Un échange peut-il être désintéressé ?

Un échange peut-il être désintéressé ?

9 Pour chacun des domaines suivants, précisez et justifiez quelle est la réponse à la question

ou bien en quoi elle pose problème.

a. Domaine économique.

La question ne pose pas de problème dans ce sens car par définition un échange économique

est un échange intéressé : on ne peut acheter ou vendre que ce dont un profit est envisagé et

ce dont un besoin est exprimé. L’intérêt est la cause des échanges économiques (voir les textes

d’Aristote page 70 et de Smith page 72).

b. Domaine politique.

L’intérêt politique est l’intérêt général, la question se pose de savoir si la sphère politique est

celle d’une communauté qui se construit et s’institue sur des valeurs désintéressées de solidarité

et de vivre bien ensemble ou bien s’il s’agit un jeu de conflits d’intérêts particuliers.

c. Domaine affectif.

Les échanges affectifs viennent satisfaire un autre type d’intérêt humain, le problème est de

savoir si le modèle de l’échange économique fournit un cadre suffisant de compréhension de

ce type d’échanges. Les échanges affectifs peuvent être considérés comme un calcul de dépense

et de gain (par exemple un amour donné sans jamais aucun retour s’épuise), ou bien comme

un type d’échange gratuit non soumis à la logique de l’intérêt (voir le texte de Sénèque, page 73). Ces deux textes ont pour point commun de dire que ce qui nouslie à nossemblables est notre

imperfection, mais ils s’opposent quand Schopenhauer affirme que la solitude est préférable

aux peines que nous nous infligeons les uns aux autres alors que Rousseau fait de la société la

condition du seul bonheur accessible à l’homme.

• Selon Schopenhauer, ce qui pousse les hommes à se rapprocher est « le besoin de se réchauffer

l’esprit », la sociabilité s’enracine dans l’ennui de la solitude (lignes 1-6). Pareils aux porcsépics

ballotés entre deux souffrances, le froid dans la solitude et les piquants des autres dans

la proximité (lignes 7-14), l’homme est balloté entre la monotonie de sa solitude et les défauts

insupportables des autres (lignes 15-18). D’où la nécessité de diminuer le coût de la vie sociale

en trouvant la bonne distance : celle de la politesse, hypocrisie douloureuse mais qui permet

d’éviter de souffrir encore davantage (lignes 18-24). Cependant cette solution n’est que partielle

et un esprit supérieur sera capable de se passer de ses semblables (lignes 24-26).

• Chez Rousseau, la dimension affective de notre sociabilité s’enracine dans le sentiment

de nos misères communes. Notre attachement à autrui est donc lié à notre incapacité à nous

suffire à nous-mêmes (lignes 1-5), mais il n’est pas préférable à la solitude car la compagnie

d’autrui est la condition de « notre frêle bonheur ». En effet, un être imparfait qui se suffirait

à lui-même serait malheureux (lignes 5-12). Cet attachement qui nous lie aux autres hommes

est celui de la pitié, il naît du spectacle de la misère d’autrui et non de son bonheur, qui suscite

plutôt l’envie (lignes 13-18). La douceur ambiguë de ce sentiment de pitié est que la souffrance

de voir souffrir autrui s’accompagne du plaisir de ne pas soi-même souffrir de ce qui l’affecte

(lignes 18-24).

Questions supplémentaires pour travailler le texte 7 de Schopenhauer

– Expliquez ce qui motive le besoin de sociabilité d’après le texte.

– Tous les hommes éprouvent-ils ce besoin ? Précisez votre réponse.

– Quelles sont les deux souffrances entre lesquels les porcs-épics sont ballotés ?

– De quels comportements et souffrances humaines cette fable est-elle la métaphore ?

– Quelle est la distance moyenne rendant la vie en commun possible ? Pourquoi Schopenhauer

dit-il que ce n’est qu’à moitié satisfaisant ?

– Quelle autre possibilité le texte propose-t-il contre la souffrance ?

54

Questions supplémentaires pour travailler le texte 8 de Rousseau

– Comment Rousseau explique-t-il la sociabilité humaine ?

– Si « un être vraiment heureux est un être solitaire », pourquoi Rousseau n’en déduit-il pas

qu’il est préférable pour l’homme de vivre solitaire ?

– Quelle différence ce texte établit-il entre intérêt et affection ?

Chapitre 3 • Les échanges 55

Les échanges commerciaux favorisent-ils la paix ? pages 76-77

9. Les deux effets du commerce, Montesquieu, De l’esprit des lois.

10. La marchandisation du travailleur, Marx, Manuscrits de 1844.

Mise en relation des textes

• Ces deux textes montrent ce que comporte de conflictuel et d’immoral un esprit de commerce

dans lequel toute action humaine peut devenir marchandise. Mais ils n’ont pas le même objet :

le texte

...