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Incipit: L'Etranger - A. Camus

Fiche de lecture : Incipit: L'Etranger - A. Camus. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  10 Avril 2016  •  Fiche de lecture  •  2 382 Mots (10 Pages)  •  3 044 Vues

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A. Introduction :

  • Albert Camus, écrivain majeur de la première moitié du XX° siècle, a publié en 1942 un roman étrange et polémique, L'Etranger, mettant en scène un narrateur, Meursault, qui fait le récit de sa vie. Cet extrait correspond au début de l'œuvre : Meursault relate la nouvelle de la mort de sa mère et les préparatifs de son départ pour la veillée funèbre et l'enterrement. Nombre de ses œuvres seront marquées par cette guerre et par les sentiments nés de l’absurdité du monde et du besoin de révolte face aux crimes commis par l’humanité.
  • L’Étranger fait partie de ce que Camus appelle « le cycle de l’absurde » et qui transpose en roman sa philosophie de l’absurde, selon laquelle l’existence n’a pas de sens et seule la fatalité et le hasard guident nos pas. Le récit de Meursault illustre effectivement ces idées : il se contente de décrire les événements de manière distante et détachée, même lorsque quelque chose le touche de près, comme la mort de sa mère dans cet incipit . Nous verrons d'abord en quoi cet incipit est déconcertant pour le lecteur, puis nous analyserons l'attitude assez surprenante du narrateur. Qu’est-ce qui fait l’originalité de cet incipit / la personnalité ambigüe de Meursault ?/ présenté comme un anti- héros ?

I/  Un incipit traditionnel et déconcertant : 

  1. Caractéristiques classiques :

L'incipit dans un récit a souvent la même fonction qu'une scène d'exposition au théâtre : il s'agit d'informer le lecteur sur :

Le début du deuxième paragraphe nous informe ainsi que le narrateur se trouve à Alger, qui est « à quatre-vingt kilomètres » de Marengo (où se trouve l’asile de vieillards où vivait la mère du narrateur).Même si nous ne savons pas à quelles dates précises se déroule l’action, le texte comporte de nombreuses indications temporelles : « aujourd’hui » (premier mot), « hier » (deuxième phrase), « à deux heures », « après-demain »et aussi un  repère temporel conforte cette impression de routine : « comme d'habitude » l.15.

Ce début de roman est également classique en ce sens qu’il présente une situation initiale particulière, qui déclenche l’intrigue : le narrateur vient de recevoir « un télégramme de l’asile » lui annonçant la mort de sa mère, il va donc entamer un court voyage et se rendre à Marengo pour régler les formalités et assister à l’enterrement. Les premiers mots du texte donnent une information capitale pour la suite du roman puisque Meursault sera condamné pour n'avoir pas pleuré à l'enterrement de sa mère.

  1. L’originalité de l’incipit : un décalage entre le contenu et le style :

   Il s'agit d'un incipit « in medias res ») car nous commençons par le récit de la mort de la mère du narrateur, mort qui intervient alors que celui-ci est déjà adulte. Néanmoins, ce début est pour le moins étrange pour plusieurs raisons. D'abord cette mort est rapportée d'une manière directe (sujet + verbe + attribut) et indifférente par le narrateur : le style quasiment télégraphique et laconique évacue tout registre pathétique puisqu’il s’agit ici  d’un rythme ternaire, une énumérat° de phrases nominales… c’est dans la présentation très factuelle des événements, alors que le récit est écrit à la première personne (focalisation interne) et que le narrateur est intimement concerné par ce qui se passe, c’est-à-dire le décès de sa mère qu’il Il semble étranger au monde dans lequel il vit ( ce qui explique le titre de l’œuvre) (il s'auto justifie devant son patron, comme s'il était coupable du décès de sa mère l.7-8-9 ; il n'arrive pas à réaliser la mort de celle-ci l.11-12 ; il est introverti et refuse le contact humain l.24-25).

D'ailleurs le lecteur ne connaît aucun détail sur son mode de vie ni sur son entourage : l.15 « tous » renvoie aux clients habituels du restaurant. Aucune précision n'est donnée sur Emmanuel, hormis le fait qu'il a subi lui aussi un deuil. Ce qui semble intéresser le narrateur n'est pas les circonstances de ce décès mais la possibilité qui lui est offerte d'emprunter les accessoires du deuil l.18 « une cravate noire » et 19 « un brassard ». Bien que le champ lexical de la mort soit très développé dans les 3 premiers  (« morte » l.1, « décédée » et « enterrement » l.2,  « veiller » l.6, « condoléances » l.10, « deuil » l.11, etc.), le narrateur n'exprime aucun sentiment personnel, ce qui peut surprendre voire choquer le lecteur. On remarque immédiatement que le texte est marqué par l’absence totale d’un lexique psychologique qui exprimerait les sentiments ou émotions d’un narrateur. Lorsqu’il est « étourdi », l.15 ce n’est que parce qu’il a monté des escaliers. En revanche, ce passage fourmille de détails purement informatifs, donnés dans des phrases simples (sujet-verbe-complément) et déclaratives qui ne sont pas sans rappeler le style laconique du télégramme : « J’ai pris l’autobus à deux heures. Il faisait très chaud. »). La banalité du propos est surprenante : il prend la peine d’expliquer qu’il s’endort à cause sa course, des « cahots », de « l’odeur d’essence », de « la réverbération de la route et du ciel », alors qu’il ne manifeste aucun sentiment de tristesse. Ces phrases courtes et banales contrastent avec la situation exceptionnelle qu’est en train de vivre le narrateur.

Transition : L’incipit d’un roman joue aussi le rôle d’accroche, et c’est ici l’originalité de la narration qui intrigue le lecteur. La bizarrerie du comportement de Meursault dérange et crée une sorte de suspense : qui est-il vraiment et comment expliquer son comportement ?

II/Un personnage atypique :

  A – Un personnage en apparence complètement détaché …

Meursault apparaît tout de suite comme un personnage indifférent et détaché. Ainsi, lorsqu’il reçoit le télégramme, il affirme : « Cela ne veut rien dire », alors que l’information donnée est très claire (« Mère décédée »).Il donne l’impression d’être davantage préoccupé par le jour exact du décès (« aujourd’hui » ou « hier » ?) que par la mort de sa mère.

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