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Explication d'un extrait de Julie ou la Nouvelle Héloïse de Rousseau

Étude de cas : Explication d'un extrait de Julie ou la Nouvelle Héloïse de Rousseau. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  8 Mai 2024  •  Étude de cas  •  3 543 Mots (15 Pages)  •  108 Vues

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Explication du texte de Jean-Jacques Rousseau (Julie ou la Nouvelle Héloïse, 1761)

(Notions du programme essentiellement concernées : le désir, le bonheur, le temps)

Faut-il obtenir ce que l'on désire pour être heureux ? Telle est la question dont part cet extrait de Julie ou La Nouvelle Héloïse et dont la réponse semble, à première vue, évidente : comment pourrait-on, de fait, être heureux sans avoir satisfait aucun de ses désirs et en ne restant jamais que dans la souffrance d'un manque jamais comblé ? Il semblerait en effet que le fait de n'avoir rien de ce que l'on désire se rapprocherait bien davantage de la définition du malheur que de celle du bonheur.

Or, c'est contre cette évidence que Rousseau va avancer et justifier une thèse doublement paradoxale : non seulement le bonheur ne réside pas dans la satisfaction de ses désirs mais, même, il consiste dans le désir lui-même, dans le fait et la faculté qu'à l'homme de désirer et de jouir de cette faculté d'imaginer un bonheur à venir ; le bonheur serait même précisément là, exactement, et uniquement là, dans cette attente et cette anticipation d'un bonheur auquel nous ne serions, de fait, jamais contemporains, un bonheur dont le temps par excellence ne serait pas tant le présent, ni le futur maix, curieusement le futur antérieur :

« On n'est heureux qu'avant d'être heureux », autrement dit, on n'est jamais plus heureux qu'au moment où on ne l'est pas encore, justement, le seul et véritable bonheur, le seul qui, à en croire Rousseau, serait jamais en notre pouvoir, se trouverait dans le plaisir de l'imagination, dans la jouissance de la représentation où nous nous « figurons » être heureux...

Comment donc comprendre ce paradoxe?

Ce texte de Rousseau repose, ici, la question classique du juste rapport entre le désir et le bonheur mais la traite de manière quelque peu originale, voire polémique puisqu'il nous affirme paradoxalement que le bonheur vient, non pas du fait d'obtenir ce qu'on désire, ce qui met fin au désir, et donc, aussi, au plaisir que suscite le fait d'en imaginer la satisfaction, mais résulte du désir lui-même, même s'il n'est pas satisfait, voire, du fait même, justement, qu'il ne soit pas satisfait...

L'on pourrait voir deux grands moments dans ce texte :

Il va s'agir d'abord, de comprendre le rapport essentiel qui existe précisément entre désir et bonheur (du début du texte à « le modifie au gré de sa passion. », ligne 10) : Ce n'est pas tant de l'objet sur lequel se porte le désir mais du fait même de désirer ceci ou cela, que vient le bonheur ; c'est en un chemin bien plus qu'en le terme de celui-ci, que réside le bonheur ; le bonheur est dans ce chemin qui mène à une issue (un but, un objet à atteindre, un manque à combler, une inquiétude à apaiser), et non dans cet objet et/ou cet objectif.

Mais en quoi le fait même de désirer pourrait, comme le dit Rousseau, être ce sans quoi le bonheur ne serait pas même envisageable ? En quoi désirer constitue-t-il l'essence même, non seulement d'une vie heureuse, mais, tout simplement, d'une vie « supportable » ? En quoi l'acte même de désirer, bien plus que la possession de ce qui est désiré, nous rend-il VIVANTS, réellement et pleinement vivants ?                 2                              

Ici, une autre notion est introduite, qui permet de faire le lien entre désir et bonheur : la notion de plaisir, le plaisir que procure l'acte même de désirer, plaisir qui n'est lui-même possible que parce que l'homme est doté d'une faculté qui lui est spécifique : l'imagination. Et c'est cette faculté, cette « force consolante » qu'est l'imagination qui va permettre à Rousseau, dans un second et dernier temps du texte (de « Mais tout ce prestige disparaît », lignes 10/11, à la fin du texte) de faire du désir, non plus une faiblesse de l'homme, mais sa force même, ce qui le définit spécifiquement et rend possible une quelconque temporalité, un quelconque sens, aussi, dans sa vie, à sa vie : le sens d'un progrès possible, même si, il est vrai, pourtant, l'homme ne peut satisfaire une fois pour toutes cette force qui le fait sans cesse désirer ; peut-être même, parce qu'il ne peut jamais totalement satisfaire ses désirs...

Jusqu'où peut-on, cependant, aller dans le sens de Rousseau, ici ? Autrement dit, jusqu'à quel point peut-on admettre l'idée que le bonheur ne résiderait QUE dans le désir qui précède la possession ou la consommation de son objet ? Ne faut-il pas, comme le disait Guillaume Morano dans l'émission « Philosophie » (Arte) du 21/02/2016, « Qu'est-ce qui peut nous rendre heureux ? » vue et reprise en classe le 29/11 dernier, que le bonheur s'avère « un tant soit peu réel » et ne devons-nous pas reconnaître, aussi, que la jouissance, si grisante soit-elle, de nos propres et SEULES représentations, ne saurait suffire totalement à définir le bonheur ?

***

De prime abord, désirer renvoie à une expérience un tant soit peu douloureuse, ou, du moins, frustrante : désirer, c'est avoir l'âme troublée par une insatisfaction, un manque qui engendre une certaine forme de peine. Et, de fait, le désir apparaît traditionnellement comme la source de bien des maux. Pour résoudre ce problème, pourquoi ne pas, alors, modérer ses désirs et apprendre à ne désirer que ce qui nous est réellement accessible : Dans sa Lettre à Ménécée, Epicure (342/270 avant J.C.) nous conseille ainsi de profiter des plaisirs simples et naturels et d'apprendre à nous en contenter. Sans doute l'homme heureux peut-il aussi aprrendre à savourer des plaisirs plus subtils (boire un très bon vin, par exemple) mais le jour où il n'y a que de l'eau, il ne faut pas s'en troubler et, même, devons-nous y trouver autant de plaisir. Dans la même optique de « réduction des désirs », les Stoïciens vont encore plus loin, le secret du bonheur consistant alors à désirer les choses telles qu'elles sont, comme elles arrivent, au lieu de désirer ce qui n'est pas et ne peut être.

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