Commentaire sur l'inconstance de Dom Juan - Molière
Commentaire de texte : Commentaire sur l'inconstance de Dom Juan - Molière. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar margaux_mcl • 4 Mai 2016 • Commentaire de texte • 2 815 Mots (12 Pages) • 3 915 Vues
Commentaire de l’éloge paradoxal de Don Juan : Acte I scène II
Introduction : Lorsque Molière écrit Don Juan, il vient d’essuyer une interdiction de Tartuffe. Pourtant dès le début de la pièce, Molière n’hésite pas à provoquer, notamment à travers les deux éloges paradoxaux du tabac et de l’infidélité. Les spectateurs ont tout d’abord imaginé Don Juan à travers le portrait critique de Sganarelle à la scène I, avant de voir apparaître ce personnage séducteur et très bon orateur. Quel portrait de Don Juan se dégage de cette tirade ? Nous verrons tout d’abord la vision de l’amour du personnage puis ses traits de caractères qui font de lui un libertin pout finir avec ses qualités d’orateur.
- La vision de l’amour de Don Juan
Cette tirade permet à Don Juan d’abord de répondre à Sganarelle mais aussi d’exposer sa vision de l’amour. Après avoir vivement critiqué la fidélité, il fait l’éloge de l’inconstance puis compare ses conquêtes amoureuses à des conquêtes militaires.
- Une critique de la fidélité
On peut constater qu’il y a une dépréciation systématique de la constance dans les propos du séducteur. Dès le début du texte, une longue phrase construite avec une série d’accumulations semble présenter une liste de reproches : « qu’on se lie » (l1), « qu’on renonce » (l1) « qu’on est plus » (l2). Elle montre la lourdeur, le poids de ce que serait un tel comportement pour Don Juan. Ainsi, le choix du vocabulaire montre bien comment cette valeur est récriée. La constance apparait comme un emprisonnement, comme une servitude volontaire, une contrainte. Par la suite, le libertin continue de mettre à distance les propos de Sganarelle en utilisant l’ironie à travers l’expression « la belle chose » (l2). Cette phrase signifie le contraire de ce qu’elle dit, il s’agit donc d’une antiphrase qui vise à critiquer ce que dit Sganarelle et son point de vue. La fidélité est même présentée comme une mort précoce, en effet nous pouvons relever son champs lexical : « s’ensevelir pour toujours», « être mort dès sa jeunesse » (l3). A la fin du texte c’est le verbe s’endormir qui véhicule la même idée. L’antithèse qui rapproche la mort et la jeunesse, met en relief le caractère insupportable et contre-nature de la constance.
Ainsi le libertin, par un vocabulaire fort dépréciatif, remet en question la fidélité par une énumération de contrainte et de privation. Le point de bascule vers l’éloge paradoxale se trouve à la ligne 4 au « non, non, la constance n’est bonne que pour les ridicules ». Les ridicules qualifiant très péjorativement les fidèles comme la fidélité avait été qualifiée d’un « faux honneur » (l3)
- L’éloge de l’inconstance.
Par conséquent de la ligne 7 à la ligne à « changement » (l13), Don Juan soutient sa propre thèse en faisant l’éloge de l’inconstance, éloge qui peut être considéré comme paradoxale.
Toute la doctrine de Don Juan se résume en une unique phrase clé : « Tout le plaisir de l’amour est dans le changement » (l13). Le changement est l’essence même de l’amour, de la passion. Il ne peut y avoir d’amour sans nouveautés et sans multiplication des conquêtes car « lorsqu’on est maître une fois, il n’y a plus rien à dire ni à souhaiter » (l18). Pour Don Juan l’amour n’est envisagé qu’au pluriel. On peut relever l’abondance des pluriels dans sa tirade : « toutes les autres beautés » () « toutes les belles » (l5), « aux autres » (l6), « le mérite de toutes » (l9), les inclinaisons naissantes » (l12). La multiplicité des conquêtes est renforcée par l’anaphore « tout » (l5-9-11-12-13-24) qui montre bien l’universalité du désir de Don Juan et sa volonté de séduire toutes les femmes.
Cependant Don Juan ne fait pas simplement un éloge de l’inconstance il affirme aussi son innocence par rapport aux accusations de Sganarelle et se justifie dans une tirade qui prend la forme d’un plaidoyer. Accusé par son valet, Don Juan répond en se disculpant habilement.
En effet le personnage se présente tout d’abord comme une victime de l’amour. Il ne peut donc être considéré coupable des manquements dont l’accuse son valet.
On remarque que de nombreuses phrases mettent en avant d’autres sujets que lui : « toutes les belles ont droit de nous charmer,... » (l.5), « la beauté me ravit... » (l.7), « un beau visage me le demande... » (l.57) Dans toutes ces phrases Don Juan est objet (« nous », « me », « me ») et ne semble pas prendre une part active au processus de séduction. Il semblerait que tout se déroule un peu malgré lui. De même dans la phrase « où la nature nous oblige » (l.10) il se présente comme la victime d’une loi le dépassant et le contraignant à l’infidélité. On remarque que les phrases où il est sujet grammatical mettent également en avant une forme de faiblesse : « je cède »(l.51) ou encore une incapacité dans « je ne puis refuser mon cœur » (l.56). Ainsi, Don Juan accusé par son valet retourne la situation pour se présenter comme une victime de l’amour frappé d’aboulie face aux femmes.
Son désir de justification se manifeste également à travers l’emploi de termes propres au vocabulaire du droit. Il s’agit de couvrir ses méfaits d’un voile honorable, presque légal.
On peut relever un véritable champ lexical : « ont droit de nous charmer » (l.5) , « avantage » (l.5) «faire injustice aux autres » (l.9), «les hommages et les tributs» (l.10).
Le séducteur se présente ici comme un objet du désir, victime de l’amour et soucieux d’établir une justice entre les femmes. Il va donc encore plus loin et passe de la position de victime à celle de juge impartial.
Enfin, il est intéressant de remarquer qu’il justifie également les méthodes qu’il emploie avec les femmes. Pour se disculper aux yeux de Sganarelle il évoque à plusieurs reprises la douceur de ses procédés. L’adjectif revient de très nombreuses fois dans ce texte. On trouve tout d’abord « On goûte une douceur extrême... » (l.13) puis sous une forme adverbiale « mener doucement » (l.17), enfin « douce violence » (l.8) Il évoque également sa méthode en parlant de « larmes et soupirs» (l.15) alors que l’on sait qu’il a enlevé Done Elvire d’un couvent et que l’on apprendra qu’il s’apprête à enlever une jeune femme mariée qui lui a résisté. Ainsi il y a dans cette tirade une justification de ses méthodes. Don Juan cherche à adoucir des procédés qui sont brutaux, à embellir la réalité qui n’est peut-être plus aussi riante qu’il la dépeint.
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