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Faut-il être catastrophiste ?

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Par   •  24 Décembre 2016  •  Dissertation  •  2 324 Mots (10 Pages)  •  931 Vues

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Faut-il être catastrophiste ?

Dans le Critias, Platon raconte : fils du dieu Poséidon et d’une mortelle nommée Clito, les Atlantes vivaient heureux et prospèraient sur leur île. Capable de distinguer le vrai du faux et le bien du mal, leur gouvernement était de nature presque divine. Mais peu à peu, les Atlantes perdirent leur discernement, ils sombrèrent dans l’ « injuste convoitise et [dans] l’orgueil de dominer ». Zeus qui s’aperçut de la dégénérescence de cette société, décadence d’autant plus inacceptable qu’ils avaient connu la félicité, décida de rassembler l’ensemble des dieux « et leur dit … ». La narration de Platon reste en suspend mais le lecteur sait ce qu’il advint de l’Atlantide, engloutie sous les flots, ses habitants punis. Ainsi, le philosophe souhaite avertir son lecteur de la catastrophe réelle ou morale qui peut attendre une société qui ne sait plus quelles sont les justes valeurs. L’inachèvement volontaire du récit souligne que la nature de la catastrophe importe peu. Elle n’a d’intérêt qu’en ce qu’elle révèle l’état réel de la société décrite, sa décadence. Pourtant, Planton n’est pas un catastrophiste. L’évocation de la catastrophe est ici surtout pédagogique. Platon possède un idéal, il sait quel gouvernement peut être le bon, la catastrophe n’est pas fondatrice dans ce récit. Le catastrophiste, quelque soit la nature de l’évènement qu’il craint, qu’il soit naturel comme un séisme ou surnaturel comme l’apocalypse, qu’il soit technologique comme une explosion nucléaire ou simplement humain comme une chute morale, fait de la catastrophe un moment fondateur de sa pensée et de son rapport au monde. Si les raisons d’être catastrophistes sont multiples, tous se retrouvent dans cette assertion d’Hans Jonas « Il vaut mieux prêter l’oreille à la prophétie du malheur qu’à celle du bonheur » car c’est de la pensée du pire que naît la pensée juste. Selon Hans Jonas, sans cet état d’esprit catastrophiste, sans cette peur du cataclysme, impossible de penser correctement le monde, de comprendre ce qui est bon ou mauvais, désirable ou néfaste. Comme Hans Jonas l’indique « tant que le péril est inconnu, on ignore ce qui doit être protégé et pourquoi il doit l’être ». La catastrophe n’a donc pas la même fonction chez Hans Jonas et chez Platon, pour le dernier elle constitue une technique argumentative, pour le second elle est le point de départ d’une réflexion juste. Doit-on partager le point de vue de Hans Jonas- faut-il être catastrophiste- ou est il plus sain de faire de la catastrophe, tout au plus une possibilité hypothétique, un artifice argumentatif?

Pour répondre à cette question, nous verrons dans un premier temps que le catastrophisme est plus que la simple apposition d’une vision très négative sur le monde, qu’il est un élan contre un événement ayant eu lieu ou à venir, une réaction dans son sens dynamique. Ensuite, nous montrerons que le catastrophisme mène, au mieux, à l’inefficacité de l’action, au pire, au désastre du fait d’une négation du réel sous le poids de la catastrophe.

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Avant de nous prononcer sur le fait de savoir s’il faut-être catastrophiste, il faut définir précisément ce qu’est un catastrophiste, ce qui le distingue d’un simple pessimiste ou d’un dépressif. Pour cela, l’étude de deux personnages de Camus s’avère instructive. Meursault et Caligula, respectivement personnages principaux de L’Etranger et de Caligula, ont de nombreux traits communs. La mort rode constamment autour des deux personnages. L’Etranger s’ouvre sur l’enterrement du personnage éponyme qui, quelques pages plus loin tue un « Arabe », ce qui va modifier son existence. Caligula est un empereur meurtrier qui finira tué. Les deux personnages refusent le mensonge : Meursault par refus de faire semblant de ressentir ce qu’il n’éprouve pas et Caligula qui est prêt à mourir pour faire advenir la vérité. Tous deux ont une vision du monde singulière, Meursault dans la distance qu’il a au monde, Caligula dans un rapport presque purement intellectuel à la vie. Pourtant deux éléments font de Meursault et de Caligula des personnages essentiellement différents. Tout d’abord, il n’existe pas d’évènement fondateur chez Meursault expliquant son rapport au monde au contraire de Caligula. Au début de la pièce de théâtre, Caligula revient de trois jours d’errance qui lui ont permis de découvrir ce que le personnage appelle « une vérité toute simple et toute claire  […] Les hommes meurent et ils ne sont pas heureux ». Cette révélation est fondatrice du rapport au monde du personnage. Avant, il ne comprenait pas, après il sait. Ensuite, le rapport au monde de Meursault n’est ni agissant, ni normatif. Meursault est l’ « étranger », il l’a toujours été. Il n’existe pas chez lui d’évènement déclencheur, pas de volonté d’agir sur le monde. Les éléments qui distinguent Caligula de Meursault sont les mêmes qui distinguent le pessimiste du catastrophiste : l’existence d’un fait déclencheur et une volonté agissante sur le monde devant mener à sa transformation. Le catastrophiste naît avec sa catastrophe. Le personnage de Caligula prend naissance lorsqu’il prend conscience de la catastrophe morale qui sévit dans le monde et qu’il exprime ainsi : « tout, autour de moi, est mensonge, et moi, je veux qu’on vive dans la vérité ». De plus, cette catastrophe, qu’elle aie eû lieu ou qu’elle soit anticipée, irrigue le présent et pousse au changement. Caligula agit, il veut éviter la catastrophe, la rendre inopérante. Meursault, comme le pessimiste, est trop passif pour être un catastrophiste. De plus, son rapport au monde ne dépend pas d’un évènement en particulier. Le catastrophiste est donc celui qui fonde sa pensée sur un évènement cataclysmique et qui tente de changer le présent pour l’éviter ou en déjouer les conséquences. Le catastrophiste est en tension, il redoute une situation, un avenir. Le pessimiste est concentré sur le présent et pose une vision sur le monde sans l’altérer. Si ce qui caractérise un catastrophiste est l’existence d’un évènement fondateur, une catastrophe présente ou à venir, et une tension vers une situation qu’il redoute et qui irrigue le présent appelant à sa modification, il est alors légitime de se demander ce qui distingue le catastrophiste du révolutionnaire ?

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L’attitude du catastrophiste présente une ressemblance singulière avec celle du révolutionnaire. Tout d’abord, le révolutionnaire, comme le catastrophiste, est tourné vers l’avenir. Fidel Castro,

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