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La Vie Devant Soi

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Par   •  11 Mai 2014  •  940 Mots (4 Pages)  •  942 Vues

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La première chose que je peux vous dire

c'est qu'on habitait au sixième à pied et que

pour Madame Rosa, avec tous ces kilos

qu'elle portait sur elle et seulement deux

jambes, c'était une vraie source de vie

quotidienne, avec tous les soucis et les

peines.

Elle nous le rappelait chaque fois qu'elle ne

se plaignait pas d'autre part, car elle était

également juive. Sa santé n'était pas bonne

non plus et je peux vous dire aussi dès le

début que c'était une femme qui aurait

mérité un ascenseur. Je devais avoir trois

ans quand j'ai vu Madame Rosa pour la

première fois. Avant, on n'a pas de

mémoire et on vit dans l'ignorance. J'ai

cessé d'ignorer à l'âge de trois ou quatre

ans et parfois ça me manque. Il y avait

beaucoup d'autres Juifs, Arabes et Noirs à

Belleville, mais Madame Rosa était

obligée de grimper les six étages, seule.

Elle disait qu'un jour elle allait mourir dans

l'escalier, et tous les mômes se mettaient à

pleurer parce que c'est ce qu'on fait

toujours quand quelqu'un meurt. On était

tantôt six ou sept tantôt même plus là-

dedans.

Au début, je ne savais pas que Madame

Rosa s'occupait de moi seulement pour

toucher un mandat(1) à la fin du mois.

Quand je l'ai appris, j'avais déjà six ou sept

ans et ça m'a fait un coup de savoir que

j'étais payé. Je croyais que Madame Rosa

m'aimait pour rien et qu'on était quelqu'un

l'un pour l'autre. J'en ai pleuré toute une

nuit et c'était mon premier grand chagrin.

Madame Rosa a bien vu que j'étais triste et

elle m'a expliqué que la famille ça ne veut

rien dire et qu'il y en a même qui partent en

vacances en abandonnant leurs chiens attachés à des arbres et que chaque année

il y a trois mille chiens qui meurent ainsi

privés de l'affection des siens. Elle m'a pris

sur ses genoux et elle m'a juré que j'étais ce

qu'elle avait de plus cher au monde mais

j'ai tout de suite pensé au mandat et je suis

parti en pleurant.

Je suis descendu au café de Monsieur Driss

en bas et je m'assis en face de Monsieur

Hamil qui était marchand de tapis

ambulant en France et qui a tout vu.

Monsieur Hamil a de beaux yeux qui font

du bien autour de lui. Il était déjà très

vieux quand je l'ai connu et depuis il n'a

fait que vieillir.

- Monsieur Hamil, pourquoi vous avez

toujours le sourire ?

- Je remercie ainsi Dieu chaque jour

pour ma bonne mémoire, mon petit

Momo. Je m'appelle Mohammed mais

tout le monde m'appelle Momo pour

faire plus petit.

- Il y a soixante ans, quand j'étais jeune,

j'ai rencontré une jeune femme qui m'a

aimé

...

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