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La Princesse de Clèves

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Par   •  5 Juin 2022  •  Dissertation  •  2 218 Mots (9 Pages)  •  1 328 Vues

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Dissertation sur la Princesse de Clèves

        Dans son roman le plus connu, la Princesse de Clèves, paru en 1678, qui tient à la fois du roman précieux par sa description des penchant amoureux et du classicisme, avec sa volonté de plaire et d’instruire tout à la fois, Mme de Lafayette livre un tableau de la société de son temps et des mœurs associées, à travers le parcours initiatique et tragique de son héroïne : la princesse de Clèves. Cette jeune fille, dont les valeurs sont celles de l’autrice, tourne parfois le dos, pour ces mêmes valeurs, à une société qui ne les partage point. Nous essayerons donc d’analyser la manière dont Mme de Clèves est « héroïquement asociale », pour reprendre Marie Darrieusecq. Pour ce faire, nous étudierons d’abord la distance qui sépare les idéaux de la société et leur nature, de ceux de Mme de Clèves et qui par conséquent séparent le personnage principale du reste de la Cour, pour aborder ensuite la solitude forcée, qui semble être au yeux du personnage, le seul moyen de rester fidèle à ses valeurs.

        Ce qui distingue tout d’abord Mademoiselle de Chartres puis Madame de Clèves du reste de la Cour, outre sa grande beauté, ce sont ses principes moraux. Dès lors qu’elle est introduite dans le roman, l’on rappelle son éducation stricte, menée par sa mère, qui l’instruisit « des mortels périls de l’amour » et du danger inhérent à la galanterie. Après un incipit où le narrateur loue la galanterie de la Cour toute entière, la mention de la chasteté morale du nouveau personnage contraste et ce d’autant plus qu’elle est décrite comme disposant de tous les atouts nécessaires au succès amoureux. Face à une Cour où l’amour règne séant, la jeune princesse, avec ses valeurs et principes strictes et son ignorance des us et coutumes de la Cour, jure sur ce fond de galanterie, autant qu’elle fascine par l’impression de pureté et l’aura de beauté qu’y s’en dégage. Elle est donc placée sur un piédestal par rapport aux autres femmes qui peuplent cette jungle, puisque pure et belle, instruite des dangers de l’amour, contrairement aux nombreuses jeunes filles dont les mère ne lèvent pas, écrit-on, le voile de l’ignorance et déterminée à se trouver un mari convenable à son rang et à sa moralité, ainsi que le souhaite sa mère.

Si une distance est donc soulignée dès le départ entre Mme de Clèves et le reste de la Cour, quant à l’originalité de ses idéaux et croyances, ce phénomène est encore accentué par la mort de la princesse, qui martèle une fois de plus à sa fille les principes fondamentaux de son éducation que son la constance et la fidélité, alors même que celle-ci bascule déjà dans les tourments de la passion. Ainsi, les idéaux fondateurs de Mme de Clèves, que sont la constance et la fidélité, la raison primant sur la passion, sont inconciliables avec ceux qui animent les autres personnages, organisés en kabbales et en cercles où courent la passion comme la conspiration et la force avec laquelle celle-ci s’y attache tranche avec la légèreté qui semble régner plus que le souverain lui-même, gagnée par le sentiment amoureux elle repousse fermement sitôt qu’elle y est confrontée et trouve en sa mère un guide alors qu’elle est en vie, un modèle de vertu sitôt qu’elle meurt. Cette différence de constance quant à ses idéaux et engagements, va à l’encontre des activités des nobles qui l’entourent, tant les alliances se font et se défont, suivant le rythme des passions et inclinations.

        Du fait de sa fermeté quant à ses principes moraux, légués par sa mère, Mme de Clèves se retrouve séparée du reste de la société, qui ne l’accepte pas, pas plus qu’elle ne peut s’y conformer. Perdue dans le roman, elle semble être le seul personnage à garder encore à l’esprit un peu de vertu et de prudence, quand tous sombrent dans la passion. Les digressions, en apparence secondaires, qui informent le personnages sur les dangers du sentiment amoureux lorsqu’il prend le contrôle des vies, transmet l’idée d’un quotidien de l’amour dans ce lieu clôt que forme la Cour. Mme de Clèves elle, ne prend point part à ces véritables batailles secrètes, qui semblent déchirer la Cour, tant on évoque à demi-mots l’intense rivalité entre Mme de Tournon et la reine, qui voit la chute de la famille de Chartres alors que l’une triomphe son ennemi et avec elle tous ses alliés.

Si elle ne prend point part aux affrontements de la Cour, du fait de ses convictions profondes, Mme de Clèves se distingue aussi dans cette jungle, par les tourments moraux qu’elle endure et qui semblent épargner les libertins d’avant-garde peuplant la Cour des derniers Valois. Quand monsieur de Nemours, a plus de maîtresses que ne compte la Cour de femmes, sans pour autant paraître perturbé dans ses entreprises par de quelconques remords ou souci de fidélité à l’une, ou de gêne pour les époux trompés par sa faute, Mme de Clèves ressent à chaque instant les douleurs de son âme. Ce phénomène atteint son paroxysme au moment où il lui faut faire l’aveu de son infidélité à son mari, où elle sait qu’elle se fera du mal « et à lui [son mari] aussi sans doute », et se torture donc l’esprit, en proie avec ses propres contradictions et culpabilités, comme l’illustrent si bien deux de ces questions internes « dois-je manquer à monsieur de Clèves ? Dois-je me manquer à moi même ? ». Si le piège de l’amour où se retrouve prise la princesse de Clèves exacerbe sa propension aux remords et à la flagellante introspection il n’en est donc pas l’unique responsable, puisque cette souffrance apparaît chez le personnage, dès lors qu’elle se trouve immergée dans ce milieu étranger et artificiel qu’est pour elle la Cour, aux normes et valeurs si éloignées de ses principes moraux, auxquels elle tente de se raccrocher, pareille à un naufragée qui tiendrait avec ferveur une bouée.

        En contradiction complète avec le milieu libertin de la Cour, qui heurte sans relâche ses principes moraux, la jeune mademoiselle de Chartres craint déjà de manquer à ceux-ci, sitôt ou presque qu’elle pose pieds à la cour. Dans ce milieu confiné et qui place en si haute estime la galanterie, Il semblait bien impossible pour le personnage principal d’échapper aux affres de l’amour, incarné par le duc de Nemours.  Et sitôt qu’elle se sent chavirer, elle reçoit le serment de sa mère, qui comme une duègne la rappelle, pour un temps du moins, à ses devoirs moraux et conjugaux. Si la lutte interne était déjà insoutenable, dès lors que Mme de Chartres n’est plus, sa fille, sans directrice de conscience, se voit perdue. Elle change, s’abandonne à la passion et aux instants partagés avec le Duc, un temps croit y voir son bonheur. Le passage du portrait volé par le duc est en ce sens révélateur, puisque Mme de Clèves, bien qu’outrée extérieurement, est secrètement heureuse de ce larcin, signe d’une passion partagée. La prédiction mortuaire de Mme de Chartres se révèle donc exact et s’il on divise le roman selon ses parties, la jeune fille timide de la première partie, naïve quant au sentiment amoureux, s’est véritablement métamorphosée à la moitié du roman, en une femme de la Cour, un peu réservée certes, mais qui se laisse aller à son plaisir coupable tout en le réprimant comme sa conscience lui dicte encore de le faire.

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