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Ruy Blas, Victor Hugo 1838

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Par   •  11 Mars 2013  •  3 747 Mots (15 Pages)  •  1 762 Vues

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Lecture Analytique n°2 : le monologue lyrique (acte 2 scène 2)

Préambule : on prendra en écho le monologue de Phèdre, texte qui ne sera pas présenté sur la liste des textes du bac, mais doit être dans vos mémoires pour mieux apprécier ce monologue de la Reine dans Ruy Blas.

Introduction

Cette scène 2 de l'acte 2 est un monologue : un personnage est seul sur scène et s'exprime, rendant le public confident de ses épanchements.

Dans la tradition du théâtre classique, le monologue est un moment privilégié où le personnage se livre à un débat intérieur. Il cherche une solution à un conflit (tel le monologue de Phèdre), il exprime une hésitation entre deux intérêts contradictoires (monologue de Rodrique dans Le Cid). Nous pouvons donc dire que le monologue dans le théâtre classique est le plus souvent un monologue délibératif.

Dans Ruy Blas, la Reine est seule dans sa chambre et elle laisse libre cours à ses sentiments et à sa rêverie. Ce qu'elle doit garder caché en compagnie, elle peut l'exprimer librement. Ce monologue est ainsi un véritable exutoire au mal-être de la Reine et à l'appel amoureux qu'elle ressent.

Il s'agit d'un monologue lyrique.

Les caractères propres au monologue lyrique, et présents dans la scène que nous étudions :

- épanchement personnel

- attendrissement et plainte

- amour

Le sujet est explicitement celui du romanesque : une lettre d'amour reçue dans des circonstances typiques (dentelle ensanglantée), nous sommes très éloignés des grandes questions morales et métaphysiques qui agitent les héros tragiques. C'est ainsi plus l'émotion qui domine tout ce monologue qu'un débat de conscience radical et violent (voir là encore le monologue de Phèdre).

Intérêt général du texte : Les signes du monologue lyrique et l'appartenance du texte au genre du DRAME ROMANTIQUE.

PARTIE 1 : Le lyrisme de la Reine

a. "la reine est un ange, la reine est une femme" (Préface)

Le monologue de la Reine permet au spectateur d'entrer dans les pensées et sentiments intimes de la Reine. Il se trouve au coeur de son déchirement. Le choix de valoriser le lyrisme est un parti-pris de la part de Victor Hugo qui est annoncé dès la préface : "la reine est un ange, la reine est une femme". Cela signifie que la reine n'aura pas la grandeur d'une héroïne tragique (les termes de son déchirement n'affirment aucun dépassement de sa personne. Si elle évoque le destin, c'est pour donner plus d'ampleur poétique à sa douleur), mais le pathétique d'une femme dotée de qualités morales supérieures, placée dans l'incapacité de vivre pleinement sa vie de femme.

b. Le signe du pathétique : l'abandon

L'expression de la solitude de la reine est présente plusieurs fois dans ce monologue.

Déjà, dès le deuxième vers : "Où la fuir maintenant ? Seule ! Ils m'ont tous laissée." (vers 754). Nous observons dans ce vers que l'adjectif "seule" est d'une part placé à la césure et renforcé par le point d'exclamation, et d'autre part employé par anticipation (grammaticalement on a : ils m'ont tous laissée seule). Cette liberté prise avec l'ordre de la phrase est un effet poétique pour poser l'accent sur la solitude de la reine, avant les circonstances qui l'ont conduite à cette solitude. C'est l'émotion qui est première.

Cette solitude est ensuite soulignée au vers 769 : "Toi qui, me voyant seule et loin de ce qui m'aime". L'adjectif "seule" est également placé à la césure. Cela lui donne de l'importance et crée un effet d'écho avec la première occurrence.

Cette solitude est enfin le signe d'un abandon profond. La reine est "loin de ce qu'[elle] aime" (vers 769), elle est soumise à une "inflexible loi" (dont le spectateur a eu une démonstration dans la scène précédente avec les interventions sèches et autoritaires de la camera mayor), elle est sans appui face à la menace que représente don Salluste ("que c'est faible une reine et que c'est peu de chose !" vers 785), elle est dans un isolement affectif impossible à supporter ("quand l'âme a soif, il faut qu'elle se désaltère, / fût-ce dans du poison et je n'ai rien sur la terre. / Mais enfin il faut bien que j'aime quelqu'un, moi ! vers 801 à 803).

Le contexte de ce monologue est ainsi très pathétique et cela repose sur la solitude et l'abandon éprouvés par la reine. Face à cette solitude, elle cherche du réconfort dans sa propre parole, dans la plainte et dans le sentiment amoureux, même s'il n'est pas encore totalement assumé.

Pour répondre au pathétique de la situation, c'est un discours lyrique qui va se développer.

c. Les signes du lyrisme :

Le lyrisme est à l'origine un chant. Orphée en est la figure mythologique (mythologie grecque). Ses chants avaient la vertu d'émouvoir jusqu'à la nature (ils adoucissaient les bêtes féroces et donnaient vie aux rochers). Ils étaient l'expression d'une plainte profonde : abandon et perte de son aimée (Eurydice).

Le lyrisme a toujours habité l'expression littéraire. Ce n'est que le XVIIIème siècle qui lui a donné peu d'importance en face de l'engagement philosophique. Le XIXème siècle, en plein romantisme, revivifie le lyrisme qui devient même un signe distinctif de l'expression romantique. La reine, dans ce monologue prend la voix du lyrisme pour s'épancher et trouver ainsi un peu de réconfort. Elle exprime deux grands thèmes lyriques : la plainte et l'amour.

- L'épanchement du moi

S'épancher signifie donner libre cours à ses pensées, à ses sentiments, pour le seul bien de s'exprimer. L'épanchement est ainsi lyrique car il magnifie les ressentis personnels, en les rendant dignes d'une expression. Ici expression poétique.

Le premier signe de l'épanchement est celui d'un certain enfermement sur soi. La reine se retrouve seule dans sa chambre et fait alors un retour sur elle-même

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