L’amant, Marguerite Duras
Fiche de lecture : L’amant, Marguerite Duras. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Ineslu • 4 Février 2019 • Fiche de lecture • 1 770 Mots (8 Pages) • 5 245 Vues
Lecture analytique n°3
L’amant
Marguerite Duras
Introduction générale :
Marguerite Duras naît à Donnadieu en 1914 en Indochine, où elle passe son enfance dans une certaine pauvreté. Après l’obtention de son baccalauréat, elle part à Paris faire ses études de sciences politiques. Elle épouse en 1939 Robert Antelme, avec lequel elle entre dans la Résistance. En 1950, elle publie « Un barrage contre le Pacifique », et commence une carrière prolifique de romancière, scénariste, dramaturge, réalisatrice et journaliste. Malgré sa rupture avec le Parti communiste, elle s’engage dans de nombreux combats, que ce soit contre la guerre d’Algérie, aux côtés des étudiants et des ouvriers en 1968, ou en faveur du droit à l’avortement. Elle obtient le prix Goncourt en 1984 pour son roman « L’amant » qui marque son retour à une écriture plus traditionnelle. Cette époque est aussi marquée par la dépendance à l’alcool, que plusieurs cures de désintoxication ne parviennent pas à enrayer. Marguerite Duras est une des figures du nouveau roman et meurt en 1996.
Le roman « L’amant » appartient au mouvement littéraire du nouveau roman.
(RAPPELS: Le nouveau roman est un mouvement littéraire qui va naître après le seconde guerre mondiale. Il est en rupture avec le roman traditionnel du 19ème siècle, il supprime donc les longues descriptions, il utilise des phrases courtes et souvent une focalisation externe.)
Le roman a beaucoup de succès et fait l’objet d’une adaptation cinématographique en 1991 mais Marguerite Duras n’est pas satisfaite de cette adaptation de son roman et publie une nouvelle version qui s’intitule « L’amant de la Chine du Nord ».
Introduction spécifique :
L’extrait se situe au début du roman et met en scène la rencontre.
Problématiques : Comment s’effectue la rencontre entre les deux personnages? En quoi cette scène de rencontre est-elle originale ?
Après avoir étudié la scène de rencontre entre tradition et innovation, nous verrons l’écriture autofictionnelle (auto fiction) du roman.
I) Une scène de rencontre entre tradition et innovation
1) L’hommage à la tradition
- Quelques indications permettent de visualiser l’allure de personnages. « chaussures d’or » (l. 3) et « L’homme élégant » (l.1)
- Ils sont décrits de façon légère juste pour permettre de visualiser la scène.
- Tout comme dans la scène Flaubert, l’homme est intimidé, tombe sous le charme et éprouve de l’admiration pour la fille. « il croit rêver » (l.11), « belle comme elle l’est » (l.22-23), « tout à fait extraordinaire » (l.21), « elle est si jolie, elle peut tout se permettre. » (l.28) renforcé pas « si » et « tout se permettre » montre qu’il admire la jeune fille.
- La scène se déroule sur un bateau situé sur le fleuve du Mékong. C’est un lieu hors du commun tout comme Flaubert. Ce lieu est isolé, un peu hors du temps et à l’écart du monde. Il est donc propice à la rencontre.
- La tenue de la fille ainsi que la richesse et l’élégance du garçon font que ce sont deux personnages qui sortent du lot.
- Il y a un échange de regard. « il regarde la jeune fille au feutre d’homme » (l.2-3) et « Elle le regarde. » (l.30)
2)L’écart à la tradition
- L‘époque est différente, la scène racontée se déroule dans une autre époque plus proche de nous.
- La tenue de la jeune fille est extravagante, elle se remarque. Cette tenue fait qu’elle se démarque. « feutre d’homme » (l.3) et « chaussures d’or » (l.3) Prouve que sa tenue est originale. La fille n’est pas dans les code et n’est pas conformiste, ce qui s’écarte des autres textes.
- « une jeune fille blanche dans un car indigène. » (l.24-25) montre une personnalité hors du commun
- Leurs attitudes respectives sont différentes de la tradition. En effet, le contact est immédiat. Le dialogue s’engage immédiatement. « il lui offre une cigarette » (l.6), « Elle lui dit qu’elle ne fume pas, non merci. » (l.8-9), « Elle ne dit rien d’autre, elle ne lui dit pas laisser moi tranquille. » (l.9-10)
- Ils se posent des questions l’un et l’autre de part et d’autre. « mais d’où venez vous ? » (l.14) et « Elle lui demande qui il est. » (l.30)
- À la fin de l’extrait, il lui propose tout de suite de la raccompagner et elle accepte immédiatement mais elle est indifférente. « Voulez-vous me permettre de vous ramener chez vous à Saigon ? Elle est d’accord. » (l.36-37-38)
- La fille fait des réponses très courtes dans lesquelles elle dit le minimum de choses. « Oui c’est ça. » (l.19-20) Aussi, elle dit beaucoup de phrases négatives. « Elle lui dit qu’elle ne fume pas » (l.8-9) et « Elle ne répond pas » (l.11-12) Tout cela lui donne un certain côté indifférent.
II) L’écriture autofictionnelle (roman autobiographique auto-fiction)
1) Le cadre colonial
- La scène se déroule pendant la colonisation française et cela influence les relations des personnages.
