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Fiche de lecture S. Beaud 80% au bac

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Par   •  11 Octobre 2017  •  Fiche de lecture  •  2 365 Mots (10 Pages)  •  1 437 Vues

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Fiche de lecture : Stéphane Beaud, 80% au bac… et après ? Les enfants de la démocratisation scolaire, 2003.

Introduction

« 80% au bac » désigne le projet du ministre de l’éducation Jean-Pierre Chevènement, en 1985, qui envisage d’« amener 80% d’une classe d’âge au niveau du baccalauréat ». Dans son ouvrage 80% au bac… et après ? Les enfants de la démocratisation scolaire, Stéphane Beaud s’interroge alors sur les conséquences d’une telle politique de démocratisation scolaire. Il met ainsi en évidence l’ambivalence de cette politique qui, certes, permet l’élévation globale du niveau de formation et permet une promotion sociale pour certains, mais a cependant un coût moral et psychologique important pour ceux qui se retrouvent fragilisés par leur échec universitaire et sont confrontés au déclassement social. Ainsi, Stéphane Beaud s’intéresse à ces derniers, enfants de milieux populaires, enfants d’immigrés, souvent enfants « de quartiers », qui mettent tous leurs espoirs de mobilité sociale dans l’école avant de faire face à une importante désillusion. Il enquête alors pendant 10 ans dans le quartier de Granvelle, dans la région de Montbéliard, afin d’étudier la difficulté de ces enfants à s’émanciper de ce groupe social par l’institution scolaire, en raison de l’inégalité des chances de réussir à l’école. Il s’agit alors de voir dans un premier temps la difficile, voire impossible, acculturation de ces enfants, avant de voir la place et le rôle important qu’à le quartier dans cette difficulté à se sentir légitime face à l’école.[pic 1][pic 2]

  1. la difficile, voire impossible, acculturation des enfants d’immigrés.

La principale conséquence de la politique des « 80% au bac » est la survalorisation du baccalauréat général au détriment du baccalauréat professionnel. Les familles populaires vont alors inciter les enfants à se tourner vers la voix de l’enseignement général. D’une part car il s’agit du résultat d’un calcul utilitariste en termes de coûts/ avantages (éviter le chômage et l’usine par des études longues), mais aussi, d’autre part, l’accès à l’enseignement général leur permet l’accès à l’égalité des conditions. Cependant, alors que les enfants de quartiers vont donc percevoir l’école comme un moyen d’échapper à l’usine et de s’émanciper de leurs milieux sociaux, ils vont vite être confronté à une dur réalité lors de leurs parcours scolaire : la difficulté de se rallier à la « culture scolaire », c’est-à-dire la culture transmise par l’école et dans laquelle certains élèves baignent déjà dans leurs familles -ceux à qui cette politique de démocratisation va alors profiter-. Les enfants des milieux populaires se sentent eux loin de cette « culture légitime » alors mesurée par le volume de capital culturel des familles. Ils ont en effet du mal à trouver leur place à l’Ecole, en particulier au lycée et lors des études supérieures. En effet, alors que le collège (ZEP) est un prolongement du quartier, une bulle protectrice ou les enfants de quartiers se retrouvent entre eux et ou la bonne ambiance règne au détriment du travail scolaire, l’entrée au lycée est évoquée traumatisme. Ces élèves imaginent que le lycée va se traduire par un niveau plus élevé, des règles plus strictes, mais en réalité le choc n’est pas à ce niveau-là, mais au niveau du dépaysement. Exemple avec Zahia qui est « la seule Marocaine » dans sa classe. De plus, les élèves du collège de ZEP arrivent au lycée avec un « sentiment d’une grande illégitimité ». Ils sont « insuffisamment armés scolairement et culturellement »[1]. Ce sentiment d’illégitimité face à l’école va notamment se traduire chez certains par une résistance à l’acculturation scolaire ; ils vont alors préférer plutôt défendre la culture de leur quartier et peuvent devenir des éléments perturbateurs. Se manifeste en effet une « culture antiécole »[2] au sein de certain lycée. Mais la sur notation, la triche ou encore la possible négociation avec prof au lycée va permettre aux enfants de milieux populaires d’obtenir un bac général, malgré leurs difficultés scolaires, et de se lancer dans des études longues, généralement la fac. C’est au moment où ils vont éprouver difficultés lors des études supérieures qu’ils vont se rendre compte que s’ils ont choisi une voix d’études longues, ce n’était non pas par leur plein gré, mais pour suivre la « norme scolaire dominante »[3]. Stéphane Beaud s’intéresse à un groupe de quatre amis du quartiers inscrits en faculté d’AES. La fac est un choix par défaut (pas de dossiers assez bons pour un BTS ou un DUT) et de proximité. Ce passage du lycée à l’université donne lieu à une nouvelle perte de repères. Malgré une forte homogénéité scolaire et sociale des étudiants dans la fac de Belfort et la solidarité entre les étudiants du quartier, le découragement et le décrochage pour certains arrivent assez vite du fait de l’autonomie demandée aux étudiants dans leur travail, du vocabulaire utilisé différent de celui du quartier, du manque de lecture et de travail personnel, du manque d’autocontrainte, du passage laborieux des examens (« ça passe ou ça casse »), etc. La culture universitaire est pour eux écrasante et ils cherchent alors à se rassurer dans le fait que l’université ne serait pas si différente du lycée ; « ils se sentent subjectivement toujours du même côté de la barrière », « continuer à se dire « à l’école », c’est se cramponner au statut protecteur qui est lié à la condition d’élève »[4].

Ainsi, alors qu’en 1985-1995 s’est effectuée une réelle massification scolaire en France, cette poussée de la scolarisation des jeunes ne s’est pourtant pas traduite par une véritable démocratisation scolaire. Cette démocratisation est certes quantitative, mais elle est loin d’être qualitative. De plus la sélection des élèves existe toujours, mais plus tard lors du parcours scolaire. Stéphane Beaud parle alors de « démocratisation ségrégative »[5]. Ces élèves « pris au piège dans l’engrenage scolaire »[6] doivent alors s’en sortir comme ils peuvent, malgré leur illégitimité scolaire, dans le risque de faire face, plus tard, au déclassement. C’est-à-dire le risque de ne pas atteindre le groupe socio-professionnel auquel ils pouvaient aspirer, en raison de leurs études avortées, ou encore de leur difficulté à passer les concours de la fonction publique malgré un DEUG en poche (exemple de Fehrat). Ces « « malgré nous » des études longues »[7] vont alors beaucoup se tourner vers le quartier tout au long de leur cursus scolaire ou lors de l’échec universitaire.

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