Bourdieu: La politique

Diplômé de l’Ecole Normale Supérieure en philosophie, Pierre Bourdieu fait partie des plus importants intellectuels engagés et humanistes de la deuxième moitié du XXème siècle. Cependant c’est en tant que sociologue qu’il fonde la revue Acte de recherches en sciences sociales en 1975. Six ans plus tard, en 1981, il publie cet article : La représentation politique. Eléments pour une théorie du champ politique. D’inspiration marxiste, Bourdieu met en avant le poids du conflit et de la lutte dans le fonctionnement de la société. Dans cet article, Pierre Bourdieu expose sa thèse : le champ politique comme n’importe quel autre champ social répondrait à des luttes et des logiques de dominations des mandataires sur les mandants. En effet, selon Bourdieu, le champ politique serait véritablement « le lieu où s’engendrent, dans la concurrence entre les agents qui s’y trouvent engagés, des produits politiques (problèmes, programmes, analyses…) »1.

Ce sociologue se demande pourquoi les mandataires seraient-ils plus capables que les mandants à accéder à une fonction politique. Il établit que les mandants confient leur souveraineté car les mandataires disposent d’un capital culturel et du temps libre, ce qui rendrait plus facile l’accès à la fonction politique. Effectivement, Bourdieu explique que les mandants seraient « dépossédés des instruments matériels et culturels nécessaires à la participation active à la politique, c'est-à-dire notamment le temps libre et le capital culturel »2. Cette délégation de pouvoir serait selon Bourdieu, une forme de domination car la dynamique du champ politique pousse les acteurs à dominer.

Par la suite, Bourdieu se demande comment les professionnels sont-ils capables d’obtenir le soutien des profanes de la politique ? Il établit en fait qu’une partie de l’activité politique consiste à persuader les citoyens c’est-à-dire « faire croire » c’est-à-dire « faire croire qu’on peut le faire »3. En effet, les mandataires produisent des idées qui sont un réel pouvoir symbolique pour pouvoir ainsi dominer les représentants. L’auteur souligne l’importance des partis car effectivement selon Bourdieu, les partis permettraient de stabiliser le capital politique que Bourdieu définit comme un « crédit fondé sur la croyance et la reconnaissance 4». Contrairement au capital personne « qui disparaitrait avec la personne »5, le capital politique est un capital « contrôlé par l’institution etpar elle-seule 6». L’institutionnalisation de ce crédit dans une organisation permet de consolider la domination. Les partis politiques confient leur capital politique aux hommes politiques sous forme de postes. C’est donc le parti qui bénéficie du crédit des citoyens et non le politicien en tant que personne.

Dans cet article, Pierre Bourdieu montre bien que dans notre société française à démocratie représentative les dominants (professionnels de la politique) dominent les dominés (profanes de la politique). Lors des précédentes élections présidentielles de 2012, le taux d’abstention au 1er tour en France était de 19,66%. L’abstention peut être une des conséquences de l’accroissement de la distance entre représentants et représentés. Les représentés seraient vus comme des « consommateurs […] éloignés du lieu de production7 ».

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