- Il est mal l’aise car les colons (blancs) ne se mélange pas avec les indigènes. Il n’appartient pas à la classe dominante qui a le pouvoir donc cela le place dans une situation d’infériorité. « Il y a cette différence de race, il n’est pas blanc, il doit la surmonter, c’est pourquoi il tremble. » (l.6-7-8) Dès le début du texte, ce détail marque le cadre colonial.
- La timidité de l’homme n’est pas naturelle et elle vient de la différence de race entre la fille et lui. Cela crée donc une relation compliquée.
- Le verbe « surmonter » (l.7-8) montre qu’il fait un effort pour l’aborder, qu’il prend sur lui et essaye de se dépasser.
- L’homme insiste lui même sur cette différence de race. Il se sent en situation d’infériorité. « vous ne vous rendez pas compte, c’est très inattendu, une jeune fille blanche dans un car indigène. » (l.23-24-25)
- L’homme est beaucoup plus riche que la fille. Elle appartient à une famille modeste.
- Dès les premières lignes, on voit qu’il est élégant et possède une voiture. « L’homme élégant est descendu de la limousine » (l.1) Il a les moyens d’acheter des cigarettes anglaises qui sont des produits venu de loin. « il fume une cigarette anglaise. » (l.2) marque sa position sociale
- « Il dit qu’il revient de Paris où il a fait ses études » (l.30-31) montre encore une fois qu’il est aisé, qu’il fait parti d’une élite car Paris est le centre du monde culturel et intellectuel à l’époque. Le rayonnement de la France est extrêmement important dans le monde entier grâce aux colonisations. Les familles riches des pays colonisés envoient leurs enfant faire leurs études dans la capitale française.
- Il possède un chauffeur ainsi qu’une voiture qu’il ne conduit pas lui même.
- « Il est de cette minorité financière d’origine chinoise qui tient tout l’immobilier populaire de le colonie. » (l.41-42-43) signifie que sa famille est dans la finance, possède tout l’immobilier et encore une fois qu’il est très riche.
- Dès leur début de conversation, on évoque la mère de la jeune fille. « l’institutrice » (l.15) De plus, il est au courant de son histoire et évoque « son manque de chance (l.17-18).
- Elle se déplace dans le car qui est celui des indigènes. Socialement, elle possède donc le même statut que les indigènes. Cela montre sa classe sociale pauvre.
- Leur amour naissant semble compliqué, condamné. C’est une relation compliqué, un amour complexe car ils semblent avoir peu de choses en commun. En effet, leurs seuls points communs sont des lieux géographiques comme « le Mékong » (l.43), « Saigon » (l.44) et « Sadec » (l.32)
2) L’autofiction
- L’auteur n’écrit pas à la première personne et choisit le pronom « elle ». Cela lui permet de se détacher de son personnage et lui permet un certain éloignement par rapport à ce qu’elle a vécu dans sa propre vie.
- « Elle » devient donc un personnage, « la jeune fille », par cette tournure. Cela lui permet ainsi d’évoquer sa famille « sa mère » (l.17), « son manque de chance » (l.17-18) et « cette concession » (l.18).
- Les lieux prennent beaucoup d’importance dans le texte, comme la ville « Sadec » (l.32), « Saigon » (l.44) et le fleuve « Mékong » (l.43) mais aussi le territoire français « Paris » (l.31) qui donnent l’ancrage de sa vie qui est propre à elle car ce sont des éléments de sa propre vie.
- C’est un style d’écriture différent.
- L’auteur emploie du présent pour évoquer une histoire passée et il y a des phrases très courtes. « Elle le regarde. » (l.30) et « Chinois. » (l.41)
- Il y a de très nombreuses répétitions de « il » et de « elle ». « il dit » (l.16), « il le lui demande » (l.13-14), « elle dit » (l.14) et « elle lui demande » (l.30) Cela manque de variété, de vocabulaire. Marguerite Duras adopte une lecture peu expressive qui laisse place à l’imagination du lecteur. C’est pour cela qu’elle n’utilise pas de verbes expressifs.
- L’auteur utilise le discours rapporté. « Elle lui dit qu’elle ne fume pas, non merci. » (l.8-9) L’usage qu’elle fait des discours rapportés est un mélange de discours direct et indirect, représentatif de son écriture. On peut le qualifier de discours indirect libre mais c’est en réalité un mélange de discours.
- Si on adhère à son écriture, on peut facilement entendre parler les personnages.
- La fin du texte, à partir de la ligne 41, est plus traditionnelle, descriptive. Elle fait donc moins référence au nouveau roman. Elle est aussi plus triste grâce à une écriture plus poétique, des phrases plus longues et des mots plus métaphoriques étant aussi caractéristique de Marguerite Duras.
- « il est celui qui passait Mékong » (l.43) Le mot « celui » fait référence au destin mais aussi que c’est lui et pas un autre. C’est comme si cette rencontre était une évidence, qu’elle devait arriver et qu’elle avait été écrite à l’avance.
- Il y a une certaine nostalgie exprimée dans cette fin de texte. « un brouillard » (l.49) donne l’illusion que ce souvenir est à la fois très présent mais aussi un peu vague.
- La jeune fille se laisse porter à son destin, elle ne résiste pas car cela devait se passer comme ça.
Conclusion :
Ce texte montre l’influence du nouveau roman sur l’écriture de Marguerite Duras. Le texte montre aussi l’importance de cette rencontre dans sa vie ainsi que son impact. Pourtant, elle en a déjà parlé longuement dans un autre roman en 1915, « Un barrage contre le Pacifique ». Marguerite Duras va revenir constamment sur cette histoire ayant marquée sa vie. Par rapport aux autres textes, l’écriture de ce texte est originale.
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