Diderot, Jacques le fataliste
Fiche de lecture : Diderot, Jacques le fataliste. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar bite2.0 • 12 Juin 2017 • Fiche de lecture • 999 Mots (4 Pages) • 1 337 Vues
LA 5 : Diderot, Jacques le fataliste
Introduction :
- Denis Diderot, un des philosophes les plus productifs du siècle des lumières
- Penseur, romancier, dramaturge, critique et essayiste, il est à l’origine de l’encyclopédie (avec le mathématicien d’Alembert) = rassembler tous les savoirs de l’époque
- Romancier le plus lu
- 1ere édition posthume en France = 1796
- Dès les premières lignes = le lecteur dérouté : loin des conversations narratives traditionnelles = Diderot s’engage dans un dialogue avec son lecteur et ne cessera d’interrompre la narration. Cet incipit frappant est ainsi représentatif du reste de l’œuvre.
Problématique :
Dans quelle mesure cet incipit atypique remet-il en question le statut du personnage ?
Reformulée : En quoi Jacques bouleverse les codes romanesques de son époque ?
Un personnage insaisissable
Un anti-portrait
- Pas de nom mais un prénom : Jacques = paysan
+ 1er pronom personnel « ils » permet pas de le distinguer > indéterminé
+ fonction implicite déduite du statut du maître
- Pas de portrait sauf boiteux >portrait banal : bribes décousues de son histoire > analepse sur son passé de soldat l.10/14
+ histoires de ses amours : un valet peut avoir une vie amoureuse = romance de sa vie
- Pas d’analyse psychologique mais remplacé par un dialogue stérile et de l’action : ou ils se perdent > en vain
- Identité floue, renvoyant juste à un couple traditionnel de la littérature : Don Quichotte et Sancho Pansa.
Fil décousu de son intrigue à l’image de l’errance du personnage : quelle est la liaison des idées ?
- Un récit sans cesse repoussé, sous différentes formes : lignes 10/14 à la place du récit on à du dialogue. Récit ? Passé ? non finalement présent de narration.
- De multiples interruptions, des coqs à l’âne : l.6 et l.8 capitaine puis cabaretier
(Ou des échos ? ) : l.6 et l.8
- Un texte qui tourne en rond (structure cyclique) > phrases qui ne cessent d’être répétées (« là-haut », « grand mot », « amour »
l.2 à l.40 = lecteur qui intervient « Jacques commença l’histoire de ses amours » « Eh bien Jacques, où en étions-nous de tes amours ? »
Dans un genre inclassable
- Le dialogue - Dédoublé : lecteur et maître / auteur et valet
- Mélangé : dialogue romanesque / dialogue théâtral
- Autres genres reconnaissables : « qu’il est facile de faire des contes »
Entre liberté et déterminisme de Jacques
Un personnage libre
- Renversement des rôles : absence de nom du maître > placé en 2eme position (dans le titre) > il n’a qu’un statut. Maître = personnage type / Valet = héros
Endormissement l.32 = comique. Curiosité dans le dialogue (ex ; « quelques questions »)
+ « et » relance bienveillante (oreille attentive) qui s’oppose à la violence/désintérêt habituels
- Maître du récit (conteur) ; si le maître est dépendant du bon vouloir narratif de Jacques : l.26
Stichomythies pour le plaisir de le faire languir (suspense) l.27
- Mise en abyme du narrateur : l.29 le narrateur
Un personnage déterminé (fataliste)
- Parataxe > la force du destin : (l.10/l.14/l.29) montre l’implacable enchaînement des causes et des conséquences = tout est écrit à l’avance. (Parataxe = Quelque chose qui enlève les liens logiques entraîne une conséquence).
- Fatalité des coups de bâton inscrite dans la tradition littéraire (personnage type de la comédie) : par son père l.11 et par son maître l.3
- Jouet dans les mains du narrateur tel un démiurge (dieu) : l.33 « il ne tiendrait qu’à moi » restrictive : moi tout puissant.
Remise en cause de l’illusion réaliste : le dessous des cartes (démystification de l’écriture romanesque)
Toute puissance du narrateur/romancier (au détriment du personnage)
- Récit des amours de Jacques sans cesse retardé ou interrompu : en guise d’ouverture on à plutôt une fin = on parle des amours mais on suppose qu’ils sont déjà finis.
- Chronologie perturbée : on parle d’abord du capitaine et non pas du cabaretier
- Informations lacunaires (informations qui manquent) : ellipse de la bataille l.10/l.14
Aucun souci de vérité. Totale liberté du créateur face aux conventions et au déterminisme ! C’est lui le véritable maître de Jacques et du lecteur !
- Dénonciation du caractère artificiel de la création littéraire
Jeu avec les attentes du lecteur
- Provocation amusée = désinvolture d’un début in médias res : pas de crédibilité/rendre le roman crédible = rien à faire « d’où venait-il ? » « du lieu le plus prochain »
- Décontraction du langage : discours indirect emboîtés de la ligne 3
- Ironie le maître s'endort au récit qui pourtant est l'objet de toute notre attention + l.34/38 narrateur se moque du lecteur
- Le personnage du maître est une enveloppe vide et sans intérêt : cliché de paroles "c'est un grand mot que cela") ; "et il avait raison" = paroles vides de sens. Il est niais et ne sert que de relanceur.
Au point que le lecteur devient un personnage dans une sorte de prosopopée : nouveau pacte de lecture
- Il est traité par le narrateur avec désinvolture : il ne répond à ses questions légitimes que par des platitudes ("par hasard comme tout le monde"), de nouvelles questions ("Est-ce que l'on sait où l'on va ?") ou encore des provocations ("Que vous importe ?"), on à pas plus d’info
- Figure du lecteur caricaturale, construite le narrateur : lecteur exigeant, impatient, conventionnel, conformiste, artificiel = idiot toujours dans l’attente > veut tout savoir
Conclusion :
- Diderot écrit ainsi une œuvre originale en intervenant comme auteur dans le récit, ne laissant jamais le lecteur douter du caractère fonctionnel du roman.
- Dès l’incipit, Jacques le Fataliste et son maître troublent, frustrent et amusent sans d’interroger à la fois le statut de l’auteur mais aussi sur questions sociales philosophiques et religieuses alors remise en cause.
- Diderot laisse le lecteur rentrer dans les coulisses de son imagination
Cet incipit prend presque des allures de manifeste où l’auteur revendique la liberté de créer.
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