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Naissance de l'Odyssée (Jean Giono) : explicit

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Par   •  13 Mars 2017  •  Commentaire de texte  •  1 746 Mots (7 Pages)  •  3 207 Vues

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Lecture Analytique 7 : Explicit de Naissance de l’Odyssée

Durant l’antiquité, au VIIIe siècle av JC, apparaît une œuvre phare de la littérature : L’Odyssée, attribuée à Homère. Sujet de maintes réécritures, elle reste aujourd’hui une des premières épopées et un classique de la littérature. Naissance de l’Odyssée de Jean Giono est une réécriture et réinterprétation de l’Odyssée où Ulysse apparaît comme un personnage très différent de celui d’Homère. Il n’a rien d’un héros de guerre, et, après avoir passé dix ans loin de sa femme, il doit trouver une excuse pour son absence prolongée. Il invente alors sa propre Odyssée, et crée son propre mythe ; tandis que son fils Télémaque, véritable héros de rudes combats, n’est pas cru. Le roman s’achève ainsi, par cet épilogue. Nous nous demanderons en quoi cet explicit est une réinterprétation originale et personnelle de l’auteur de l’Odyssée ; en voyant que l’auteur s’inspire de l’épopée antique, pour en faire une création littéraire s’éloignant du mythe d‘origine, et qui fait apparaître une vision personnelle de L’Odyssée.

I/ Un texte qui s’inspire d’une épopée antique : L’Odyssée

  1. Les références à l’antiquité
  • L’explicit prend forme dans un cadre naturel, ici Ithaque. Le lecteur ne peut que remarquer le soin tout particulier de l’auteur quant à la description du lieu, rappel de la Grèce d’Ulysse :
  • « au large d’un petit îlot magnifique » l 3 ; « les cyprès, les saules » l 10 ; « voix des chênes » l 12
  • Rappel de la culture antique, avec les « dieux de pierre debout sur les frontons des temples » l 38
  • La forme du récit rappelle parfois la forme des chants antiques (L’Odyssée étant d’abord de tradition orale et chantée)
  • Ô emphatiques « Ô majesté » l 35
  • Questions oratoires « Etait-ce là la fin du beau voyage ? » l 11 qui coupe avec le rythme du texte
  • Exclamation « c’en était fait/ Non ! » l 22 qui marque le danger et les actions
  • Isotopie de la parole, se rapportant à la nature : le paysage est personnifié et raconte oralement les péripéties « les cyprès, les saules ne parlaient plus » l 10 ; « la grosse voix des chênes » l 12 « murmura » l 12
  • « on chanta derrière les cyprès. Une chanson sauvage » l 43 : le chant, encore rappel des épopées chantées
  1. Mise en abîme de l’Odyssée
  • Tout au long du texte est présent la métaphore filée de la navigation qui rappelle les épreuves marines d’Ulysse, la canette représente le bateau d’Ulysse
  • « la canette filait grand erre devant le vent, sans escales, dans une eau aisée » l 1 : 1ere ligne de l’explicit, l’auteur montre d’emblée sa volonté de rendre un résumé de l’Odyssée 
  • « la proue » l 2 ; « au large » l 3 : termes de navigation
  • Les épreuves d’Ulysse sont retranscrites tout au long du texte
  • A la première ligne « grand erre dans le vent » peut faire penser aux vents d’Eole
  • Champ lexical de la digestion « engloutissait dans un hoquet » ; « nombril » ; rappel de Charybe et Sylla
  • « pareilles aux malheureuses englouties » : les navires coulés par les sirènes
  • « épieu en bois de platane » : arme qui vainc le cyclope
  • « l’eau, plate et luisante comme du métal » l 8 : dangerosité de l’eau, le métal rappelant les armes et les combats ; « inimité marine » l 29 colère de Poséidon ; « il faut se méfier des caresses même de la mer » l 16 : ambivalence de l’eau et danger
  • Blessures, douleurs d’Ulysse « blessure tamponnée de boue » l 18

Nous avons donc affaire à un texte qui s’inspire de l’Odyssée, par ses références antiques et sa mise en abîme de l’épopée, mais nous verrons que celle-ci permet une création littéraire personnelle et originale e l’auteur.

