Dissertation sur Roberto Zucco

          En 1990, Bernard-Marie Koltès publie une pièce de théâtre appelée « Roberto Zucco », en s’inspirant d’un fait divers. La pièce retrace la cavale d’un tueur en série, Roberto Zucco, qui durant son escapade, tue sa mère, viole « la gamine », poignarde un inspecteur de police et prend en otage une dame et son fils qu’il abat ensuite de sang-froid.  Par suite, la pièce a fait scandale à sa sortie, car certains ont dénoncé l’immoralité de celle-ci qui fait de cet assassin un héros et se sont mobilisés pour interdire ses représentations. Mais malgré ces crimes qu’il commet, les actes de Zucco ont des effets positifs et involontaires pour ses victimes.  Comme l’énonce la citation suivante : « Comment Roberto Zucco, le seul personnage de la pièce ayant un nom, va permettre paradoxalement par la violence et le meurtre de libérer chaque personnage du poids, du carcan et de l’enfermement de la société ? ».

Pour commencer, la société est ici présentée de manière très péjorative : un endroit clos qui emprisonne les individus. Le terme « carcan » appui cette idée, car il enchaînerait les individus par un collier de fer, en les rendant esclaves de la société. De plus, ils sont écrasés par le poids et le fardeau des normes sociales qui entravent leur liberté.

Effectivement, chaque personnage présent dans la pièce est esclave de la société, dû au fait qu’ils sont extrêmement dépersonnalisés et sont désignés seulement par leur fonction ou la place qu’ils occupent au sein d’une famille. Seul Zucco possède un nom, car il est en marge de la société. Dès lors, si la société est une prison, c’est naturel de vouloir s’en libérer. Et comme dans toute libération il y a un acte de violence.

Ainsi, dans quelle mesure Roberto Zucco va permettre paradoxalement par la violence et le meurtre, de libérer chaque personnage du poids, du carcan et de l’enfermement de la société ?

Afin de répondre à cette question, une analyse des effets produits par le viol de la gamine et les meurtres de deux personnages sera effectuée.

        Le tableau III met en scène une tension familiale due à la disparition de la gamine. Toute la famille est préoccupée par la perte de la virginité de cette dernière. Arrivée chez elle, la gamine s’attire les questionnements de sa sœur, inquiète qu’elle se soit faite volée ce qui ne doit pas être volé (p.21). Lorsqu’elle se retrouve seule dans la cuisine, la gamine fait entrer Zucco en cachette. Et si celle-ci est restée muette devant les questionnements de sa sœur, elle se confie volontiers à Zucco et entame une conversation enfantine. Ils ont un vrai moment de partage et se confient sur leur désir commun de l’ailleurs. La gamine est émerveillée par les histoires de Zucco sur l’agent secret qui voyage en Afrique, car il symbolise la liberté « il voyage, il parcourt le monde, il a des armes » (p.24). La réponse de la gamine est immédiate face à cette utopie racontée par Zucco. Nous pouvons voir que le mode conditionnel des verbes de la gamine montre son envie ardente de partir, voyager, s’évader. Tout comme le tueur en série, la gamine cherche à échapper à sa famille, en commençant par son refus des surnoms affectifs, donnés par cette dernière, tels que « poussin » ou pinson » et préfère la méchanceté et la saleté comme « rat », serpent à sonnettes » ou « porcelets » (p.24). Puis, elle se rebelle contre celle-ci en étant sortie sans permission, restée longtemps dehors et introduit Zucco en cachette. Par la suite, nous apprenons que Zucco a violé la gamine. Cet acte de violence et immoral va paradoxalement la libérer du carcan familial, dans laquelle elle est enfermé depuis sa naissance. Effectivement, la gamine est comme un oiseau en cage, emprisonné par sa famille, qui veut à tout prix préserver sa virginité. Dès lors, le seul moyen d’échapper à cet emprisonnement est de perdre le précieux trésor que cette dernière tente de garder à tout prix. Perdre sa virginité signifie perdre son innocence et entrer dans le monde des adultes. N’étant plus vierge, la gamine est libérée du poids des attentes de sa famille et devient une adulte. Elle est désormais libre de faire ce qu’elle veut et tout le monde « s’en fiche » car ils ne sont plus obligés de protéger sa virginité puisqu’il n’y a plus rien à protéger (p.34).

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