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Eplication linéaire "le pain" de Francis Ponge

Commentaire de texte : Eplication linéaire "le pain" de Francis Ponge. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  20 Avril 2022  •  Commentaire de texte  •  2 026 Mots (9 Pages)  •  4 539 Vues

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Explication linéaire du poème « Le pain », extrait du Parti pris des choses, Ponge, 1942

Introduction : « Le pain » est un poème en prose, extrait du recueil de Francis Ponge, Le Parti pris des choses, publié en 1942. Poète atypique, Ponge développe une conception matérialiste de la poésie. Rejetant le « lyrisme patheux » du Romantisme, centré sur l’expression des sentiments, il puise son inspiration dans le réel le plus concret, le plus immédiat. Dans ce recueil, il dresse une sorte d’inventaire des choses banales afin de les explorer et de les re-définir.

Situation : au sein du recueil, « Le pain » se rattache au cycle de la nourriture comme « L’huître » ou « l’orange ». Par ailleurs, plus que tout autre aliment, le pain possède une profonde valeur culturelle. Il est la métonymie de la nourriture dans de nombreuses expressions populaires (« gagner son pain ») ; il renvoie aussi dans la religion chrétienne à l’Eucharistie et symbolise le corps du Christ. Cependant, pour le  poète Ponge, il s’agit d’inviter ses lecteurs à oublier tout cet imaginaire pour observer la chose comme si on la voyait pour la première fois.

Le mouvement du poème correspond à l’exploration et à la définition de la chose, de sa découverte jusqu’à sa consommation finale.

-1er paragraphe = découverte de la surface du pain, la croûte

-2ème paragraphe = évocation de la Création du pain

-3ème paragraphe = exploration des profondeurs : la mie

 -paragraphe final : chute et consommation du pain

Problématique : comment le poète parvient-il à transfigurer une chose ordinaire en objet poétique ?

  1. Découverte d’un univers grandiose

La description suit une progression, d’une vision générale et extérieure vers l’intérieur sur le modèle d’un article d’encyclopédie. Cf titre du poème (article défini suivi du nom de la chose décrite). Par ailleurs, le temps dominant est le présent de vérité générale.

Le 1er paragraphe crée un effet de surprise par le changement d’échelle, un grossissement extrême du point de vue habituellement porté sur la chose décrite : à première vue, le pain  est un objet banal de petite taille.

Ponge nous le fait voir autrement en déformant la vision habituelle : cette petite chose devient sous nos yeux un univers à part entière, un paysage magnifique et grandiose à explorer cf les références géographiques à des chaînes montagneuses  + la gradation « les Alpes, le Taurus ou la Cordillère des Andes ». Ponge joue ici sur l’écart maximal entre l’objet et son pouvoir d’évocation.
Le poète s’appuie également l’emploi d’une hyperbole à travers l’adjectif « merveilleuse » : il désigne le choc esthétique éprouvé devant un spectacle extraordinaire, d’une grande beauté.

L’adjectif « panoramique » permet de jouer par un effet de paronomase sur la ressemblance entre le mot « pain » et le préfixe « pan » (qui signifie « tout » en grec).

L’expression « comme si on avait à sa disposition sous la main… » renvoie à la démarche poétique de Ponge : le poète ne puise pas son inspiration dans le monde des idées, ou dans son vécu personnel mais dans les choses qui sont sous ses yeux, à portée de main.                                                                                La référence à la main évoque le geste artisanal du boulanger qui pétrit et renvoie à l’image du poète artisan des mots qui cherche à maîtriser totalement la chose (rêve de toute-puissance)

  1. La fabrication du pain et la Création du monde

La transition entre les 2 paragraphes est explicitée par 2 connecteurs logiques : « Ainsi donc ». Après avoir admiré l’objet dans sa globalité, le poète revient sur ses origines glorieuses, comme dans les cosmogonies antiques ; on passe ainsi de la description au récit cf emploi du passé simple voix passive « fut glissée » et du passé composé « elle s’est façonnée ». Il s’agit d’un temps immémorial, celui du « Big bang ».

On assiste de nouveau à un changement d’échelle. (objet<Terre<Cosmos)

Le pain, objet familier, déjà élevé à la grandeur d’un paysage terrestre accède dans le 2ème paragraphe à la dignité d’un élément cosmique. Le poète développe une conception matérialiste de l’univers.                                                                    

La cuisson du pain dans le four du boulanger est ainsi assimilée à la création du monde : Ponge emploie des termes relevant du domaine de la géologie et de la géographie :

-« une masse amorphe » : l’expression s’applique à la fois à la pâte du boulanger et au magma, à la lave en ébullition. Ponge emploie l’adjectif « amorphe » dans son sens 1er = ce qui n’a pas de forme. Le verbe « éructer » crée un décalage humoristique : il humanise le pain en l’associant à un aspect trivial (rot) tout en évoquant des phénomènes physiques et gazeux.

-l’énumération des mots « vallées, crêtes, ondulations, crevasses » prolonge la référence aux chaînes montagneuses du 1er paragraphe : la croûte du pain est ainsi implicitement comparée à la croûte terrestre, irrégulière, accidentée (cf  les occlusives « cr » qui miment la dureté craquante de la croûte).  

La métaphore du « four stellaire » établit une fusion entre la chaleur des étoiles et le feu du four à pain. Le pain, revu par Ponge est doué de vie et les lecteurs -désignés par le « nous » inclusif- ont l’impression d’assister à sa naissance.

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