L'étranger - Camus : Meursault Héros ou Anti-héros

1) Meursault antihéros

- A la parution du roman, certains critiques se sont déchaînés contre Meursault : ce serait un personnage inexistant, dénué de vie intérieure, soumis à ses instincts et basculant dans la sensualité et le crime ; une sorte d’ « épave ». Mais considérer ainsi le personnage, ce serait confondre analyse littéraire et jugement moral !

- Si ces attaques semblent infondées, elles témoignent tout de même d’un fait : Meursault est un personnage déroutant, peu commun dans le paysage romanesque français. Il semble insensible à toutes choses et dépourvu de l’ambition qui caractérisent souvent les héros balzaciens ou zoliens.

- Quand le lecteur le considère, c’est un certain malaise qui le gagne : tous les sentiments propres à la nature humaine n’existent pas chez Meursault ; ni l’amour, ni l’ambition, ni la dévotion filiale. Il paraît indifférent à la mort de sa mère et presque insensible durant son procès. Toute tentative d’analyse du personnage semble vouée à l’échec et pourrait se résumer par la formule suivante : signe distinctif = néant. Ce qui pourrait le mieux le caractériser, ce serait précisément l’absence de caractéristique !

- Meursault fait penser à ces nombreux antihéros des romans contemporains, à l’identité fuyante et dont on ne peut proposer qu’une définition négative, tant ils échappent aux catégories ordinaires de la psychologie.

2) « La nudité de l’homme en face de l’absurde »

- Mais cette vision du personnage n’est-elle pas réductrice ? Camus lui-même définit Meursault comme « un homme pauvre et nu, amoureux du soleil qui ne laisse pas d’ombres. »

- Il ne s’agit pas d’un homme vide, qui ne ressentirait rien, mais plutôt d’un être qui aurait choisi de vivre de sensations plutôt que de sentiments. Ainsi ne déclare-t-il pas à Marie qu’il l’aime … mais il éprouve tout de même une certaine attirance pour elle et pour le plaisir qu’ils prennent ensemble.

- Le personnage semble aussi se caractériser par son attachement à la nature (la mer, le soleil, la plage) ; alors qu’il est tout bonnement « étranger » aux conventions sociales et aux sentiments hypocrites. Meursault est en symbiose avec la nature lorsqu’il nage dans la mer ou s’étend au soleil … pas quand il est au sein de la société ou au tribunal.

- Il est aussi un être de morale. En effet, même si les juges qui le condamnent ne voient en lui qu’un « monstre moral », capable d’abandonner sa mère, de fréquenter un souteneur et de commettre un crime ; ses amis le décrivent comme un « honnête homme », « un brave homme » (Masson). Céleste, lui, utilisera l’expression « un homme », relativement énigmatique, que Camus complète de cette phrase qui ne manque pas d’humour : « il a déclaré que tout le monde savait ce que cela voulait dire ».

- En réalité, pour son auteur, Meursault est comme tous les Algérois et il s’expliquait ainsi : « Les hommes de là-bas vivent comme mon héros, tout simplement. Naturellement, vous pouvez comprendre Meursault, mais un Algérien entrera plus aisément et plus profondément dans sa compréhension » (entretien de 1946).

- Meursault, aux yeux de Camus, est donc plutôt un type littéraire,

...