Commentaire Ruy Blas de Victor Hugo V, 4
Commentaire de texte : Commentaire Ruy Blas de Victor Hugo V, 4. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar jadebatby • 10 Février 2019 • Commentaire de texte • 2 000 Mots (8 Pages) • 810 Vues
Ruy Blas : Lecture analytique acte V scène 4
Depuis la Préface de Cromwell en 1827, Victor Hugo s'est imposé comme le chantre du drame romantique. Son œuvre dramatique qui bouleverse les principes de la tragédie classique fait scandale, et ce plus particulièrement dans Ruy Blas, joué en 1838. Le dramaturge y tisse sous un jour nouveau les thèmes de l'amour impossible et de la politique puisqu'il offre à la scène les sentiments partagés d'un laquais et d'une reine. Cependant, dans cette scène de dénouement, Maria de Neubourg pleinement éclairée sur la machination de Salluste et ce qu'elle considère comme une trahison de Ruy Blas, refuse de pardonner le valet et le conduit à la mort, un motif dramatique que Victor Hugo traite néanmoins avec une grande originalité. Il s'agira de démontrer comment la mort de Ruy Blas est l'occasion pour Victor Hugo d'un dénouement romantique original qui privilégie la représentation et l'émotion. Nous allons d'abord étudier cette scène comme un duo lyrique sublime puis nous verrons comment le dramaturge recourt à une écriture qui privilégie le spectacle et l'émotion.
I - Un dénouement romantique en rupture avec la tradition classique
A – Refus des règles classiques
Cette scène remplit les fonctions d'un dénouement traditionnel puisqu'elle apporte une réponse rapide et complète aux questions soulevées par l'intrigue. Elle s'écarte cependant de la dramaturgie classique en bien des points. La règle la plus contestée concerne la règle de bienséance. La dramaturgie classique interdit la représentation de la mort sur la scène. Or ici le spectateur assiste à la mort en direct du héros. La lente agonie du héros est dramatisée à la fin, notamment avec la longueur décroissante des répliques.
De plus, l’amour entre les deux personnages se ressent plus dans la gestuelle que dans les paroles comme le montrent les didascalies : « l’entourant de ses bras », « tenant la reine embrassée », « la reine le soutient dans ses bras », « se jetant sur son corps ». Cette présence charnelle du corps est inconcevable pour une tragédie classique où les corps sont engoncés dans une dignité froide. Le mouvement de cette scène marqué par les nombreux verbes de déplacement et de mouvement « il se lève et marche », « il prend la fiole », « la reine se levant et courant à lui », « se jetant sur son corps » s’oppose aussi au statisme classique.
B. Le mélange des genres et des registres
Cette scène par la mort de son héros est tragique. La fatalité écrase le personnage, sa mort était inévitable. Tragique aussi est l’amour impossible et destructeur entre Ruy Blas et la reine : « cet amour m’a perdu. » Le motif du poison témoigne en outre d'un mélange des genres puisque la fiole mortelle appartient au mélodrame (drame populaire caractérisé par le pathétique, le sentimentalisme et des situations invraisemblables). La scène est aussi lyrique et pathétique avec le champ lexical des sentiments et de la souffrance, la ponctuation expressive par les nombreuses exclamatives ou les fausses interrogations à valeur exclamative « Qu’avez-vous fait ? », l’invocation à Dieu, les parallélismes avec l’antithèse « vivant par son amour, mourant par sa pitié ». Le mélange des genres est à l’image du mélange des statuts sociaux : dimension scandaleuse de la didascalie indiquant que la reine est dans les bras d'un valet, d'un homme du peuple. Certaines remarques de la reine relèvent en outre du grotesque, notamment lorsqu'elle interroge Ruy Blas sur ce qu'il vient d'avaler alors que cela relève de l'évidence « Ce n'est pas du poison, cette affreuse liqueur ? »
C) La libération du langage
Hugo se détourne de l'usage traditionnel de l'alexandrin : il cherche ainsi à se rapprocher le plus possible de la prose pour générer un effet de naturel. Le lexique participe parfois de la même dynamique. Ainsi l'expression « Ce n'est pas du poison, dis ? » relève d'un langage prosaïque.
II. Un dénouement spectaculaire qui privilégie l’émotion
A - Un dénouement spectaculaire :
On peut utiliser cet adjectif parce que la mort est représentée sur la scène et non racontée.
Leur duo est fortement dramatisé par les nombreuses didascalies signifiant combien les gestes et les attitudes des deux protagonistes témoignent de la violence de leurs sentiments contradictoires. On note ainsi chez Ruy Blas tout un jeu entre la verticalité et l'horizontalité, entre le mouvement et l'immobilité. Il s'abaisse en début de scène comme un homme abattu et gagne progressivement une horizontalité propre à la mort, mais la didascalie «levant les yeux au ciel » traduit l'ascension, l'élévation de son âme.
La gestuelle est très démonstrative : ex « la vide d'un trait »/ « la reine, se jetant sur son corps ». La mention de l'embrassade rend pleinement manifeste leur union amoureuse.
La dimension spectaculaire de la scène est en outre renchérie par le lieu : une chambre close (souligne l'intimité mais aussi l'atmosphère pesante). L'action se concentre rapidement autour de deux accessoires : la table et la fiole.
B- Une scène qui privilégie l'émotion :
Plus que du tragique, on note un certain pathétique dans cette scène. Le dramaturge cherche à gagner la compassion du public pour son héros. Il meurt effectivement, mais parce qu'il le décide et non parce que cette mort lui est totalement imposée par le destin.
Il joue sur la représentation de la mort en direct. Il s'agit d'une mort lente par poison, ce qui permet au personnage de continuer à s'exprimer. De plus il exhibe la façon dont le héros choisit cette mort (Salluste étant mort rien ne l'y contraint véritablement) : impératif de RB à lui même : « Triste flamme, étains toi », le présent d'énonciation « je meurs » et l'évocation de son existence au passé « je ne pouvais plus vivre » « vous m'avez aimé ». On peut parler d'effet de réel. Ce réalisme est également traduit par le rythme décroissant des dernières répliques qui cherche à mimer le souffle de plus en pus court de RB, son agonie.
Il recourt au champ lexical de la souffrance amoureuse, souffrance qui disparaît paradoxalement une fois le poison absorbé.
La culpabilité de la reine renforce cette douleur « C'est moi qui l'ai tué ». Cette mort révèle la reine à elle même et lui permet de découvrir la profondeur de son sentiment amoureux. Cette dernière ne fuit pas mais l'accompagne jusqu'au dernier souffle comme une piéta (Vierge tenant sur ses genoux le corps du Christ après sa descente de la croix)
Hugo, parfaitement maître de sa dramaturgie joue avec la complicité du spectateur et il en fait un témoin privilégié : il use pour cela de la double énonciation propre au théâtre notamment lorsque la reine s'interroge : « Que fait-il ? »L'affirmation de Ruy Blas « Tout restera secret », met finalement le public dans l'intimité de la situation et surtout dans le secret
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