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Comment le dialogue conflictuel donne naissance au dénouement ?

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Par   •  18 Juin 2023  •  Commentaire d'oeuvre  •  3 017 Mots (13 Pages)  •  517 Vues

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Comment le dialogue conflictuel donne naissance au dénouement ?

Premier mouvement : Première réplique d’Antoine qui s’oppose à Suzanne et tente de maîtriser le retour de Louis.

Suzanne, j’ai dit que je l’accompagnais, elle est impossible,                

tout est réglé mais elle veut à nouveau tout changer,

tu es impossible,

il veut partir ce soir et toi tu répètes toujours les mêmes choses,

il veut partir, il part,

] je l’accompagne, on le dépose, c’est sur notre route,

cela ne nous gênera pas.

La première réplique d’Antoine se fonde sur une accumulation de propositions qui viennent grossir une phrase unique marquée par la colère. En effet, Antoine s’emporte parce que sa réplique antérieure est « corrigée » par Suzanne qui vient de proposer à son tour toute une série de variantes, entraînant Louis dans son jeu. Le recours au discours indirect introduit par la proposition principale « j’ai dit » lui permet, notamment grâce à la valeur d’accompli du passé  composé, de reprendre possession d’une parole forte, celle d’un personnage capable de prendre en charge le départ de son frère.

La proposition subordonnée « que je l’accompagnais » renvoie au motif de la dispute, Suzanne ne se soumettant pas à la volonté d’Antoine et refusant son initiative comme son autorité. Mais « dire » ne suffit pour être obéi  et Antoine est obligé de revenir sur une réplique antérieure comme si le dialogue était grippé et les personnages obligés tragiquement de se répéter.  La colère se traduit par un usage désordonné des pronoms personnels : après l’apostrophe « Suzanne », qui constitue une marque de la deuxième personne, et avant de reprendre à deux reprises le pronom « tu », renforcé par le pronom tonique « toi », le frère cadet désigne sa sœur à la troisième personne par l’usage du pronom « elle » qui exclut provisoirement son interlocutrice du dialogue. Or, cette exclusion permet de la donner à voir au spectateur et aux autres membres de la famille au moyen d’un portrait dévalorisant marqué par l’emploi de l’adjectif « impossible » et de l’emploi du présent d’habitude « elle veut à nouveau tout changer ». Ce trait de caractère de Suzanne est à ce stade de la pièce bien connu du spectateur mais il révèle aussi d’un paradoxe du personnage : certes elle veut tout changer comme pour reprendre la main, et réécrire gestes et dialogues, mais aussi, au contraire elle se répète, et finalement elle ne change pas en voulant toujours tout changer. Cet enfermement dans un double trait de caractère est tellement mécanique que Suzanne semble enfermée dans le tragique de la répétition, elle semble condamnée à ces deux extrêmes.  Antoine adresse directement cette marque de jugement à l’intéressée ; « tu répètes toujours les mêmes choses ». L’adjectif « mêmes » et l’adverbe « toujours » viennent renforcer l’accusation. Mais ce faisant, et tout en accusant sa sœur, Antoine lui-même se répète !

Ainsi, il ne veut rien à changer à sa décision au contraire de Suzanne mais reprend avec une simple variante de pronom sa proposition accusatoire : « elle est impossible », par l’expression « tu es impossible » et le polyptote fondé sur le verbe « partir ». Pour Antoine, en effet « tout est réglé ». Comme dans la proposition « j’ai dit », son autorité bafouée par Suzanne devrait être respectée en référence à la valeur d’accompli du passé composé. Cependant cette expression relève de l’ironie tragique : le spectateur l’entend autrement que ce que pense dire Antoine. Pour lui (le spectateur), rien n’est réglé : Louis n’a pas parlé et veut partir ; Antoine et Suzanne n’ont pas dit non plus à Louis tout ce qu’ils avaient sur le cœur. Enfin, notons dans l’accumulation des huit dernières propositions de la réplique d’Antoine :

-une anaphore qui exclut Louis désigné à la troisième personne par l’usage du pronom « il » grâce auquel parle littéralement à sa place. La phrase peut sous-entendre un reproche : c’est Louis qui veut (encore) partir.

- cette anaphore tient lieu d’argument, les propositions de Suzanne sont à écarter parce que Louis a exprimé sa volonté , n’oublions pas que pour tout le monde sauf Suzanne « Louis sait ce qu’il a à faire » (acte 1, scène 1). L’anaphore renforce donc la tonalité polémique de la réplique,

-la fin de la réplique est marquée par l’asyndète :

Remarque :Nous attendons la présence d’une conjonction de coordination dans la proposition : il veut partir, il part (il veut partir donc il part) c’est cela, l’asyndète. 

Mais il pourrait aussi y avoir une conjonction de subordination telle que « si » : S’il veut partir, il part » ou « puisqu’il veut partir, il part ».

Le défaut de mots de liaison traduit le caractère mécanique et l’irritation d’Antoine qui se répète. Le rythme des dernières propositions de la phrase est marqué par l’enchaînement de très brèves expressions, dont voici le décompte syllabique : 4, 2, 4, 4, 5, 7 ou 8. Les deux propositions qui vont générer le conflits sont les deux dernières celles qui sont marquées par l’apparition du rythme impair en 5, ce sont les deux expressions en trois qui déclenchent la réaction de Suzanne et surtout celle d’Antoine.

Deuxième mouvement, emballement dans le conflit.

Les deux répliques qui ouvrent ce mouvement, celle de Louis et celle d’Antoine doivent s’interpréter à la manière du monologue précédent (acte 2 sc 1) dans lequel Louis raconte qu’il « ose » accuser son frère de vouloir le faire partir, alors que c’est bien lui qui veut partir. Louis est donc déçu et vexé par la dernière proposition d’Antoine « cela ne nous gênera pas ».

En apparence, Louis ne fait que la reformuler au moyen d’une expression figée du français « joindre l’utile à l’agréable » comme par épanorthose ou pour exprimer le fond de la pensée d’Antoine.

Les deux antonymes « utile » et « agréable’ sont deux catégories associées notamment dans l’esthétiques des pièces de théâtre qui sont supposées instruire, être utiles, et plaire, être agréable

.

Mais ce que veut ajouter ici Louis sans en avoir l’air et l’idée selon  laquelle le départ de Louis serait « agréable », et il dégage selon lui, un sous entendu de la fin de la réplique d’Antoine. Mais la phrase est coupée de la situation d’énonciation grâce à l’usage du pronom démonstratif « cela » qui renvoie au fait de le déposer et non à un personnage qui serait coupable de se réjouir.

...

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