ce qu’elle a subi c’est le règlement : « Quand nous travaillons aux sucreries, et que la meule nous attrape le doigt, on nous coupe la main ; quand nous voulons nous enfuir, on nous coupe la jambe :je me suis trouvé dans les deux cas. »Les indices de temps constitués par les deux prépositions conjonctives s’inscrivent dans des conditions symétriques qui ne laissent passer aucune critique.
Le style n’est pas exclamatif, on est sur le mode du constat alors qu’on est sur des châtiments corporels inadmissibles. On a l’impression qu’à ce stade de sa vie il est résigné. La modestie de son discours transparait d’ailleurs à travers l’emploi de tournures négatives : « […], mais ils n’ont pas fait la mienne. […]Je ne suis pas généalogiste ».
Par ailleurs, le point non-personnel utilisé « nous » représente les dominés, les esclaves. Quant aux maîtres ils sont représentés par le pronom indéfini « on ».L’emploi de ces deux pronoms souligne l’opposition. Quant au temps, il s’agit du présent de vérité générale ce qui met en évidence le fait que ce que dit l’esclave ne peut être mis en doute puisque c’est l’exposé d’un règlement, tout est fait pour nous montrer que l’esclavage est codifié. Voltaire fait référence au code noir et le dénonce, celui-ci a été édicté en France en 1518 et il définit le statu des noirs dans la société. Ceux-ci sont considérés comme des objets, des biens meubles. Dans le code noir toutes les punitions sont répertoriées, le but avoué étant d’éviter que les maîtres dépassent les limites de la cruauté mais le but du code noir qui est soi-disant de protéger les esclaves est une législation de la violence, la cruauté.
Les lois sont appliquées sans remords, on remarque que l’esclave ne se plaint pas, il est trop tard pour lui.
Cependant derrière l’euphémisme « C’est l’usage » on sent poindre l’ironie voltairienne. Il emploie aussi une litote « je me suis trouvé dans les deux cas », celle-ci évoquant les terribles souffrances qu’il a dû endurer. Avec cette litote et cet euphémisme on a un exemple des mécanismes simples et efficaces employés par Voltaire pour dénoncer l’esclavage, que l’on retrouve à travers l’emploi de nombreux décalages.

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