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Le cas de Lucien de Rubremre

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Par   •  21 Janvier 2014  •  Analyse sectorielle  •  1 442 Mots (6 Pages)  •  753 Vues

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es jeunes lecteurs en particulier, à l’orée de leur existence, sont fascinés par une vie qui les appellent ou qu’ils ressentent comme menaçante. Les voilà à l’âge inconfortable où ils sont souvent conduits à déformer la vie par le rêve ou par la peur. Certains, mus par un idéal enthousiaste, ambitionnent de se faire un nom. C’est le cas de Lucien de Rubempré qui a délaissé sa Charente natale pour aller chercher à Paris la gloire littéraire. Julien Sorel, dans Le Rouge et le Noir de Stendhal, porte au plus profond de lui le désir incoercible de conquérir une place dans la société à la manière de Napoléon Ier. D’autres sont en quête du bonheur, qui se confond souvent avec la recherche de l’âme sœur, quand ils ne s’étourdissent pas dans les plaisirs. Félix de Vandenesse se trompe entre ses conquêtes parisiennes de dandy à la mode, et sa passion idéalisée pour Madame de Mortsauf, la Tourangelle du Lys dans la vallée.

Il existe même des personnages comme Lucien qui constatent que la réalité dépasse leurs rêves secrets. « Cette soirée [au théâtre] fut remarquable par la répudiation secrète d’une grande quantité de ses idées sur la vie de province. » N’ayant pu imaginer la variété, le changement incessant de la mode, Lucien et sa protectrice sont irrémédiablement séduits par les apparences trompeuses de cette société superficielle. Les voilà prêts à abandonner la proie pour l’ombre parce que la réalité est devenue à son tour illusion !

Les lecteurs qui connaissent une vie terne se tournent volontiers vers des romans qui les dépaysent dans le temps ou dans l’espace. Rebutés par leur époque étouffante, ils s’évadent au moyen de romans historiques : à eux, le panache des Trois mousquetaires de Dumas, la noblesse du Hussard sur le toit de Giono ou les sortilèges de Carthage agitée par la guerre contre les mercenaires dans Salammbô de Flaubert. Ces aventures exotiques ou éloignées dans le temps combinées à des péripéties sentimentales font toujours recette si l’on en croit le succès de L’Abyssin ou de Rouge Brésil de Rufin. Leur caractéristique commune est de permettre l’évasion en sollicitant fortement l’imagination.

Finalement, tant que le lecteur sait distinguer entre réalité et fiction, il n’y a pas de risque.

II. Les romanciers surtout à partir du XIXe siècle ont cherché à livrer une expérience plus conforme à la vie ordinaire.

Face à ces promesses de bonheur, ou à défaut de vie exaltante, les romanciers de la deuxième moitié du XIXe siècle ont livré leur désenchantement. En ce sens, le titre du roman de Balzac, les Illusions perdues, les caractérise à merveille. Ainsi Jeanne, le personnage principal d’Une Vie, est allée de déception en déception. Cette jeune aristocrate, tôt sortie du couvent, a épousé l’homme de son cœur. Mais, très vite, la vie commune lui révèle un homme peu délicat et avare. De plus elle découvre qu’il entretient des aventures extra-conjugales. De même elle va être déçue par ses propres enfants qui ne lui manifestent aucun attachement. Bouvard et Pécuchet ont cru trouver le bonheur dans une retraite normande, mais au bout de leur voyage, ils n’ont rencontré que la solitude et le morne ennui. Chacun, à sa manière, fait l’expérience que la réalité est à cent lieues de ses Grandes espérances (Great expectations), un roman de Dickens sur la désillusion par le réel.

Flaubert est allé plus loin dans la dénonciation des dangers mortifères de l’illusion romanesque. Emma, l’héroïne éponyme de Madame Bovary, meurt empoisonnée moins par l’arsenic d’Homais que par le poison de ses lectures romanesques sentimentales et sirupeuses. C’est bien dans les livres ramenés sous le manteau par la vieille fille servant au couvent que réside le venin : cette littérature enflamme les imaginations, trompe les jeunes esprits par son monde factice, et livre sans défense la jeune femme aux lâches séducteurs. De même ces ouvrages développent de manière irresponsable le désir de vivre au-dessus de sa condition si bien que le goût du luxe achève Emma, perdue dans ses rêves mensongers. Cet effacement de la réalité derrière l’illusion du rêve s’appelle désormais le bovarysme. Malheureusement ce danger sévit toujours.

Ainsi le réalisme conduit au pessimisme radical : l’existence est grise. La bêtise, le conformisme bourgeois sont tout puissants. La fin de Madame Bovary est exemplaire à ce sujet. On y voit que le tortueux, le sournois, le stupide Homais est récompensé par une décoration officielle, et qu’il règne en maître sur l’empire sanitaire

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