Incipit de la Condition Humaine
Commentaire de texte : Incipit de la Condition Humaine. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Victor Galmel • 29 Septembre 2018 • Commentaire de texte • 1 606 Mots (7 Pages) • 1 995 Vues
Quelles sont les fonctions de cet incipit ? En quoi peut-on dire qu’il est brutal ? Comment Malraux construit-il une atmosphère angoissante ? Qu’est-ce qui fait son originalité ? Quelle image du protagoniste propose-t-il ? Comment Malraux met-il en valeur le drame intérieur du protagoniste ?
Intro : La Condition humaine publiée par André Malraux en 1933 et qui reçut le prix Goncourt est un roman à la fois d’action puisqu’il raconte comment un groupe de communistes prépare l’insurrection de Shanghai en 1927 dans la Chine de Tchang Kaï-Check, mais aussi de réflexion puisque les héros ne cessent de réfléchir à eux-mêmes et à leur condition d’homme. Tchen, jeune révolutionnaire, ouvre le récit sur une scène dramatique : il s’apprête à tuer ! Ainsi au travers d’une ouverture au caractère cinématographique marqué, Malraux nous livre un incipit brutal (I), d’une grande intensité dramatique (II) comme un écho au drame intérieur du personnage (III).
I – Un incipit brutal:
A-Une atmosphère angoissante : indication temporelle très précise : une date, le 21 mars 1927= effet de réel (chronologie fictive) +une heure : Minuit et demi =lecteur entre dans une atmosphère tendue, mystérieuse, angoissante qui rappelle les films en noir et blanc des années 30-50 très à la mode+ prisé de Malraux : préface de Sanctuary, Faulkner ; films d’Orson Welles: La Dame de Shanghai qui débute par une agression nocturne dans un parc ou Citizen Kane qui s’ouvre sur la mort d’un homme solitaire; imprécision des autres infos : que le prénom : Tchen (évoque l’Asie Tchen // Chine)+ victime anonyme, cet homme, 2 fois, réduite à un corps moins visible qu’une ombre et à une synecdoque son pied (l.5,5+16) ; lieu de l’action : moustiquaire= pays chaud, lit=chambre, univers urbain : indices visuels et auditifs : lumière émanant du building voisin, rectangle d’électricité pâle, coups de klaxon, vacarme + bruits lointains des embarras de voitures, bruit souligne l’angoisse.
B -Un début “in medias res”: lecteur plongé au cœur du drame par les 2 verbes d’action (lever et frapper) et même dans l’intériorité du personnage (discours indirect libre qui fait envisager l’action du seul point de vue de l’assassin) ; narration utilise des procédés cinématographiques= focalisation interne permet travelling (=le texte suit le mvt continu d’une caméra qui se rapproche des lieux et des choses, pas de plan d’ens ; plan moyen=lit sur lequel tombe la moustiquaire, gros plan=pied sur lequel est fixé le regard de Tchen) avec comme oeil de la caméra= celui de Tchen= monologue intérieur devient une voix OFF : double interrogation renforcée par le conditionnel + verbe « tenter » = action et ses modalités n’est pas encore clairement définie : rasoir ou poignard ? Transgression du protocole d’ouverture défini par Balzac=propulsion du lecteur in medias res, peu d’éléments de contexte, scène angoissante et tendue=impression d’un film noir où le lecteur pressent qu’il s’agit d’un moment décisif pour Tchen torturé par l’angoisse sans savoir exactement de quoi il s’agit et en finissant par partager son angoisse.
II – Un incipit d’une grande intensité dramatique:
A -Les jeux de contrastes : luminosité (le tas de mousseline blanche, grand rectangle d’électricité pâle) contre obscurité: chambre plongée dans le noir, corps moins visible qu’une ombre , nuit répété plusieurs fois accentue l’inquiétude crée par cette atmosphère angoissante; intérieur silencieux de la chambre où rien ne bouge contre les bruits extérieurs qui s’estompent puis disparaissent ; intensité décroissante des sons grâce à des images (klaxons, emploi métaphorique du verbe grincer puis la vague vacarme retomba= métaphore + allitération en v qui met en valeur le silence qui s’instaure de nouveau= enfermement de Tchen en lui-même qui s’éloigne du monde des vivants symbolisé par la lumière pour rejoindre celui de la nuit évoquant la mort.
B –Un huis-clos tragique : huis-clos = confinement dans l’espace+ fenêtre avec des « barreaux » (=prison)=effet d’enfermement+ nuit ne peut pas servir de protection et Tchen doit se confronter à sa victime=impossibilité d’échapper à son destin ; tragique avec la mis en place du sacré : le temple = le rectangle de lumière, le monde sacré qui est un lieu hors du monde des hommes et hors du temps (minuit est l’heure du crime et il est minuit et demi, donc de l’heure, hors du temps)= monde an-historique qui montre des héros de légende qui n’appartiennent pas aux temps des hommes, mais au temps de la légende, universel, de plus temps des hommes=temps de l’action et ici action suspendue
C -Le temps suspendu : nb imparfaits descriptifs (tordait, connaissait...) étirent le temps à l’infini car les passés simples qui reviennent à l’action sont moins nb= effet de ralenti qui diffère l’acte comme une sorte d’arrêt sur image d’un homme brandissant un couteau au-dessus d’un lit + difficultés de l’action (modalités pratiques du meurtre)+ peur d’être découvert+ dilation du temps par évocation de plus en plus détaillée (« il lâcha le rasoir…..restant collée », « il éleva légèrement » ; impatience du lecteur exacerbée par cette disjonction entre le temps objectif de l’histoire « 21 mars 1927 » à « Minuit et demi » et le temps subjectif de Tchen qui s’est arrêté « où le temps n’existait plus »= effet de suspense en écho au drame intérieur de Tchen à un moment crucial pour la révolution
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