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Le Pain / le Parti -pris des choses de Francis Ponge

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Par   •  31 Mars 2022  •  Commentaire de texte  •  2 048 Mots (9 Pages)  •  550 Vues

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LL_4_ Le Pain, le Parti -pris des choses, 1942

Intro :

« Le Pain » est l’un des poèmes les plus connus du Parti Pris des choses de Francis Ponge, recueil publié en 1942. Ces poèmes, en prose, illustrent des objets du quotidien mais surprennent le lecteur en adoptant des points de vue singuliers. Ponge décrit, ici un pain, aliment certes banal mais rare pendant la guerre, c’est un objet qui prend une nouvelle dimension.

Lecture du texte :

Problématique :

Comment Francis Ponge renouvelle-t-il le regard que l’on porte sur le pain ?

Mouvements :

Paragraphe 1 et 2 : la description de l’aspect extérieur du pain

Paragraphe 3 : la description de l’aspect intérieur

Dernier mouvement : la formule finale et sa portée symbolique

Etude du texte :

  • Premier mouvement :

Le titre présente l’objet comme une entrée de dictionnaire avec un article défini « Le Pain » . Il nous prépare à lire la définition et, en apparence, le texte se présente comme un texte explicatif. En effet, la description est ordonnée. On peut noter l’emploi systématique de connecteurs logiques tout au long du poème : « d’abord à cause de », « ainsi donc », « mais, « car »,.. qui confèrent au texte l’aspect d’une réflexion. En outre, l’auteur utilise également le pronom impersonnel « On » et le présent de vérité générale comme dans tout texte explicatif, pour donner une portée générale à sa démonstration.

Paragraphe 1 :

L’objectivité propre au texte explicatif, scientifique disparait des le début du poème. En effet, la première partie de la phrase souligne l’idée que le pain ( objet quotidien) est source d’émerveillement pour le poète avec l’adjectif élogieux : « merveilleuse » (ligne 1). On retrouvera cette émotion à la ligne 6 avec les deux adverbes « si nettement » qui laisse transparaitre la fascination et l’admiration du poète pour la beauté de l’objet. Il y a donc bien dans ce texte une subjectivité affichée.

Ce premier paragraphe suscite la surprise par le biais d’un changement d’échelle : on passe d’une réalité banale microscopique à un imaginaire géographique. En effet, l’objet pain pourtant petit dans la réalité est décrit comme une association de massif montagneux. C’est le relief de la croute qui fait l’objet d’une comparaison comme si l’on avait à sa disposition sous la main les Alpes, le Taurus ou la Cordillère des Andes.

L’expression quasi panoramique insiste sur cette version à grande échelle : c’est tout un monde qui s’étend devant nos yeux. On remarque d’ailleurs que les chaînes de montagnes citées font référence à différents endroits du globe : l’Europe pour les Alpes, le Moyen Orient pour le Taurus et l’Amérique du Sud pour la Cordillère des Andes . Concernant la forme poétique, on peut noter que la suite des majuscules « Alpes/ Taurus/ Cordillères des Andes » dessine visuellement les montagnes évoquées.

Le pain est donc présenté comme une métaphore du monde.

Paragraphe 2 :

Le deuxième paragraphe accentue ce procédé : on passe de l’échelle terrestre à l’échelle cosmique avec les termes : « four stellaire » (l.4), « vallées, crètes, ondulation, crevasses » (l.5) et « lumière » (l.6). En effet, la métaphore du pain et de la terre est filée : le four dans lequel cuit le pain est comparé à l’univers (stellaire=étoiles)/ les aspérités du pain sont comparés à la croute terrestre (vallées, crêtes, ondulations, crevasses) qui s’est façonnée au fil du temps/ la mie au sous-sol de la terre avec l’expression « mollesse sous-jacente »

Mais le poète ne se contente pas d’une simple peinture du monde. Ce microcosme décrit alors, sous sa plume, prétexte à représenté la création du monde. Ce poème « Le Pain » propose à sa façon une Genèse, c’est-à-dire une histoire de la création du monde, une véritable cosmogonie. Au départ, il y a « masse amorphe » (donc uniquement de la matière) mise dans le « four » (sorte de big bang). On peut noter par ailleurs que le verbe « éructer » fait penser au volcanisme et cela donne tout son sens à l’étymologie du mot « mie » qui en latin se dit « mica », mot qui désigne justement pour les géologues, une roche d’origine volcanique.

On constate d’ailleurs, dans cette première phase, une allitération en « r » (ligne 4-5), sonorité suggestive qui mime la matière en fusion dans ce four. La deuxième phase laisse apparaitre une opposition entre la surface et la profondeur.

En effet, si le relief est décrit de façon positive avec « tout ces plans des lors si nettement articulés, ces dalles minces où la lumière avec application couche ses feux » qui souligne l’idée que la surface est le produit d’un agacement harmonieux, applique et logique, la profondeur, elle, est dénigrée avec l’emploi de l’adjectif hyperbolique « ignoble » dans l’expression « mollesse ignoble sous-jacente »

On remarque la présence d’un tiret ; le trait d’union n’est pas un signe de ponctuation banale. Il est souvent utilisé en poésie. Ici, il indique le changement de description entre croute et mie symbolisé par un tiret. Avant le tiret, c’est mélioratif, avec la « lumière », après le tiret, c’est péjoratif comme le montre l’expression « sans un regard pour ». 

On peut noter la polysémie du choix des termes péjoratifs associée à cette présentation : « mollesse ignoble » et « lâche et froid »  (3e paragraphe ) fait d’avantage penser à des termes habituellement attribués à des comportements humains. On a, par exemple l’expression « mollesse ignoble » qui renvoie à la fois à la consistance de la mie mais aussi à un comportement humain ; de même avec les adjectifs « lâche », « froid », qui s’appliquent davantage à une personne : « lâche » : double sens à prendre soit au premier degré (lâche= pas compact) ou en parlant d’une personne = pas courageux. « Froid » s’utilise également pour parler d’un objet ou d’une personne.

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