Fiche de lecture "Comment tout peut s'effondrer" Pablo Servigne et Raphael Stevens
Fiche de lecture : Fiche de lecture "Comment tout peut s'effondrer" Pablo Servigne et Raphael Stevens. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Akira Sakurai • 7 Juillet 2020 • Fiche de lecture • 6 779 Mots (28 Pages) • 777 Vues
Fiche de Lecture
« Comment tout peut s’effondrer »
Pablo Servigne, Raphael Stevens
Introduction
Pablo Servigne est considéré comme la figure emblématique en France de la Collapsologie, un champ d’étude qui étudie la possibilité de l’effondrement de la civilisation thermo industrielle (où l’économie et l’industrie fonctionnent grâce aux énergies fossiles). Dans le livre, il est défini comme « l’exercice transdisciplinaire d’étude de l’effondrement de notre civilisation industrielle, et de ce qui pourrait lui succéder, en s’appuyant sur les deux modes cognitifs que sont la raison et l’intuition, et sur des travaux scientifiques reconnus ». L’auteur est un chercheur indépendant qui a suivi une formation d’ingénieur agronome (Gembloux Agro-Bio Tech), l’une des premières thématiques qu’il traite dans sa carrière de chercheur est l’agriculture sans pétrole. A ce titre, Yves Cochet fondateur de l’institut Momentum, Ministre de l’environnement en 2001 et initiateur de la Collapsologie en Europe, lui demande de rédiger un rapport sur l’avenir des systèmes alimentaires en Europe sous l’angle de la résilience, ce rapport présenté à la commission européenne et aussi le premier livre de l’auteur (Nourrir l’Europe en temps de crise : vers des systèmes alimentaires résilients, Pablo Servigne 2014). A travers cette analyse des systèmes alimentaires, Pablo Servigne va commencer à étudier la question de l’effondrement possible du système alimentaire puis par voie de conséquence de la civilisation thermo industrielle. C’est donc avec Raphael Stevens, un expert en résilience des systèmes socio-écologiques, qu’ils vont former le concept de la Collapsologie une nouvelle pensée interdisciplinaire qui explore les théories de l’effondrement de notre civilisation. À la suite de la parution de ce livre, Pablo Servigne va devenir un conférencier à la fois dans les milieux scientifiques (CESE), dans les milieux de l’éducation (Agro Paris Tech) mais aussi et principalement un conférencier grand public (membre de l’association d’éducation populaire Barricade).
Comment tout peut s’effondrer a été publié en 2015, un an après la publication de son premier livre sur les systèmes agroalimentaires. Le livre s’inscrit dans un contexte historique dans lequel plusieurs experts dans leurs champs disciplinaires respectifs montrent les limites des modèles utilisés, par exemple Jean Marc Jancovici sur la question énergétique ou Gaelle Giraud sur la question de la finance. La Collapsologie se veut holistique et cherche donc à réunir les conclusions de tous ces spécialistes en faisant intervenir une multitude de disciplines scientifiques différentes : écologie, économie, anthropologie, sociologie, géopolitique… Si les cris d’alertes ne sont pas nouveaux, c’est la première fois qu’une analyse transverse est réalisée et c’est pourquoi la Collapsologie a eu un succès médiatique assez impressionnant. Ce livre s’inscrit aussi dans un contexte culturel très propice puisque les thèmes de l’effondrement sont de plus en plus explorés dans les arts. Ainsi la Collapsologie fait écho à un imaginaire collectif fort et c’est ce qui explique en partie son succès aujourd’hui.
Pour finir, Pablo Servigne et Raphael Stevens invitent les lecteurs à se poser la question de l’après effondrement, qui fait d’ailleurs l’objet d’un autre livre Une autre fin du monde est possible (2018). Dans cette ouverture, il se démarque de l’image destructrice que l’on se fait de l’effondrement en soulignant qu’il peut être source d’organisations sociales plus résilientes, plus égalitaires, plus justes et plus solidaires. Il se démarque aussi de l’analyse scientifique rigide en faisant appel à l’imaginaire, aux rêves, à l’espoir mais à travers un discours « lucide » sur la situation dans laquelle nous sommes.
Vivement critiqué pour ses conclusions catastrophistes et son approche qui se veut scientifique mais qui ne l’est pas, nous allons décortiquer les conclusions présentées par ces deux auteurs et poser les questions suivantes : L’effondrement est-il inéluctable ? (I) dans cette partie très longue, les auteurs exposent les divers constats scientifiques, sociaux et économiques qui vont en faveur d’un effondrement très proche de notre civilisation, ainsi que les dilemmes qui font de l’effondrement est une fatalité. L’effondrement est-il prévisible ? (II) cette seconde partie assez courte montre les difficultés de prédiction d’un « calendrier de l’effondrement » mais qu’il existe des signaux avant-coureurs et des modèles de prédiction qui sont à prendre aux sérieux. L’effondrement peut-il être positif ? (III) les auteurs explorent les questions sociologiques, politiques, historiques et psychologiques de l’effondrement puis nous invitent à la transition entre notre civilisation et celle d’après.
A. L’effondrement est-il inéluctable : la métaphore de la voiture
Dans son livre, Pablo Servigne souligne fortement que la construction de la Collapsologie est venue de l’intuition forte que notre civilisation actuelle va droit dans le mur. C’est pour poser des mots et une approche scientifique sur cette intuition partagée par beaucoup que les théories de l’effondrement se sont constituées. Pour définir l’effondrement, ils reprennent la définition d’Yves Cochet : « le processus à l’issue duquel les besoins de base (eau, alimentation, logement, habillement, énergie, etc.) ne sont plus fournis [à un coût raisonnable] à une majorité de la population par des services encadrés par la loi » (p.15).
Dans l’objectif de faciliter la compréhension du sujet, les deux auteurs ont développé une métaphore qui explique le processus actuellement à l’oeuvre selon eux : la métaphore de la voiture où la voiture représente notre civilisation. Elle se décompose en 5 parties : la vitesse du véhicule (1), le moteur (2), la route (3), la direction (4) et enfin l’habitacle (5). Nous allons voir que chaque partie du véhicule présente ses propres problématiques mais qu’il y a une interdépendance extrêmement forte entre les parties, on en revient encore à la volonté de faire du lien entre les disciplines, de réfléchir en système et non en silo.
Accélération du véhicule
Dans un système mathématique une fonction exponentielle est infinie mais dans un monde fini elle atteindra un seuil qu’il n’est pas possible de franchir sans subir une chute exponentielle inverse.
Sur le graphique ci-dessus, on observe qu’à partir de 1900 l’ensemble
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