Amphityon 38, Jean Giraudoux
Commentaire de texte : Amphityon 38, Jean Giraudoux. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar sade09 • 8 Mai 2018 • Commentaire de texte • 1 524 Mots (7 Pages) • 2 612 Vues
Commentaire
Introduction
Jean Giraudoux (1882-1944) est un diplomate et un écrivain. Il écrit d’abord des romans, puis se lance dans le théâtre après sa rencontre avec le comédien et metteur en scène Louis Jouvet. Plusieurs de ses pièces sont des réécritures de pièces antiques comme celle présentée ici, Amphitryon 38, portant le numéro 38 car d’après l’auteur cette pièce serait la trente-huitième réécriture du mythe.
Le passage étudié ici, extrait de l’acte 1, scène 5, est un dialogue théâtral entre les dieux mythologiques Jupiter et Mercure. Jupiter souhaitant séduire Alcème, une mortelle, résolument fidèle à Amphitryon, son mari, met au point un stratagème pour tromper Alcème.
Le passage est donc définitivement comique. Mais nous allons voir comment Giraudoux insère une critique satirique de la condition humaine et utilise une forme de dialogue très particulier et propice à la critique.
Après avoir montré les différents aspects comiques de cet extrait, nous nous attacherons à en voir les limites en analysant les arguments philosophiques du dialogue entre le maître et son valet pour enfin dégager l’articulation de la critique que Giraudoux fait du genre humain.
Première partie : une scène résolument comique
Un contexte expérimental amusant…
Le contexte de la scène est lui-même pittoresque. Il est relativement rare de voir les dieux mythologiques plaisanter… le ton est plus souvent celui de la tragédie. Or ici Jupiter « descend » dans un corps humain et se soumet à tous les examens nécessaires à la réussite de cette entreprise. Ce qui pourrait plutôt être humiliant pour le maître des Dieux… Que nenni… bien au contraire : la métamorphose de Jupiter se donne à voir : « Oh ! Oh ! Un peu vite ! Je vois vos cheveux pousser, vos ongles s’allonger, vos rides se creuser… », lignes 42 et 43. « Comme cela ? » répond Jupiter à la ligne 45. Puis les comparaisons avec les animaux accentuent notre visibilité de la scène : « C’est le rythme des poissons » (l.46/47) ; tout comme l’anachronisme de la coiffure : « avez-vous le désir de séparer vos cheveux par une raie et de les maintenir par un fixatif ? ». Ainsi le comique de situation et le comique de geste sont bien présents dans cette scène et lui donne un caractère définitivement amusant.
… et un ton léger et familier.
Le langage utilisé corrobore ce contexte si particulier. Nulle trace d’un langage soutenu comme il en est d’usage dans les tragédies. Giraudoux recourt volontairement à un langage familier tel que le montre les expressions : « ménagez vos ventricules », « la vie d’un chien ou d’un chat »…
De même Mercure a recourt à des interjections « oh ! oh ! » puis « là… là… voilà ». Toutes ces familiarités de langage sont en décalage avec le langage habituel des Dieux si solennel et formel qui ne donne absolument pas envie de rire… mais plutôt de pleurer…
La tromperie.
Comme dans beaucoup de comédie l’intrigue repose sur une affaire de tromperie. Il s’agit ici d’abuser d’une épouse fidèle. Jupiter apparaît comme un Don Juan volage qui n’attribue au verbe « aimer » que les aspects de séduction et de désir possessif et ce, malgré la tentative de se justifier : « je n’ai jamais aimé personne ! Je n’ai jamais aimé qu’Alcème ! » . Connaissant le passif volage de Jupiter, on ne peut que sourire à une telle déclaration… La scène est proche de la farce lorsqu’il se complaît dans le miroir tel un séducteur qui se croit irrésistible malgré ses cheveux trop apprêtés par « un fixatif »…
Le rapport maître-valet
Le duo Jupiter-Mercure ne peut que nous rappeler les maîtres-valets des comédies de Molière (Don Juan entre autres) dans lesquelles le maître a besoin du valet pour mieux coler à la réalité de celui ou celle qu’il veut tromper. Ainsi, Jupiter n’ayant aucune expérience dans la condition humaine suit scolairement toutes les recommandations de Mercure qui lui présente l’homme de façon désorganisée, en mêlant les aspects ridicules et superficiels avec des traits de caractères plus profonds comme l’orgueil… Nous sommes ici en présence du comique de caractère.
Deuxième partie : un dialogue très particulier et propice à la réflexion
Parallèle au comique de la scène émerge un dialogue propice à la réflexion. Des thèmes tragiques pointent à différents endroits, la forme de l’échange fait penser aux dialogues philosophiques du 18ème siècle, et la méthode de l’expérimentation qui transparaît tout au long de la scène renvoie également à un soubassement théorique important.
Des thèmes de la tragédie de l’existence humaine abordés
Le temps qui passe inexorablement est présent à travers le vocabulaire utilisé. En effet, dès le début du passage (lignes 36 et suivantes), nous remarquons l’utilisation du champ lexical du changement : « change », « vieillit », « vieillir ». Ce champ lexical très présent est renforcé par l’usage de compléments circonstanciels de temps introduits par un chiasme : « qu’il change à chaque seconde, qu’incessamment il vieillit » (l.37/38).
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