La question de l'Homme dans les genres de l'argumentation, du XVIe siècle à nos jours
Commentaire de texte : La question de l'Homme dans les genres de l'argumentation, du XVIe siècle à nos jours. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Sarah Alcalde Benabou • 3 Avril 2017 • Commentaire de texte • 9 081 Mots (37 Pages) • 907 Vues
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CORRIGE TYPE
Matière : | FR10 | |
Devoir n° : | 05 | |
Epreuve de recette du : 27/09/16 | statut: 81 | |
7FR10CTPA0516
Objet d’étude : Le personnage de roman, du XVIIe siècle à nos jours
Questions (4 points)
❶ Quelle vision de la guerre ces trois textes présentent-ils ?
Les trois textes du corpus ont en commun de porter un regard critique sur la guerre : les textes A et B dénoncent chacun à leur façon les dangers d’un héroïsme qui mène à la destruction et au massacre, et les risques d’accorder du crédit à une vision épique de la guerre quand la réalité de cette dernière est avant tout souffrance et mort. Le texte C porte un regard acerbe sur les guerres coloniales et les flagrantes inégalités existant entre les forces en présence.
- Analysez les points de vue adoptés par les narrateurs : en quoi le choix de la focalisation sert-il le projet romanesque ?
Chaque narrateur use des possibilités offertes par le jeu des points de vue narratifs.
Le texte de Stendhal, extrait du roman La chartreuse de Parme, décrit la bataille de Waterloo ; le point de vue est celui du héros de l’œuvre, Fabrice, même s’il n’est pas le narrateur de l’épisode. Jeune enthousiaste qui ne pense qu’à la « gloire du Maréchal », et avide de se forger une expérience du « feu », Fabrice ne discerne que partiellement les événements qui se déroulent sous ses yeux ; il met ainsi du temps à comprendre ce qui se passe autour de lui, dans la confusion du champ de bataille (« - Les habits rouges ! les habits rouges ! criaient avec joie les hussards de l'escorte, et d'abord Fabrice ne comprenait pas ; enfin il remarqua qu'en effet presque tous les cadavres étaient vêtus de rouge »), voire ne comprend rien : « Il avait beau regarder du côté d'où venaient les boulets, […] ; il n'y comprenait rien du tout. ». La dernière partie de cette phrase, brève et conclusive, est une forme de chute comique qui vient souligner la désorientation de Fabrice. Le narrateur use en effet d’ironie envers son personnage, qui perçoit davantage la bataille à travers une conception romantique de l’acte guerrier qu’il n’en comprend la véritable réalité. Ainsi, s’il est bien pris de peur, il est surtout préoccupé par le bruit des boulets de canon (« Toutefois la peur ne venait chez lui qu'en seconde ligne ; il était surtout scandalisé de ce bruit qui lui faisait mal aux oreilles »), et passe plus de temps perdu dans ses propres fantasmes épiques (« il contemplait, perdu dans une admiration enfantine, ce fameux prince de la Moskova, le brave des braves », « sa pensée se remit à songer à la gloire du maréchal ») qu’à éprouver de la compassion pour les blessés et les mourants (« il entendit un cri sec auprès de lui : c'étaient deux hussards qui tombaient atteints par des boulets ; et, lorsqu'il les regarda, ils étaient déjà à vingt pas de l'escorte »), plus choqué par la souffrance des bêtes que par celle des hommes (« Ce qui lui sembla horrible, ce fut un cheval tout sanglant qui se débattait sur la terre labourée »). Il ne retire donc de son expérience qu’une image bien floue, un cliché (« Ah ! m'y voilà donc enfin au feu ! se dit-il. J'ai vu le feu ! se répétait-il avec satisfaction. Me voici un vrai militaire ») ; le lecteur quant à lui n’a eu, du fait de la focalisation, qu’une vision parcellaire de l’affrontement.
Le texte B de Céline propose à nouveau une focalisation interne, le point de vue étant celui de Bardamu, simple soldat durant la Première Guerre mondiale. Le narrateur est cette fois-ci le personnage lui-même, qui est donc un narrateur-personnage. Bardamu, contrairement à Fabrice, perçoit avec une lucidité toute particulière la réalité de la guerre, sa violence et son inhumanité. La guerre est ainsi qualifiée très négativement : c’est « la vache », « cette abomination », « cette horreur » ; elle est avant tout chaos et absurdité, comme la description du premier paragraphe le souligne. Le colonel ou le général ne sont plus, comme Fabrice aurait pu les décrire, le « brave des braves », mais laissent les soldats se faire tuer sans vergogne ; ces
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derniers quant à eux sont des « fous héroïques », expression en apparence paradoxale mais qui traduit un recul critique face à la notion d’héroïsme. Bardamu condamne fermement ce que la guerre fait des hommes, encourageant leur « sale âme héroïque et fainéante », et ne voit dans la mêlée que lâcheté ou assassinat : « cette fuite en masse, vers le meurtre en commun ».
Le texte de Le Clézio, lui, use de la focalisation omnisciente pour décrire l’affrontement final entre les hommes bleus et les forces françaises. Ce choix de point de vue permet au narrateur de présenter l’intégralité du champ de bataille, des « collines » à la mer, du « large d’Agadir » au lit du fleuve et aux murailles de la ville : le lecteur peut ainsi comprendre les déplacements des diverses forces militaires en jeu, se représenter leur stratégie respective, et surtout percevoir le déséquilibre flagrant entre les tribus et les Français. C’est là que réside l’élément central du passage ; comme le sait Moulay Sebaa, le combat est « perdu d’avance », car face aux « trois mille cavaliers » qui chargent « comme pour une parade », affrontant à la façon traditionnelle leurs ennemis armés seulement de « leurs fusils à pierre et leurs longues lances », se trouve la force de frappe d’une armée moderne, qui ne laisse aucune chance aux cavaliers : « les canons d’acier ont commencé à tirer leur flot de balle, six cents à la minute ». La guerre apparaît alors, vue « d’en haut », comme le massacre programmé et inévitable d’un peuple par une modernité qui le broie comme elle a failli le faire de l’héroïne du récit parallèle, la jeune Lalla. Le point de vue omniscient est ici un choix judicieux, il amplifie le tragique d’une guerre coloniale injuste et révélatrice d’un nouveau rapport de forces.
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