Mme de LAFAYETTE, La Princesse de Clèves, 1678
Analyse sectorielle : Mme de LAFAYETTE, La Princesse de Clèves, 1678. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Slap Pompidou • 20 Janvier 2022 • Analyse sectorielle • 2 113 Mots (9 Pages) • 719 Vues
Mme de LAFAYETTE, La Princesse de Clèves, 1678
Lecture linéaire n°6.
Le portrait de Mlle de Chartres
Edition Biblio-lycée, p. 21/22, depuis Il parut alors une beauté à la cour jusqu’à pleins de grâces et de charmes.
Introduction
Nous sommes au début du roman (mais pas à l’incipit) qui s’est ouvert sur un tableau de la Cour de France à l’époque des Valois, cour où règnent l’observation permanente, les intrigues, la galanterie, la dissimulation et le paraître.
Après une galerie de portraits historiques, Mme de Lafayette s’est arrêtée un instant sur le duc de Nemours pour en peindre les qualités exceptionnelles.
Elle nous propose maintenant celui de la future Princesse de Clèves, tout autant extraordinaire, et le lecteur, même à ce stade du roman, ne peut s’empêcher de rapprocher l’un et l’autre personnages et d’en faire, a priori, le couple-phare de l’histoire.
Le portrait qui nous est proposé est surprenant, surtout pour l’époque, car là où l’on s’attendrait à une description physique et morale de l’héroïne, on va davantage trouver l’évocation de sa mère et l’éducation insolite qu’elle lui a donnée.
Problématique : En quoi ce portrait original présente-t-il une héroïne hors du commun ?
Structure :
- Apparition d’une beauté parfaite, l 224-227
- Des origines et une éducation remarquables, ll 227-250
- Projets de mariage et retour au présent, l 251 à 261.
Analyse
- Apparition d’une beauté parfaite, l. 224-227.
Il parut alors une beauté à la cour, qui attira les yeux de tout le monde, et l'on doit croire que c'était une beauté parfaite, puisqu'elle donna de l'admiration dans un lieu où l'on était si accoutumé à voir de belles personnes
Utilisation du passé simple : événement de premier plan. Formule liminaire du portrait qui ressemble au « Il était une fois » des contes de fées. Pas d’indication temporelle précise ; adverbe alors vague, qui marque le caractère quasi magique de l’apparition. Énigme. Même mystère ds évocation de Mlle de Chartres (une beauté : métonymie + article indéfini) : aucune description physique mm si la peinture d’ensemble est extrêmement méliorative et hyperbolique (beauté/tout le monde/beauté parfaite/admiration). Typique des contes de fées : Mlle de Chartres, archétype de la beauté parfaite. Personnage clairement identifié comme étant l’héroïne principale. Héroïne a priori promise à un destin exceptionnel.
Étonnamment, pourtant, la narratrice va glisser rapidement sur son personnage pour insister surtout sur la cour des Valois. Éloge de cette cour tout aussi hyperbolique (si accoutumé à voir de belles personnes) ms éloge ambigu : insistance sur la vue (admiration, éty « digne d’être vu, remarqué »/voir) > implicitement, cour des Valois sous le signe de l’observation permanente et du paraître. Personnage qui risque d’être happé, comme effacé par cette cour si superficielle.
- Des origines et une éducation remarquables, l 227-250
Elle était de la même maison que le vidame de Chartres, et une des plus grandes héritières de France.
Imparfait : retour en arrière, une analepse. Noblesse affirmée (le terme maison signifie ici famille). Superlatif (une des plus grandes …). Hyperbole. Statut social en complète adéquation avec la beauté de l’héroïne. => Idéal féminin/ bon parti idéal.
Son père était mort jeune, et l'avait laissée sous la conduite de madame de Chartres, sa femme, dont le bien, la vertu et le mérite étaient extraordinaires. Après avoir perdu son mari, elle avait passé plusieurs années sans revenir à la cour.
Une nouvelle fois, la narratrice glisse sur son héroïne et porte son attention sur la mère, ds un portrait des plus élogieux (ici encore, hyperboles mélioratives vertu/mérite/extraordinaire). Veuve exemplaire, modèle de perfection morale. Pr autant, comme précédemment, c’est ambigu. Mère plus valorisée que fille. De plus, fragilité psychologique et sociale de Mlle de Chartres : orpheline et dépourvue de soutien masculin (fondamental au 17ème siècle, la femme n’ayant pas d’existence propre sans le père ni le mari), et sans aucune figure masculine pour venir contrebalancer celle de la mère.
Pendant cette absence, elle avait donné ses soins à l'éducation de sa fille ; mais elle ne travailla pas seulement à cultiver son esprit et sa beauté ; elle songea aussi à lui donner de la vertu et à la lui rendre aimable.
Originalité de la formation de Mlle de Chartres. D’abord elle lui est exclusivement donnée par sa mère (alors que svt filles nobles conduites ds couvent jusqu’à leur mariage). Ensuite, il s’agit d’une véritable éducation (le mot est prononcé). Enfin, c’est une éducation complète (esprit/beauté/vertu). Noter que la narratrice passe vite sur les deux premiers points (non seulement) qui semblent aller de soi pour insister sur le dernier (vertu) et surtout sur l’adhésion raisonnée de celle-ci (à la lui rendre aimable). Éducation extrêmement moderne, atypique, car les filles ne recevaient quasiment aucune éducation à l’époque. De plus, volonté que l’enfant n’obéisse pas à des lois aveugles mais qu’il les intègre et les comprenne. Pr autant, une nouvelle fois, rien n’est univoque chez Mme de Lafayette : la mère travailla …à : étymologiquement, le mot travail sous-entend l’idée de souffrance. Il s’agit donc d’une éducation particulièrement exigeante qu’a reçue Mlle de Chartres, ce qui risque (et qui va !) détonner dans cette cour aux mœurs particulièrement relâchées.
La plupart des mères s'imaginent qu'il suffit de ne parler jamais de galanterie devant les jeunes personnes pour les en éloigner. Madame de Chartres avait une opinion opposée ; elle faisait souvent à sa fille des peintures de l'amour ; elle lui montrait ce qu'il a d'agréable pour la persuader plus aisément sur ce qu'elle lui en apprenait de dangereux ; elle lui contait le peu de sincérité des hommes, leurs tromperies et leur infidélité, les malheurs domestiques où plongent les engagements ; et elle lui faisait voir, d'un autre côté, quelle tranquillité suivait la vie d'une honnête femme, et combien la vertu donnait d'éclat et d'élévation à une personne qui avait de la beauté et de la naissance.
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