II/ La création littéraire de l’auteur coupant avec le mythe d’origine

  1. Un détail ordinaire devenu épopée mythique
  • La mise en abîme de l’Odyssée citée plus haut est en fait représentée par une simple canette (bobine de fils), qui dérive sur l’eau. Un détail insignifiant et habituel qui devient ici une véritable épopée : « en était-ci fini du long périple ? » l 26
  • Rythme qui varie, comme une grande aventure (et qui rappelle encore une fois les éléments de L’Odyssée) :
  • rythme d’abord calme « eau aisée », l 1 ; « vaste pleine liquide », l 6 ; « désert absolu », l 6 ; « silence de la mer et du ciel » l 7 ;
  • puis violent « le fleuve aérien la conduisait à sa perte irrémédiable » l 17 ; répétition de « tourbillon » l 19 et 25 : déchaînement des eaux ; « le gouffre s’était creusé » l 21 ; retournement de situation « non ! » l 23

 Calme visuel et sonore, mais qui n’est qu’une tranquillité apparente, calme avant la tempête, tout comme dans l’épopée d’Homère : rythme qui varie entre pauses et danger, le silence de « la mer et du ciel » et « le fleuve aérien » rappelle d’ailleurs les principaux ennemis d’Ulysse : Poséidon et Zeus

  •    schéma narratif semblable à une épopée
  • Verbes à l’imparfait au début du texte, posant le contexte (SI) puis soudain changement de temps « elle croisa » l3, et enfin les enchaînements de péripéties, citées plus haut avec les épreuves d’Ulysse, et une tension dramatique avec les questions oratoires et les rebondissements (« non ! »).

Le périple d’Ulysse est donc illustré par la canette, on peut parler de registre héroï-comique, par le décalage entre la bobine de fils banale et les évènements qu’elle conte.

  1. L’épilogue, potentielle ouverture qui contrecarre avec l’Odyssée
  • Changement de registre
  • Blanc typographique : nouvel angle
  •  Changement de ton, champ lexical de la barbarie/violence « hachée par des dents qui voulaient mordre » l 43-44 ; « tripes au soleil » l 44 ; « gueules écrasées à coup de talon » l 45

 Rappel des violences véritablement vécues par Télémaque

 Ton qui contrecarre avec le décalage et la légèreté précédente : le décor s’assombrit, le roman se termine sur une touche dramatique, on peut supposer que Télémaque compte tuer son père « il appointait soigneusement à la serpe un épieu en bois de platane » l 51

  • Le décor devient également plus sombre, de « petit îlot magnifique » l 3 à « sombre barrière » l 46 ; « orage passé » l 49
  • Potentielle ouverture quant à la suite :
  • Télémaque créera-t-il sa propre Odyssée ? si oui elle s’annonce sanglante et violente
  • Contraste entre Ulysse et Télémaque
  • Ulysse sûrement apeuré « Télémaque ! »  surprise ou peur
  • Télémaque terrifiant, par sa chanson et son apparence « tout ruisselant de l’orage passé : ses cheveux plats serraient son crâne comme un casque » l 49-50 : le casque rappel les combats, les armes, Télémaque est un homme de guerre
  • Télémaque représente l’homme blessé, vexé, humilié, celui que l’on a refusé de croire : vengeance
  • Ténacité de sa rancœur illustrée par les adjectifs « résolu et grave »

L’auteur montre donc une nouvelle vision de l’Odyssée, une épopée presque parodiée avec le registre héroï-comique, et une fin qui ne correspond pas à celle d’Homère. Mais cette création littéraire originale devient également un récit plus personnel…

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