"Le poète sait descendre dans la vie; mais croyez que s'il y consent, ce n'est pas sans but, et qu'il saura tirer profit de son voyage. De la laideur et de la sottise, il fera naître un nouveau genre d'enchantements." écrit Baudelaire dans L'Art Roman
Dissertation : "Le poète sait descendre dans la vie; mais croyez que s'il y consent, ce n'est pas sans but, et qu'il saura tirer profit de son voyage. De la laideur et de la sottise, il fera naître un nouveau genre d'enchantements." écrit Baudelaire dans L'Art Roman. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Titi Ange • 23 Mars 2021 • Dissertation • 2 279 Mots (10 Pages) • 8 658 Vues
Charles Baudelaire est un poète français du XIXesiècle qui est considéré comme étant celui qui a initié la poésie moderne. Il se trouve au cœur des débats sur la fonction de la littérature de son époque, Baudelaire détache la poésie de la morale, la proclame tout entière destinée au Beau et non à la réalité. Ses œuvres comme Les Fleurs du Mal et Les Petits poèmes en Prose sont des exemples concrets de sa vision sur la poésie. De plus ses œuvres se situe au carrefour de toutes les influences du XIXe siècle, héritier du Romantisme et du Parnasse, la poésie de Baudelaire annonce le symbolisme. A travers cette citation extraite de L’Art Romantique de 1852, Baudelaire propose une conception de la poésie. Pour lui, un poète peut descendre dans le monde au milieu des Hommes, semblable aux autres pour s’inspirer de leur environnement laid et méprisable que le poète changera en beauté et en quelque chose de merveilleux. C’est pourquoi on peut se demander si le poète est un être unique capable de transformer la laideur et la sottise du monde en une nouvelle beauté enchanteresse grâce à sa conception poétique. Pour ce faire, nous verrons pourquoi le poète descend dans la vie des Hommes tel un semblable puis comment le poète fait pour tirer un nouveau genre d’enchantements et pour finir nous verrons que la poésie ne se laisse pas enfermé dans une simple définition.
Pour Baudelaire, la relation du poète et de la vie est en conflit perpétuel, la vie est pour lui, l’oppression du monde. La citation donnée décrit cette relation, le poète «sait descendre dans la vie» à la manière de l’Albatros mais cette vie est définie comme «laideur» et «sottise». Cette vie qui est représentée à travers les Fleurs du Mal et les Petits poèmes en prose. On observe une dévalorisation du monde, de «l’ici-bas»: «univers hideux», «monde ennuyé» («Bénédiction »); «miasmes morbides», «les ennuis et les vastes chagrins» («Élévation»). L’ennui est une des caractéristiques de l’ici-bas, ce lieu d’exil, de torture et de souffrance que le ciel pousse vers le bas et où l’idéal est inaccessible. Il apparaît dès l’adresse faite au Lecteur des Fleurs du Mal. Il fait naître la cruauté des hommes d’équipage dans « L’albatros ». Il se développe dans les états du «Spleen» et dans «Déjà» (Petits poèmes en prose), où le poète évoque la souffrance et le regret. Dans « Anywhere out of the world » (Petits poèmes en prose) la vie est comparée à un hôpital, «Cette vie est un hôpital où chaque malade est possédé du désir de changer de lit. Celui-ci voudrait souffrir en face du poêle, et celui-là croit qu’il guérirait à côté de la fenêtre ». D’où le désir de quitter le monde, de vivre «n’importe où» «pourvu que ce soit hors de ce monde» («Anywhere out of the world»). On observe également une dévalorisation du présent par rapport au passé dans «J’aime le souvenir de ces époques nues». Le poète oppose la vie antique et mythique où les hommes et les femmes étaient beaux et forts, sans péché, pleins de santé à l’époque moderne, marquée par la faute, le péché et le tourment. Les hommes ont maintenant de «ridicules troncs», de «pauvres corps tordus, maigres, ventrus ou flasques»; les femmes sont «pâles comme des cierges» et ont toutes «les hideurs de la fécondité». Dans «L’Idéal», le siècle de Baudelaire est qualifié de «siècle vaurien», capable uniquement de produire des «beautés d’hôpital» ou de «pâles fleurs». Son idéal à lui est «rouge» comme le sang, le meurtre, la Passion et va vers les œuvres puissantes de l’imagination montrant l’homme à l’égal des dieux.
Le poète s’enfonce au milieu des Hommes dans cette vie, s’identifiant à certains symboles du malheur. Cette identification est très présente dans les «Tableaux parisiens». On voit en effet le poète qui suit d’une façon presque maladive les «petites vieilles» et les épie.
Il s’identifie à ces « êtres singuliers, décrépits et charmants », «Ruines! ma famille! ô cerveaux congénères!» (Les petites vieilles). Cette identification est presque la marque de fabrique des Petits poèmes en prose. Dans «Les foules», le poète «jouit de cet incomparable privilège, qu’il peut à sa guise être lui même et autrui» «Comme ces âmes errantes qui cherchent un corps, il entre, quand il veut, dans le personnage de chacun. Pour lui seul, tout est vacant; et si de certaines places paraissent lui être fermées, c’est qu’à ses yeux elles ne valent pas la peine d’être visitées.». Dans «Les Veuves», Baudelaire revient sur ces places, ces lieux, ces âmes que le Poète aime visiter et ces lieux où se donnent rendez-vous les «éclopés de la vie», c’est surtout vers ces lieux que les poètes et les philosophes aiment diriger leurs désirs supposés. Ils se sentent entraînés vers tout ce qui est faible, ruiné, contristé, orphelin («Les veuves»). Le poète s’identifie donc à des images de la solitude, de la pauvreté et de l’oubli, de la misère humaine, ou de l’étrangeté, à l’image du «vieux saltimbanque». «Et, m’en retournant, obsédé par cette vision, je cherchai à analyser ma soudaine douleur, et je me dis: je viens de voir l’image du vieil homme de lettres qui a survécu à la génération dont il fut le brillant amuseur ; du vieux poète sans amis, sans famille, sans enfants, dégradé par sa misère et par l’ingratitude publique, et dans la baraque de qui le monde oublieux ne veut plus entrer ». De ce lieu d’identification, le poète absorbe la sottise, la laideur et l’horreur du monde moderne.
De ce rapport au monde, il naît une nouvelle fonction du poète qui ne guide plus les Hommes, en contraste par rapport au romantisme. Le poète romantique était un mage, un prophète. Victor Hugo le décrit dans « Fonctions du Poète » (Les Rayons et les Ombres) comme guidant les peuples vers la lumière. Tandis que pour Baudelaire, le poète descend dans la vie. Il n’a plus cette élévation du poète romantique qui par son lien à l’excellence, ouvre un chemin de vérité aux hommes. Le poète de Baudelaire est, comme l’Albatros, «compagnon de voyage», existant au milieu des hommes, il accompagne les hommes dans leur voyage sur « les gouffres amers » (« L’albatros »). Il peut être aussi «L’étranger», dont la personnalité énigmatique ouvre Les petits poèmes en prose, celui qui n’a aucune attache dans le monde, qui est captivé par l’insaisissable, par l’idéal mais qui captive aussi les hommes et les inquiète par son mystère.
Confronté avec un présent plus que désagréable et un monde banal, vulgaire, le poète sait « tirer profit de son voyage » et faire naître
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