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Explication linéaire du Mariage de Figaro

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Par   •  16 Avril 2022  •  Commentaire de texte  •  3 038 Mots (13 Pages)  •  1 066 Vues

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Eléments d’analyse de la scène 1 Acte I du Mariage de Figaro

        Les deux comédies que sont le Barbier de Séville et le Mariage de Figaro constituent avec le drame la Mère coupable une trilogie, le « roman de la famille Almaviva». Ces trois pièces sont très différentes, tant par le ton que par la complexité de l’intrigue. En effet, si Beaumarchais s’est félicité dans la Préface du Barbier de Séville de la simplicité du « plan » de cette comédie, dix ans plus tard, c’est une « intrigue enchevêtrée », « pleine de rencontres hasardeuses », « où l’imprévu est à chaque coin de scène » qui caractérisera cette illusion en cinq actes qu’est le Mariage de Figaro. Issu d’un type de comédie populaire, la parade, texte court, comique, parfois grivois, fort apprécié au XVIIIe siècle, le deuxième volet de la trilogie constitue la meilleure illustration d’un renouveau de l’écriture théâtrale mise en oeuvre par Beaumarchais, notamment sous l’influence des théories de Diderot sur le drame : dimension romanesque et épaisseur des personnages – le valet n’est plus un « faire », mais un « être » –, utilisation originale de l’espace dramaturgique, nouvelles fonctions assignées aux objets, péripéties éclairs, autant d’innovations servies par la virtuosité du style et la recherche systématique des effets. Ce sont tous ces éléments que contient en germe la scène d’exposition de l’acte I. Début d’une « folle journée », la scène 1 fonctionne comme l’« ouverture » d’un opéra en informant sur le genre, le style, la tonalité de la pièce.

Projet de lecture : Une scène d’exposition

Composition de la scène :

De la ligne 1 à 17 : Suzanne joue à la coquette

De la ligne 18 à 46 : Les révélations de Suzanne ou Figaro dessillé

De la ligne 47 à la fin : La réaction de Figaro

        > un décor signifiant (un décor qui remplit une fonction dramaturgique)

Les éléments du décor sont les premiers éléments livrés au lecteur et au spectateur. Il est question d’« une chambre[1] à demi démeublée » et d’ « un grand fauteuil de malade est au milieu » et d’une « glace ».

L’espace est donc intime. Il interroge toutefois. L’expression à « demi-démeublée » laisse entendre un changement, des bouleversements. Si le fauteuil et la glace sont des éléments classiques dans une chambre du XVIIIème, ils peuvent aussi remplir une fonction dramaturgique : la glace permet à Suzanne ici de jouer la coquette.

Les personnages occupant cet espace vont aussi apporter des éléments complémentaires à ce décor : Le « chapeau de la mariée » de Suzanne formé par le « bouquet de fleurs d’orange », symboles de la virginité et de la féminité, laisse supposer qu’il s’agit d’une chambre nuptiale de Suzanne et de Figaro qui quant à lui « mesurant le plancher » laisse à penser qu’il mesure l’espace pour pouvoir installer l’élément principal de ce décor qui manque encore : le lit.

Ces éléments du décor seront d’ailleurs le sujet de la conversation des deux amoureux.

        > un couple d’amoureux

- La première réplique surprend car elle semble quelque peu en décalage avec l’intimité de l’espace plus propice à des propos d’amour. Elle donne les dimensions exactes de ce décor : « dix-neuf pieds sur vingt-six » soit 6m x 8m,5. C’est l’espace disponible pour les acteurs sur la scène de la Comédie Française, clin d’œil ici de Beaumarchais qui se joue du rapport réalité / illusion posé par le théâtre. Il reprendra d’ailleurs cette idée plus loin dans l’extrait[2]. Cette première réplique laissée à Figaro n’engage pas le dialogue entre les deux personnages.

- C’est en effet Suzanne qui lance la conversation en sollicitant le regard de Figaro avec le présentatif : « voilà », l’impératif « tiens » et enfin l’adverbe « ainsi ».

- « mon petit chapeau » : l’adjectif mignardise le chapeau et donne à la réplique une certaine légèreté. Suzanne cherche à séduire.

D’ailleurs Figaro ne s’y trompe pas : Suzanne devient « ma charmante » et même si l’expression relève ici du badinage léger, Figaro est sous le charme, il est ensorcelé…- Les adjectifs mélioratifs sont nombreux : « joli », « belle », « doux » et le contexte est définitivement livré avec l’indication du « matin des noces » « bouquet virginal » et « œil amoureux d’un époux ». Le geste double la parole puisque « Figaro lui prend les mains ». L’amour et la joie sont au rendez-vous et Figaro se laisse facilement submergé par ses sentiments - comme le montre la tournure exclamative - et n’a donc aucune difficulté à jouer la complaisance « sans comparaison ».

Mais Suzanne désire faire durer le jeu de la séduction comme le laisse entendre l’expression tendre « mon fils » et le fait qu’elle se refuse au jeu de Figaro pour mieux augmenter l’impatience de celui-ci : elle « se retire » et change de sujet.

Le thème principal est alors abordé : le lit. Il est l’élément principal de l’interrogative indirecte totale : il en est le sujet et est qualifié à la fois par l’adjectif mélioratif « beau » et par la subordonnée relative « que monseigneur nous donne ». La place qui lui est faite dans la syntaxe traduit la place que veut lui accorder Figaro dans la chambre (malgré le démonstratif « ce », il n’est en effet pas encore installé). Objet de tous les soins, métonymie du désir et du mariage, le lit conjugal, mis en valeur aussi par l’adjectif démonstratif déictique[3] « ce», est destiné à combler l’espace vide que le valet mesure. Sa mention contribue à donner une vision idyllique d’une félicité attendue, celle du « Mariage de Figaro ».

        Le lit traduit aussi la prodigalité, la bonté du maître de Figaro : « lit que monseigneur nous donne ». Le verbe « donner » trouve un écho dans le verbe « céder » pour parler de la chambre. Figaro apparaît donc comme un serviteur épousant exactement la condition du valet qui accepte d’être logé et meublé par ses maîtres.

                > Suzanne : une « camariste spirituelle, adroite et rieuse » cf La Préface du Mariage de Figaro

        Si Figaro accepte, Suzanne elle, refuse : ainsi par deux fois déclare-t-elle « Je n’en veux point ». Si ces répliques semblent être comprises comme un caprice par Figaro qui réclame par trois fois des justifications : « Pourquoi ?/ Mais encore ?  / On dit une raison » (cette insistance fait bien de Figaro en fait une dupe intégrale :  il n’a pas compris qu’il faisait « le lit du Comte »  !), Suzanne s’affirme en femme de tête par la répétition par trois fois du verbe « vouloir », elle est aussi vive d’esprit puisqu’elle tente de s’en sortir par un bon mot : « Prouver que j’ai raison serait accorder que je puis avoir tort », marque de fabrique de Beaumarchais. Et prouver éviter toute explication délicate, Suzanne est obligée de rappeler à l’ordre – mais de manière légère – son amoureux : « Es-tu mon serviteur, ou non ? » (= m’es-tu dévoué ?).

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