États Nations, Firmes Multinationales Et Capitalisme Mondial
Compte Rendu : États Nations, Firmes Multinationales Et Capitalisme Mondial. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar kjiok • 20 Juin 2013 • 19 158 Mots (77 Pages) • 1 699 Vues
États nations,
firmes multinationales
et capitalisme mondial
CHARLES-ALBERT MICHALET
L’objet de cet article est d’amorcer une réflexion sur le statut de l’État
nation dans le cadre de la problématique du capitalisme mondial.
Son objectif est limité. Il ne s’agit pas de tenter une analyse de l’État
mais seulement de définir la conception plus ou moins implicite que s’en font
les économistes qui s’intéressent à l’économie internationale. Cherchant à
mettre à jour les lois des échanges internationaux et les conditions optimales
de la division du travail entre les pays, les auteurs ont, dès le départ, fait de
l’État nation le pivot de leurs constructions théoriques. Le réseau des flux de
marchandises entre les États définit le champ de l’économie internationale.
Celle-ci est donc réduite, en fin de compte, à la somme des co-échangistes.
Traitée en termes de relations d’extériorité, la structure de l’économie interna-
tionale est neutre, unidimensionnelle, purement additive. La question est de ré-
partir de façon rationnelle des ressources rares et inégalement distribuées sur
un espace homogène. L’abstraction de la démarche rend inutile la prise en
compte des États nations comme des formations économiques et sociales ayant
un certain contenu. Il suffit de les caractériser par une certaine combinaison
de facteurs de production. Celle-ci détermine l’insertion de chaque État nation
dans la spécialisation internationale.
La «découverte», durant les années soixante, de l’importance des activités
des firmes multinationales (FMN) n’a pas entraîné une remise en cause du para-
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digme traditionnel de l'économie internationale. Cette absence d’interférence a
peut-être tenu à des facteurs institutionnels. L’étude des FMN a d’abord été
développée au sein des Business Schools alors que les Départements d’Écono-
mie des Universités s’en tenaient à la théorie des échanges. Insensiblement,
l’habitude a été prise d’ajouter les FMN aux États nations comme un nouvel
agent de l’économie internationale. La problématique du capitalisme mondial
refuse cette incorporation formelle. Les activités des FMN et aussi des ban-
ques multinationales n’interviennent pas sur la scène internationale comme un
figurant supplémentaire sur le plateau d’une revue. Le rôle qu’elles tiennent
oblige à modifier la pièce. Les transformations, entraînées par l’internationalisa-
tion de la production et des circuits monétaires et financiers, constituent une
rupture par rapport aux schémas théoriques de l’économie internationale. Une
économie mondiale émerge qui doit conduire à l’abandon du vieux paradigme.
La démarche proposée suit cette progression. Après avoir analysé la
remise en cause du statut de l’État nation tel qu’il est défini dans le cadre de
la théorie de l’économie internationale, nous tenterons d’ébaucher une reconsti-
tution de l’État nation dans la perspective de l’économie mondiale.
1. LE DÉPASSEMENT DU PARADIGME TRADITIONNEL ET LA
CRISE DE L’ÉTAT NATION
Le paradigme de l’économie internationale est fondé sur un certain nom-
bre d’hypothèses définies par Ricardo, puis développées par le courant néo-
classique (Heckscher, Ohlin, Samuelson, Lerner). Nous supposerons qu’elles
sont connues. Rappelons seulement que les États nations, pivots du système,
échangent des marchandises sur la base d’une spécialisation internationale fon-
dée sur les dotations en facteurs des espaces nationaux. Le libre-échange va
conduire à une allocation optimale des ressources. Les facteurs de production
ne sont mobiles qu’à l’intérieur des frontières où règne la concurrence par-
faite. Nous voudrions montrer que l’internationalisation de la production, lar-
gement due aux FMN, puis
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