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Le roman convient-il seulement pour faire " fait selon la dimension du destin " ?

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Par   •  3 Décembre 2014  •  Commentaire d'oeuvre  •  1 297 Mots (6 Pages)  •  635 Vues

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C'est avant tout de l'organisation du roman qu'il s'agit ici. La façon dont se rencontrent les personnages, dont se conviennent les décors et les êtres, dont les évènements de la vie personnelle s'inscrivent dans les événements de la vie publique, dont s'achèvent surtout les chapitres, les existences, l'histoire elle-même, voilà ce qui constitue, à l'intérieur d'un roman, l'image du destin. Ce mot est commode pour désigner une existence dont on connaît le but, qui pourrait se résumer en un mot, mais il y a évidemment quelque chose de trompeur dans cette correction que le roman inflige à la vie, et déjà au XVIIème siècle ce "mensonge" des romans était un des griefs que l'on avait contre eux. Camus, ici, reprend indirectement cette critique en constatant que le roman ne décrit qu'une réconciliation superficielle de l'homme avec sa condition. On peut même se demander si une interprétation de l'histoire de la civilisation occidentale ne se profile pas derrière ces lignes : à l'échec de l'entreprise philosophique qui, de Descartes à l'Encyclopédie, a mobilisé les esprits, succéderait le triomphe du roman. La philosophie laissait entrevoir le gouffre de l'absurde : le roman vient rassurer, au prix d'une duperie.

Le libellé du sujet nous invite à adopter une démarche dialectique : on montrera que dans le roman traditionnel, malgré tous les artifices d'arrangement qu'évoque Camus, le sentiment de l'absurde peut apparaître. On pourra souligner que le roman constitue aussi un instrument de recherche capable de libérer le lecteur au lieu de l'enfermer dans l'illusion d'un ordre.

► Le roman n'est-il propre qu'à fabriquer du "destin sur mesure" ?

Plan:

I. La conception du roman que vise Camus est fondée sur une organisation concertée du destin des personnages :

- la rencontre est un des grands thèmes du roman. Quoi de plus passionnant en effet que le type de méditation qu'inspire cette circonstance, qu'on la croie ou non le fruit du hasard ? Tous les romans en donnent des exemples, parce que toute existence doit à ses rencontres de s'être infléchie comme ceci plutôt que comme cela. Dans le roman, ce hasard est toujours providentiel, puisque le romancier l'a agencé selon ses desseins, dans la voie qu'il entend faire suivre à ses personnages pour aller au bout d'eux-mêmes (voir les remarques du narrateur dans La Nausée de Jean-Paul Sartre).

- la permanence des passions et des ambitions, quelles que soient l'usure et les vicissitudes du temps, est tout aussi remarquable chez les personnages de romans. Le héros peut être défini par un vice implacable (l'avarice du Père Grandet), par une passion (la musique pour le Jean-Christophe de Romain Rolland), par la fidélité à un lieu même (la maison des Trembles pour le Dominique de Fromentin). Tous ces héros sont des modèles auxquels nous cherchons à nous identifier, alors même que nos personnalités sont soumises à mille influences et transformations.

- le manichéisme du roman : peu de fictions qui ne mettent en œuvre des forces antagonistes avec une netteté qui n'est pas celle de la vie. Ici encore, dans le roman, on est généreux, sublime, ignoble ou malheureux comme il n'est pas permis ! On peut prendre l'exemple de Gervaise dans L'Assommoir d'Émile Zola, roman réaliste pourtant, où tous le fléaux subis par la condition ouvrière se trouvent rassemblés sur le dos de ce personnage pour le rendre plus signifiant.

« Ce qui manque à chacun de mes héros, que j'ai taillés dans ma chair même, dit Gide, c'est ce peu de bon sens qui me retient de pousser aussi loin qu'eux leurs folies.» Ce qui leur manque : entendez, non ce qui leur fait défaut, mais ce dont l'absence même fait leur force et leur essence de héros de roman; car ce bon sens dont parle Gide et qui sépare le monde de la réalité du monde romanesque, c'est le sens du réel. Que ne ferions-nous si nous n'étions pas raisonnables ! Nous toucherions l'oreille du patron, comme Salavin, nous escaladerions la fenêtre de notre maîtresse,

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