L Ecologie
Documents Gratuits : L Ecologie. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar dissertation • 28 Février 2013 • 9 034 Mots (37 Pages) • 1 641 Vues
SUR L’ECOLOGIE
Alain de Benoist
C'est en 1859 que le naturaliste allemand Ernst Haeckel a inventé le terme
d'« écologie » pour désigner la science des relations entre les organismes vivants et
leur univers « domestique » (grec oikos), c'est-à-dire leur milieu naturel. L'expression
d'« écologie humaine », elle, remonte à 1910. La notion d'« écosystème » a été créée
en 1935 par l'Anglais Tansley. En 1953, dans leurs Fundamentals of Ecology, les
frères Odum donneront aux écosystèmes le rang d'organismes vivants, ouvrant ainsi
des perspectives nouvelles à la science.
En tant que préoccupation politique et sociologique, l'écologie apparaît beaucoup
plus tardivement, encore qu'on la trouve exprimée dès 1926 chez le biologiste
Vernadsky. Dans les pays anglo-saxons, l'un de ses pionniers, George Stapleton,
écrivit son livre Human Ecology entre 1946 et 1948, mais il rencontra si peu d'intérêt
autour de lui qu'il en laissa le manuscrit dans ses tiroirs, où il resta jusqu'à sa mort en
19601. Il faut en fait attendre les années soixante pour voir l'écologisme connaître
son premier essor avec les livres de Gunther Schwab en Allemagne, de Barry
Commoner, Barbara Ward, Evelyn G. Hutchinson et Rachel Carson aux Etats-Unis2.
En France, un ministère de l'Environnement est créé en 1971. L'année suivante, le
célèbre rapport du Club de Rome sur les « limites de la croissance » (Limits to
growth) et l'épuisement des ressources énergétiques déclenche des polémiques
mémorables. Dans les années soixante-dix, avec les crises pétrolières qui semblent
sonner le glas de la croissance à rythme continu et du plein emploi, la « protection de
l'environnement »3 devient véritablement à l'ordre du jour, tandis qu'on assiste dans
la plupart des pays occidentaux à l'émergence des partis « verts », des comités de
citoyens et des « nouveaux mouvements sociaux »4.
L'ampleur de la préoccupation écologiste est évidemment proportionnelle au
constat des dommages infligés au milieu naturel par l'activité techno-industrielle.
Pendant des décennies, sinon des siècles, l'activité économique s'est déroulée dans
l'ignorance des lois physiques fondamentales qui font qu'environnement et économie
ne forment jamais des entités totalement séparées. Le libre fonctionnement des
marchés permettait aux décideurs de maximiser leurs intérêts sans prendre en
compte les « externalités » afférentes à leurs initiatives. La logique du profit poussait
régulièrement à rechercher la rentabilité à court terme, les coûts nécessaires à la
reproduction ou à la reconstitution des conditions non marchandes de production
étant reportés « vers l'extérieur », c'est-à-dire en définitive sur le social (cf. la célèbre
formule de l'« effet NIMBY » : « not in my backyard »). Cette propension au pillage ou
à l'épuisement inconditionné des ressources naturelles était d'ailleurs aussi bien la
règle dans les pays du « socialisme réel », comme en témoigne la situation
désastreuse qui est aujourd'hui, bien souvent, celle du milieu naturel dans les pays
d'Europe de l'Est.
Devant cette situation, l'attitude générale tant de l'opinion publique que des
milieux officiels a peu à peu évolué à partir d'une interrogation sur un éventuel
épuisement des stocks naturels, ainsi que sur le coût d'une croissance illimitée et sur
l'impact qu'un certain nombre de mesures publiques et privées pouvaient avoir sur le
rythme de cette croissance. Deux démarches bien différentes se sont alors fait jour,
l'une d'orientation réformiste, qui continue de véhiculer une conception
instrumentaliste ou utilitariste de la nature, telle qu'elle est par exemple exposée par
William F. Baxter et John A. Livingston5, l'autre, qui est celle de l'écologisme au sens
propre, qui se propose à la faveur de la crise actuelle de modifier de façon radicale
les rapports de l'homme et de la nature.
La première de ces démarches correspond à ce que l'écologiste norvégien Arne
Naess a appelé l'« écologie superficielle » (shallow ecology), par opposition à
l'« écologie profonde » (deep ecology)6. Elle se ramène à une simple gestion de
l'environnement, et vise à concilier préoccupation écologique et productivité sans
remettre en cause les fondements mêmes du système de production et de
consommation dominant. Elle s'inscrit par ailleurs dans une perspective
« anthropocentriste » de type classique, c'est-à-dire qu'elle repose sur l'idée que la
nature ne mérite d’être
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