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De Kerangal La belle mort

Commentaire de texte : De Kerangal La belle mort. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  7 Février 2019  •  Commentaire de texte  •  1 587 Mots (7 Pages)  •  2 587 Vues

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Maylis de Kerangal, « Réparer les vivants », © Editions Gallimard, 2014, p. 287-288

Extrait : « C’est la belle mort. C’est un chant de belle mort. »

Questions

▶▶▶ Comment la mort est-elle représentée dans cet extrait ?

La mort en face : une dépouille sur un champ de bataille

La romancière regarde la mort en face et nous laisse cette phrase terrifiante : « le corps de Simon Limbres est désormais une dépouille. Ce que la vie laisse derrière elle quand elle s’est retirée, ce que la mort dépose sur le champ de bataille.

Dans les lignes qui précèdent l’extrait étudié (p. 285), la salle d’opération est comparée à un champ de bataille (« Quiconque passerait la tête clignerait des yeux dans la lumière froide puis se formerait une image de champ de bataille après l'offensive, une images de guerre et de violence - Thomas frissonne, il se met au travail »). Le corps de Simon n’a plus l’apparence d’un corps endormi mais il est devenu une dépouille, un corps supplicié, un corps outragé et vidé de ses organes. « C’est un corps outragé. Châssis, carcasse, peau. » Phrase courte + phrase nominale composée de trois mots qui montrent le cadavre dans son aspect le plus simple, le plus élémentaire, le plus dépouillé. Le corps humain démaquillé est “ catapulté hors de l’humanité”.

La mort comme effroi et comme non-sens

Le corps après l’opération qui a permis le prélèvement des organes prend un aspect inquiétant qui défie l’intelligence. Son spectacle échappe à l’entendement. Impossibilité de trouver du sens « corps humain catapulté hors de l’humanité, matière inquiétante dérivant dans la nuit magmatique, dans l’espace informe du non-sens ». Les substituts du mot « corps » sont déshumanisés : « matière », « entité ».

La mort du héros épique

Ce texte s’inscrit explicitement dans une longue tradition épique qui s’étend de l’antiquité au moyen âge en passant par l’imaginaire chrétien : Simon est ainsi successivement comparé à un « héros grec » à un « des compagnons d’Ulysse » (« ses cheveux pleins de sel encore et bouclés comme ceux des compagnons d’Ulysse »), au « Christ » ou à un « chevalier ».

« Dans Réparer les vivants, la transplantation cardiaque était devenue dans mon esprit une forme de chanson de geste, c’est-à-dire le chant d’un haut fait collectif, comprenant la dimension de l’amour et du combat, le tout centré autour du motif symbolique du coeur, enchâssé dans cette aventure. J’ai porté une attention très forte à l’idée de “geste” ». Extrait d’un entretien de Maelys de Kerangal avec Sara Buekens (Université de Gand).

▶▶▶  Quelle est selon vous l’utilité de ce « chant qui se synchronise aux actes qui composent la toilette mortuaire » ? 

Rédigez au moins deux paragraphes pour répondre à cette question.  Votre analyse sera précise et s’appuiera sur des citations précises du texte.

Le chant comme protection 

Thomas est un personnage vraiment humain. Il montre de la sensibilité et du respect dans ses actes. Thomas chante d’un chant qui respire et qui se synchronise au rituel de la toilette mortuaire. Son chant calme son agitation face à l’état de vulnérabilité du corps prostré, décomposé de Simon. Son chant devient une enveloppe, un linceul, un abri psychique contre l'effroi du cadavre dans sa dégradation, sa pourriture et son extinction.

Lorsque le corps de Simon devient une dépouille, un corps outragé et vidé de ses organes ; lorsque ce corps humain démaquillé est « catapulté hors de l’humanité », Thomas chante d’un chant qui respire et qui se synchronise au rituel de la toilette mortuaire.

Son chant calme son agitation face à l’état de vulnérabilité du corps prostré, décomposé de Simon. Son chant devient une enveloppe, un linceul, un abri psychique contre l'effroi du cadavre dans sa dégradation, sa pourriture et son extinction.

Un chant qui respire et qui redonne vie souffle 

« Pour moi la manière de capter l’élan épique est totalement raccordée à la manière de ponctuer le texte : il s’agit alors de convoquer le corps. Cette respiration, c’est la question du corps, c’est la question de la voix. C’est-à-dire qu’en partant sur cette piste du souffle, on fait converger d’autres notions importantes : la voix, le corps, l’énergie, la tension ou au contraire, la flexion, la lenteur. Ces notions très physiques sont totalement à l’œuvre dans mon travail. »

Le chant sacré ou le chant de l’aède 

Thomas devient aède pendant la toilette mortuaire pour chanter « la belle mort » du héros Simon. L’aède désigne un poète épique de la Grèce antique qui chantait généralement ses œuvres. Le fait de comparer Thomas à un aède va permettre à la romancière de faire référence à la notion grecque de « belle mort ».

Chanter comme un aède de la Grèce classique lui permet de procéder à la restauration-réparation du corps de Simon.

« Un chant qui se synchronise aux actes qui composent la toilette mortuaire, un chant qui accompagne et décrit, un chant qui dépose » (p. 286).

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