Cyrano de Bergerac, Edmond de Rostand, Acte I, scène 5
Commentaire de texte : Cyrano de Bergerac, Edmond de Rostand, Acte I, scène 5. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Dany Machado • 5 Décembre 2017 • Commentaire de texte • 1 979 Mots (8 Pages) • 10 868 Vues
Cyrano de Bergerac, Edmond Rostand (1897) : Acte I, scène 5, vers 482 à 535.
L’aveu de Cyrano à Le Bret : commentaire.
Après l’échec de ses 1ères publications, Edmond Rostand (1868-1918) connut le triomphe avec Cyrano de Bergerac, en 1897. Lors de la première, dès le dernier entracte, Rostand, à 29 ans, fut fait chevalier de la Légion d’honneur, et on dénombra près de 50 rappels. L’action se situe en 1640, sous Louis XIII. La pièce débute à l’hôtel de Bourgogne, lors d’une représentation de La Clorise de Baro. Lorsque le comédien Montfleury entre en scène, Cyrano l’interrompt, malgré les protestations des spectateurs. Il lui interdit de jouer et lui demande de quitter la scène. Il explique à son ami Le Bret, la raison de son comportement : il hait Montfleury depuis que celui-ci s’est permis de poser son regard sur sa cousine Roxane. Cyrano avoue qu’il est amoureux de cette dernière.
I. Le personnage de Cyrano : portrait et relation avec Le Bret.
A. Intimité, proximité entre Cyrano et Le Bret.
1. Les répliques de Le Bret montrent son extrême attention pour tout ce que peut vivre son ami. Il prend part à tout ce qui préoccupe Cyrano.
Cf. : ponctuation ⇨ Nombreux points d’exclamation et d’interrogation (3 consécutifs au vers 491, 2 au vers 492) + Impératif « dis-le moi ! » + Rythme rapide, haché qui révèlent, du vers 491 à 500, son étonnement, sa curiosité, et aux vers 526-527, sa compassion, son empathie (Cf. : didascalies « LE BRET, ému », « vivement, lui prenant la main »).
2. L’articulation entre les répliques de Cyrano et celle de Le Bret fait sentir leur proximité.
⇨ Le Bret reprend en écho au vers 497 l’expression « la plus belle », puis Cyrano fait de même avec l’apostrophe « Mon ami » au vers 526. Cela montre l’harmonie et l’affection qui existent entre eux.
⇨ Cyrano termine les phrases de Le Bret, souvent sur un même vers : vers 491, 498, 500.
Remarque : Cyrano est un virtuose du discours : il reprend donc l’adjectif « clair » employé par Le Bret mais en l’amplifiant par un terme plus soutenu et plus poétique : « diaphane » (= transparent, limpide, lumineux).
3. Scène d’exposition.
⇨ Le Bret apparaît comme le confident de Cyrano, mais il est aussi le relais du spectateur : il pose les questions que le spectateur pourrait poser.
Cela permet d’éviter une scène de monologue.
B. Qu’apprend-on de Cyrano grâce à cet extrait ?
1.Le spectateur comprend que Cyrano s’estime indigne d’aimer et d’être aimé.(v. 490-497)
⇨ Les rimes « limace –aimasse » (vers 490-491) « espérance - protubérance » (vers 514-515) soulignent que selon lui sa difformité physique lui interdit tout espoir de vie amoureuse.
⇨ L’adverbe intensif « même » après la césure au vers 494 le met en valeur ⇨ Insiste sur l’intensité de la malédiction qui pèse sur Cyrano, qui ne peut rêver d’être aimé « même par une laide ».
2. Cyrano se confie, mais par fierté il refuse de s’apitoyer sur son sort et insiste de lui-même sur son aspect grotesque.
⇨ L’expression « Ce nez qui d'un quart d'heure en tous lieux me précède » (v.495) montre que Cyrano vit sa laideur comme une malédiction. Cela l’empêche d’espérer vivre une histoire d’amour. Mais il exprime sa tristesse en montrant qu’il est capable de plaisanter de son malheur - l’hyperbole est amusante -, afin de garder sa dignité. Cyrano refuse le pathétique. L’expression semble même se développer sur l’alexandrin tout entier pour insister davantage sur la longueur du nez.
L’oxymore « rire amer » (didascalie du v.491) exprime bien cet état d’esprit : même lorsqu’il s’épanche auprès de son ami, il a le souci de son panache.
⇨ Cyrano insiste donc lui-même sur son handicap. Plusieurs expressions évoquent sa laideur, et leur position dans les vers accentue leur importance. :
● Plusieurs sont à la césure : « L’ombre de mon profil », vers 525, « Si le long de ce nez » vers 529, « tant de laideur grossière » 532.
● Le terme ‘’maudit’’ se trouve même en tête de vers au vers 495 « Ce nez qui… »
● L’expression longue « Avec mon pauvre grand diable de nez » (vers 519) déborde de l’hémistiche.
Cyrano insiste autant sur ce sujet car son handicap l’obsède. C’est aussi une façon pour lui d’affronter cette triste réalité avec dignité. Il ne se voilera pas la face.
● A la fin de l’extrait, lorsque Le Bret demande à Cyrano s’il pleure, ce dernier est indigné. Il ne supporte pas l’image grotesque d’une larme coulant sur son nez.
Le rythme haché du 1er hémistiche du vers 528 1/1/2/2, et les enjambements des vers 528-529, 530-532, 533-535 rendent perceptible son indignation, de même que : - l’antithèse entre les champs lexicaux du sublime (« La divine beauté des larmes », « rien de plus sublime ») et de la laideur (« trop laid », « tant de laideur grossière », « excitant la risée », « ridiculisée ».)
- les points d’exclamation aux vers 528, 529, 532, 535.
- les négations répétées (2 fois « Non » au vers 528, « jamais, « Je ne laisserai pas » vers 530, « Et je ne voudrais pas » au vers 534.)
3. Cependant, Cyrano est malgré lui rêveur et sentimental.
⇨ Il craint de souffrir et s’acharne à effacer toute illusion, tout rêve de bonheur de son cœur.
⇨ Lorsque Le Bret l’encourage à se déclarer et fait miroiter à ses yeux une possibilité de bonheur, Cyrano refuse avec colère car il a justement peur des illusions qui pourraient le faire souffrir. Il veut affronter la réalité et affirme, aux vers 514-515, que sa laideur lui ôte tout espoir d’être aimé de Roxane.
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