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Le Pib

Fiche de lecture : Le Pib. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  3 Mars 2015  •  Fiche de lecture  •  1 717 Mots (7 Pages)  •  524 Vues

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Une bonne vieille question pour épreuve d’examen revient en force dans le débat public, y compris dans des institutions internationales qui ne semblaient pourtant pas faire du bonheur leur tasse de thé, dont la Commission européenne : la croissance fait-elle le bonheur, ou, au moins, le bien-être ? Est-on mieux quand on a plus ?

Question indécidable, direz-vous, tant le bonheur est de l’ordre de la subjectivité et de l’intimité, alors que le PIB par habitant, indicateur usuel de la richesse nationale moyenne, ne mesure que des quantités, certainement pas des satisfactions, et encore moins la « durabilité » du bien-être. Certes, mais cela ne suffit pas à clore la discussion, comme le montre, entre autres, le bon dossier que vient de publier « Problèmes économiques » (2 janvier 2008).

Je voudrais verser une petite pièce à ce débat. Elle sera complétée par d’autres arguments plus solides dans un article à paraître prochainement dans votre mensuel économique de référence.

Une façon, aussi facile à comprendre que difficile à interpréter, de mesurer quelque chose qui ressemble au bonheur, consiste à poser directement la question aux gens, dans des enquêtes d’opinion : êtes-vous satisfait de la vie que vous menez ? Ils peuvent y répondre, par exemple, sur une échelle de 0 à 10. Si des enquêtes semblables sont organisées dans d’autres pays avec la même question, on peut classer les pays selon le degré moyen de « satisfaction de vie » de leur population. On peut aussi, dans chaque pays, rééditer régulièrement l’enquête pour suivre l’évolution de cette mesure du « bien-être subjectif ».

Existe-t-il une corrélation statistique entre la richesse économique dans un pays, plus ou moins bien représentée par le produit intérieur brut moyen par habitant (PIB/h), et la satisfaction de vie moyenne ainsi mesurée ? Deux voies sont possibles pour tenter de répondre : la comparaison internationale et le suivi dans le temps. La première consiste à se placer à un moment du temps et à examiner si, dans les pays plus riches, les gens se déclarent plus satisfaits de leur vie que dans les pays plus pauvres.

Le graphique (non reproduit ici) montre que le bien-être subjectif moyen a tendance à progresser de façon très significative avec le PIB/h. Mais le « rendement » du PIB/h en termes de satisfaction est décroissant, ce qui veut dire qu’il progresse vite pour de faibles valeurs du PIB/h, et de moins en moins ensuite. Ce n’est pas étonnant a priori vu que la satisfaction est bornée (par le maximum 10) alors que le PIB/h ne l’est pas. Plus surprenant toutefois est le constat suivant : si l’on effectue l’exercice pour les seuls pays dont le PIB/h dépasse 15 000 dollars par an en 2004 en parités de pouvoir d’achat, soit 31 pays, on ne trouve plus aucune corrélation significative, ni linéaire, ni logarithmique. Le « rendement statistique » du PIB/h (dans la « production de satisfaction ») semble donc nul au-delà d’un niveau qui correspond à la moitié du PIB/h en France !

Que se passe-t-il maintenant si, dans les pays développés où de telles enquêtes existent depuis longtemps, on suit dans le temps les évolutions de la satisfaction de vie moyenne ? En France, entre 1973 et 2005, alors que l’abondance matérielle (le PIB/habitant) a progressé de 75 %, le bien-être subjectif a stagné à un niveau assez bas, autour de 6,6 sur 10. Pour d’autres pays occidentaux, on obtient également une quasi-stagnation, avec de rares cas d’évolution plus nette à la hausse (Italie) ou à la baisse (Belgique).

Peut-on déduire des résultats précédents que « la croissance ne fait pas le bonheur », au moins à partir d’un certain seuil de richesse matérielle ? Ce serait aller un peu vite en besogne. L’interprétation des données de satisfaction de vie, comme de toutes les enquêtes d’opinion, est délicate, notamment parce que les normes sociales de bien-être sont évolutives. On n’est peut-être pas plus « heureux » aujourd’hui en disposant de deux fois plus de biens qu’en 1970, mais si nous étions contraints d’en revenir au niveau de vie de 1970, nul doute que la majorité d’entre nous estimerait que son bien-être est affecté. Il en va de même des comparaisons entre pays : le bien-être subjectif est plus élevé au Honduras (et dans d’autres pays d’Amérique latine) qu’en France, alors que le PIB/h y est dix fois inférieur, mais les Français apprécieraient peu les conditions de vie qui règnent dans ce pays.

Faut-il voir dans cet attachement au niveau de vie une addiction à une consommation effrénée suscitée par la publicité et d’autres dispositifs de création de besoins superflus ? S’agit-il plutôt de conquêtes sociales légitimes ? C’est un autre débat, mais il peut être éclairé en ayant recours à des indicateurs de « développement humain » ou de « bien-être objectif ».

On peut en effet se demander si, à défaut de pouvoir cerner un bonheur assez insaisissable (statistiquement…), il ne vaut mieux pas s’en tenir à des variables moins difficiles à interpréter concernant la santé, l’éducation, la cohésion sociale et la faiblesse du chômage, l’égalité entre les femmes et les hommes, la sécurité physique et économique, etc. Quelles sont les relations entre ces variables et le PIB/h ? Par ailleurs, il ne suffit pas de quantifier des composantes du bien-être présent. Il faut aussi tenir compte, notamment en raison de la crise écologique, de la possibilité de garantir aux générations futures les ressources d’un bien-être au moins comparable. Comment la croissance et le PIB/h influent-ils sur certaines variables de « durabilité » ?

Des réponses, bientôt, dans Alternatives économiques…. Je ne les dévoile pas, mais disons que la croissance, après un interrogatoire serré mais sans brutalité, devra être mise en examen public et placée sous surveillance citoyenne.

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