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Au revoir là-haut / Lemaitre

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Par   •  9 Décembre 2021  •  Commentaire de texte  •  1 333 Mots (6 Pages)  •  706 Vues

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Commentaire Littéraire

Cet extrait est tiré du début du roman Au revoir, là-haut, publié en 2013 et écrit par Pierre Lemaître, un auteur du 21ème siècle. Ce roman, qui est le premier tome d’une trilogie homonyme, a reçu le prix Goncourt en 2013 et fut l’objet d’une adaptation au cinéma en 2017 par Albert Dupontel. Le titre Au revoir là-haut est emprunté à la dernière lettre d'un soldat, Jean Blanchard, fusillé injustement, adressée à sa femme. Cette fiction décrit l’arnaque aux monuments aux morts manigancée par deux anciens Poilus, survivants de la guerre 14-18 : Albert Maillard et Edouard Péricourt. Nous nous demanderons comment l’auteur parvient à opposer ses deux personnages, à l’origine complices. Après avoir étudié la perception et l’utilisation de l’argent par les personnages, nous nous intéresserons à leurs sentiments ainsi qu’à l’expression de ces derniers. Enfin, nous analyserons la moralité des personnages.

Les personnages perçoivent très différemment l’argent. Edouard en a une vision et une utilisation très déraisonnable. Tout d’abord, avant même d’avoir sa part de butin, il demande une avance. Il est dans l’impatience que traduit la locution adverbiale “tout de suite”, à la ligne 4. Ensuite, loin d’économiser l’argent, il le gâche : “il ne comptait jamais l’argent” (l.9), exprimé avec un imparfait de l’habitude, soulignant son état d’esprit. Et cet argent n’était destiné qu’à réaliser un “masque […] entièrement fait de billets”, l’adverbe “entièrement” accentuant l’excentricité d’une telle action. L’argent est donc la thématique clé de cet extrait, place importante exprimée par le champ lexical de l’argent : “pognon”(l.6), “billets”(l.15), “s’enrichir”(l.12), “coupures”(l.6) Enfin, Edouard ne sait pas s’arrêter, se contenter, comme le montre la phrase : “sa règle du million n’était pas négociable (l.15), montrant aussi sa détermination, son obsession de l’argent.                         Contrairement à lui, Albert est raisonnable. Il semble que seul, l’argent ne fasse pas le bonheur d’Albert, contrairement à Edouard, puisque la raison pour laquelle il le collecte est de s’assurer un avenir avec Pauline, son aimée. En effet, l’argent qui ne cesse d’affluer ne le déconcentre pas de son objectif : partir avec elle. Son objectif est d’économiser pour pouvoir ensuite en profiter. La place que prend l’argent dans le cœur d’Edouard est occupée par Pauline dans celui d’Albert : “il y avait Pauline, que faire ?”(l.16), cette interrogation directe partielle montre qu’Albert est perdu, se questionne. Ensuite, ce “comptable dans une banque” (l.20) manipule et côtoie l’argent tous les jours, il possède donc une valeur de l’argent, s’opposant à la démesure d’Edouard. Pour finir, Albert reste rationnel, puisqu’il se choque des extravagances d’Edouard à la ligne 7, avec le présent de vérité générale : “on ne fait pas ça avec l’argent”, exprimant sa déconvenue. Nos deux complices, pourtant aussi riches l’un que l’autre, ont donc une vision et une recherche différente du bonheur.

Si l’utilisation de l’argent les différencie, on remarque également que leurs sentiments et leur façon de les exprimer ne sont pas les mêmes.

Nous pouvons remarquer dans cet extrait que le temps oppose les sentiments des personnages. En effet, au début du texte, Edouard et Albert sont d’abord joyeux, réunis par leurs émotions. Ils sont euphoriques, comme l’exprime le champ lexical de la joie : “hurla de bonheur”(l.1), “riant de joie”(l.3), “trépignait de joie”(l.9), “émerveillement”(l.12). Puis, plus le temps passe, plus les sentiments divergent : d’un côté, Edouard reste euphorique tandis qu'Albert revient à la réalité et prend “conscience de la dimension du risque”(l.12),  “passé l’émerveillement”(l.12), un émerveillement qui ne faiblit cependant pas pour Edouard. Enfin, non seulement Albert réalise l’état de leur situation, mais cela commence à l’angoisser puisqu’il se sent pris au piège : plus le temps passe et “plus l’argent affluait, plus il sentait la corde se resserrer autour de son cou”. L’adverbe “plus” insiste sur l’intensité croissante des sentiments d’Albert, et sa répétition crée une allitération.                                 L’auteur laisse également une grande place aux sentiments de ses héros dans son récit. Il utilise différents moyens d’expression pour retranscrire les émotions communes puis opposées des deux anciens Poilus. Tout d’abord, pour exprimer les sentiments des personnages, l’auteur a fait le choix d’écrire son texte dans un niveau de langue familier : “pognon”(l.6), “taper dans la caisse”(l.20), “on fout le camp” (l.23). Ce choix traduit une certaine spontanéité des personnages et donne un trait humoristique au texte. Ensuite, le récit, écrit à la troisième personne du singulier, présenté en point de vue externe, s’interrompt pour passer à un discours direct à la ligne 20, et donc au présent de l’indicatif. A ce même passage, le texte bascule dans un registre pathétique. En effet, l’auteur cherche à provoquer la compassion du lecteur, en insérant le terme péjoratif : “irregardable” visant Edouard et exposant son personnage d’Albert, vulnérable, dans un monologue maladroit.

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