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Le roman et la nouvelle au XIXe siècle : réalisme et naturalisme. Etude d'un extrait de Nana, Zola.

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Par   •  21 Novembre 2017  •  Commentaire de texte  •  2 064 Mots (9 Pages)  •  1 518 Vues

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Le passage étudié constitue le dénouement de Nana, roman d’Émile Zola, publié en 1880. Fille de Gervaise Coupeau, la blanchisseuse de L’Assommoir, l’héroïne éponyme du roman est une jeune comédienne et courtisane qui fréquente les hauts personnages du Second Empire. Atteinte par la syphilis, elle meurt dans d’atroces souffrances, dans un hôtel situé dans le quartier des grands boulevards. Elle a été veillée par quelques amies, à la fois fidèles et curieuses de voir à quoi ressemble le cadavre de celle qui fut l’une des plus jolies femmes de Paris. Cette scène constitue donc la dernière étape de la carrière de l’héroïne du roman, et la fin tragique que décrit Zola avec réalisme prend un aspect presque clinique pour décrire le cadavre. Toutefois, à cette dimension naturaliste s’ajoute une dimension théâtrale et une portée symbolique qui donne toute sa puissance à cette dernière page. [annonce du plan] Nous montrerons donc, en quoi ce dénouement est extrait d’une œuvre naturaliste puis en quoi l’écrivain dépasse cette dimension pour mettre en scène la description du cadavre de Nana et lui conférer une signification symbolique.

L’ancrage réaliste du dénouement est manifeste dans le traitement des informations spatio-temporelles, dans celui des personnages et dans la description du cadavre qui prend les allures d’un compte rendu médical ; en effet, Zola, écrivain naturaliste, entend décrire la

réalité dans ses détails les plus sordides. Tout d’abord, l’espace et le temps déterminés avec précision sont révélateurs

d’une époque historique, celle du régime de Napoléon III. La mort de Nana se produit au moment même de la déclaration de la guerre qui va mettre un terme au Second Empire. La mention des cris qui « mont[ent] du boulevard : - À Berlin ! à Berlin ! à Berlin ! » participe de la reconstitution d’une époque, en rappelant la ferveur et l’enthousiasme patriotiques qui enflamment alors la foule défilant sur les boulevards. Par ailleurs, Zola fait mourir Nana dans un hôtel des grands boulevards, donc dans le quartier moderne de l’époque : les grands boulevards ont été dessinés par le préfet de Paris Haussmann dans le but d’empêcher la construction de barricades lors d’éventuelles révoltes et sont donc bien symboliques du régime en place.

Ensuite, les personnages féminins, qui ont veillé le cadavre, présentent un caractère réaliste. Ils sont identifiables socialement : il s’agit de cinq courtisanes, représentatives de leur époque. En effet, il n’est pas de personnage important, sous le Second Empire qui n’entretienne une courtisane. Elles sont désignées ici par leur surnom, qui est aussi souvent un pseudonyme : Gaga, Lucy, Caroline, Blanche et Rose Mignon. L’utilisation du discours direct permet à Zola de « faire entendre » de façon immédiate les personnages par le lecteur et d’imiter les tournures familières de leur milieu : « Filons, filons, mes petites chattes ». Enfin, les réactions successives de ces femmes, qui passent brusquement d’une « longue insouciance » à la « panique » en apercevant le corps de leur amie en train de se décomposer, contribuent elles aussi à ce portrait réaliste. Les mots « panique » et « insouciance », utilisés en contraste dans la même phrase traduisent bien le mouvement affolé des femmes qui prennent soudain conscience de la situation.

Dernier point, l’on sait que l’évocation du corps, sans idéalisation, est une des caractéristiques fondamentales des œuvres réalistes et naturalistes. Le narrateur n’épargne au lecteur aucun détail réaliste de la décomposition du corps, au moyen d’un vocabulaire de médecin légiste, insistant sur les marques et effets de la maladie et de la décomposition : « humeur et de sang », « pustules », « bouton », « purulence », « Le nez suppurait », « une croûte rougeâtre », « virus », etc. Zola n’épargne aucun détail, y compris lorsqu’il s’agit d’évoquer l’odeur de décomposition du cadavre : « Le cadavre commençait à empoisonner la chambre. » Loin d’être idéalisé, magnifié, comme ce serait le cas pour une héroïne traditionnelle, une Iseult ou une Juliette, le corps est montré comme une masse, comme de la

matière brute, comme une chose « jetée là, sur un coussin» : « charnier », « pelletée brute », « la boue », « la moisissure ». La description est organisée : après un plan d’ensemble, le narrateur détaille le visage dans un mouvement de haut : « Un œil, celui de gauche », « l’autre, à demi ouvert », « Le nez » « une joue », « la bouche ». Il termine en décrivant « les cheveux » de la courtisane. La description brute et

précise, procédant de façon méthodique, l’absence de commentaire explicite, contribuent à ce réalisme presque médical de l’évocation de la mort.

Cependant Zola, par plusieurs aspects, sort de cette objectivité naturaliste. L’écrivain accomplit avant tout un travail d’artiste, marqué par la subjectivité car cette évocation de la mort de Nana a aussi une portée symbolique et politique. Tout d’abord, Zola use d’un style hyperbolique, qui exagère et rend expressive la description de la maladie et de la mort. Les hyperboles sont nombreuses  : «  Le cadavre

commençait à empoisonner la chambre  », «  un charnier, un tas d’humeur et de sang, «  une pelletée de chair corrompue jetée là», «la figure entière  », «  une moisissure de la terre  », « cette bouillie informe », « le bouillonnement de la purulence ». L’emploi du rythme ternaire avec des segments de longueur croissante («  un charnier, un tas d’humeur et de sang, une pelletée de chair corrompue jetée là »), renforcent l’expressivité de l’évocation, tout comme l’emploi des adjectifs dépréciatifs « grisâtre », « rougeâtre ». Cette amplification qui cherche avant tout à frapper la sensibilité du lecteur, à susciter l’horreur et la répulsion, fait qu’on s’éloigne de l’idéal d’impassibilité et de description neutre et scientifique de la description. Ainsi, l’on constate que la description progresse de l’horreur au grotesque le plus affreux. Le soin accordé aux détails sordides conduit à l’idée que Nana n’est plus rien ; les sens par lesquels Nana a vécus et aimés (la vue, l’odorat) sont totalement dégradés : « Un œil, celui de gauche, avait complètement sombré dans le bouillonnement de la purulence ; l’autre, à demi ouvert, s’enfonçait, comme un trou noir et gâté. Le nez suppurait encore. » La description prend ici des accents

ironiques tant elle touche à l’horreur.

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