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Extrait de Petits poèmes en prose (Le Spleen de Paris) [posth. 1869], Charles Baudelaire

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Par   •  18 Mars 2022  •  Commentaire de texte  •  1 904 Mots (8 Pages)  •  759 Vues

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Lorsqu'il paraît en 1869, à titre posthume, le recueil Petits poèmes en prose (Le Spleen

de Paris) ne passe pas inaperçu. Comme son titre l'indique ostensiblement, presque

fièrement, il s'agit d'un recueil composé de cinquante poèmes en prose. S'inspirant de

l'oeuvre, Gaspard de la Nuit [posth. 1842] d'Aloysius Bertrand, Baudelaire se saisit de ce genre

hybride et novateur car, comme il le dit lui-même dans sa dédicace à Arsène Houssaye, il lui

semble que « le miracle d'une prose poétique » peut « s'adapter aux mouvements lyriques de

l'âme ».

Et de fait, dans « Les fenêtres », trente-cinquième poème en prose du recueil,

Baudelaire n'évoque pas tant l'article de menuiserie que l'acte d'imagination lyrique permettant de repenser des intérieurs inaccessibles dont la fenêtre semble être l'écran, la

frontière. Ainsi, le poète nous amène à réfléchir sur ce qui est à l'origine de l'acte créateur.

En ce sens, nous nous demanderons comment Baudelaire, à partir du motif

apparemment anodin de la fenêtre, confère à ce poème en prose les dimensions d'un art

poétique anoblissant ainsi ce genre encore mal connu à son époque. Ce poème use, en effet,

de la souplesse de la prose pour démontrer la véracité d'un paradoxe que propose une autre

logique, celle de l'imagination créatrice. Le poète se met alors en scène en train de recréer le

monde d'après sa propre sensibilité : la modernité du poème en prose semble dès lors aller

de pair avec celle du regard baudelairien.

Les premières lignes de ce poème en prose semblent souligner une évidence qui n'est,

en réalité, qu'apparente. Il s'agit, en effet, pour Baudelaire, de souligner le bien-fondé d'un

paradoxe : on voit mieux l'intérieur d'une pièce à travers une fenêtre fermée qu'à travers une

fenêtre ouverte. Pour ce faire, le poème se fait à de nombreux égards didactique.

Ainsi, d'emblée, la structure du poème apparaît au lecteur. Le premier paragraphe

correspond à l'énoncé théorique, visible à travers le recours au présent de vérité générale :

« Celui qui regarde […] ne voit jamais [...] » mais aussi à travers la tournure impersonnelle : « Il

n'est pas d'objet plus profond [...] » (l.2-3). Une modalisation forte, notamment avec l'emploi

d'adverbes comme « jamais » (l.1), « toujours » (l.4), mais aussi l'emploi du pronom indéfini

« on » contribuent à faire de l'assertion baudelairienne une vérité que nul ne semble pouvoir

remettre en question d'autant que le deuxième paragraphe propose une application de la

théorie. Ainsi, le passage au pronom personnel « je » (l.6) introduit-il un exemple personnel

que le passé composé « j'ai refait l'histoire » (l.8) renforce. L'hypothèse « Si c'eût été un pauvre

vieux homme [...] » (l.10) avec le syntagme « tout aussi » et l'adverbe « aisément » viennent

conforter cet exemple. Quant à la clausule du poème, elle se fonde sur une question aux

allures d'objection que le lecteur pourrait poser : « Peut-être me direz-vous » (l.12), ce qui

permet à Baudelaire de répondre à l'aide d'une question rhétorique qui souligne le caractère

existentiel de sa démarche poétique.

En effet, Baudelaire cherche à convaincre le lecteur d'un paradoxe : on ne voit bien

que ce qui est caché. C'est en ce sens qu'il faut comprendre les nombreuses figures

d'opposition qui scandent le premier paragraphe. La première phrase en s'appuyant sur la

même tournure « Celui qui regarde du dehors à travers une fenêtre ouverte » / « celui qui

regarde une fenêtre fermée » souligne une antithèse qui permet de mettre en évidence une

contradiction qui n'est qu'apparente. De même, la lumière artificielle de la chandelle (l. 3)

s'oppose à la lumière naturelle du soleil ; et contre toute attente, ce n'est pas celle qu'on croit

qui l'emporte ; ainsi, peut-on lire : « Ce qu'on peut voir au soleil est toujours moins intéressant

[...] » (l.3-4). L'oxymore « Il n'est pas d'objet […] plus ténébreux, plus éblouissant qu'une

fenêtre éclairée d'une chandelle » rend aussi bien compte du phénomène. L'obscurité devient

lumineuse car le poète y décerne bizarrement, pour reprendre un terme cher à l'artiste, plus

de choses qu'à la lumière du jour, c'est ainsi qu'il peut dire, à l'aide d'une hypallage, que la

fenêtre fermée est « fécond[e] ». Dès lors, on comprend mieux pourquoi, dans la phrase qui clôt ce paragraphe, il s'établit une équivalence entre l'obscurité et la lumière grâce à la

conjonction de coordination « ou » dans l'expression : « Dans ce trou noir ou lumineux » (l.5).

Ainsi, au fil des lignes, le poète propose-t-il une autre logique que celle objectivement admise,

celle de l'imagination.

«

...

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