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Transitions, Chômage Des Jeunes, Recul Du Mariage Et Terrorisme En Algérie : Une équation à Plusieurs Inconnues

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Par   •  15 Mai 2013  •  8 947 Mots (36 Pages)  •  1 305 Vues

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Transitions, chômage des jeunes, recul du mariage et terrorisme en Algérie : une équation à plusieurs inconnues

Ali Kouaouci

Chercheur

Département de démographie

Université de Montréal

Introduction

On ne peut parler de l’Algérie sans évoquer le terrorisme qui l’ensanglante depuis une dizaine d’année. Dans ce travail, l’accent sera mis sur l’aspect démographique qui n’a pas été suffisamment associé au phénomène de la violence en général, et du terrorisme en particulier. Ce faisant, nous tenterons de montrer comment la croissance démographique passée a amené sur le marché du travail et sur la marché matrimonial des générations trop nombreuses qui n’ont pu être absorbées et qui de ce fait ont constitué objectivement ‘une armée de réserve’ dans laquelle ont puisé des forces pas toujours identifiées pour des fins de déstabilisation par la terreur. Si nous parlons d’équation à plusieurs inconnues dans le cas algérien, c’est simplement pour éviter de simplifier le problème en associant automatiquement les variables démographiques et économiques au terrorisme : pour que la terreur s’installe, il faut bien, en plus d’une forte motivation, des armes, de l’argent, une organisation, de l’information, des communications, peu accessibles directement à des jeunes exclus. Nos principales inconnues resteront ici les forces et les acteurs internes et externes qui utilisent les jeunes algériens pour déstabiliser le pays. Parler de ces forces relève d’un autre type d’expertise, fort heureusement représentée au sein de cette conférence.

L’importance de la croissance démographique dans l’apparition de la déstabilisation politique a fait l’objet de rares études en Afrique (Coquery-Vidrovitch, 1989). Les auteurs se sont confrontés au manque de données fiables pour explorer la relation. Nous tenterons ici d’utiliser des indices combinant la démographie et l‘économie pour dépasser l’impasse.

Nous commencerons par dresser un tableau rapide de la croissance démographique en Algérie de 1900 à 1995 en repérant la croissance du groupe 15-24 ans et en identifiant à deux moments de forte croissance associé à un taux élevé de chômage 1954 et 1991. Nous essayerons de comprendre comment l’exclusion d’environ un million de jeunes a fourni à la révolution algérienne ses combattants et à la terreur ses troupes.

Après cela, nous verrons à travers des données obtenues en 1991 que la jeunesse algérienne n’a pas adhéré en grandes proportions à la violence, mais qu’à la veille du déclenchement du terrorisme, une partie de la jeunesse reconnaissait son attirance pour ce choix de changement par la violence.

Pour finir, il faudra bien évoquer les programmes d’ajustement structurel qui limite les possibilités d’emploi des jeunes, et qui a causé la mise en chômage de 400,000 travailleurs en quelques années. Cela nous amènera à examiner la manière dont la question de la jeunesse est traitée par l’administration algérienne et ses limites et peut être des pistes pour le futur.

En fait il faudra aussi envisager la question de la sécurité internationale. Il est en train de se développer une politique de `guerre préventive’, alors qu’on aurait besoin de prévention des conflits, ce qui suppose aider à proposer des alternatives, à la violence, aux masses d’exclus, dans un cadre plus large de développement et non de lutte contre le terrorisme (qui est un effet et non une cause) seulement.

1. Les effets de la croissance démographique : un cadre d’analyse

La croissance démographique a connu ces dernières années un ralentissement remarquable, dans de nombreuses régions. Pour le Maghreb, il aura été aussi rapide qu’imprévu. La transition vécue par l’Algérie, le Maroc et la Tunisie ne saurait être réduite à un changement démographique isolé des autres changements. En particulier, les conditions difficiles que traverse la région, du point de vue économique surtout, ne saurait être escamotées pour faire croire à une transition paisible vers des niveaux plus favorables de fécondité et de croissance. En vérité, toute transition est pénible, les sociétés ne changent pas par choix raisonné mais bien contraintes et forcées. Maurice Godelier l’a exprimé en disant que

« La transition désigne ce moment où la société rencontrant des difficultés externes et/ou internes à reproduire le système économique et social sur lequel elle se fonde , est presque forcée de se réorganiser sur la base d’un autre système» (Godelier, 1990)

Comme l’ont suggéré des chercheurs comme Adnan (Adnan, 1997) pour le Bangladesh et Maria-Cosio (Cosio-Zavala, 1995) pour l’Amérique latine, les transitions ne s’accompagnent pas nécessairement de progrès économique et social, mais plutôt d’appauvrissement de la population, à tel point qu’on a pu parler de ‘malthusianisme de la pauvreté’, avec son cortège de chômage, de baisse du niveau de vie.

Dans le cas de l’Algérie, il semble qu’on puisse parler de succès du malthusianisme pur, puisque le recul du mariage, auquel vont les faveurs du célèbre pasteur, à l’opposé du contrôle de la fécondité par des moyens contraceptifs peu ‘orthodoxes’ pour lui, joue le principal rôle dans la transition Le triomphe de Malthus est d’autant plus éclatant que ce recul du mariage se produit au cœur de la ‘citadelle domestique’ d’après la formule heureuse de P Fargues, là où le mariage universel et précoce apparaissait incontournable, il y a quelques années à peine.

Nous nous inspirons du cadre élaboré par McNicoll (McNicoll, 1984) en l’adaptant à la situation du Maghreb. Nous allons essayer de montrer comment dans le cas du Maghreb, la croissance démographique a amené des générations de plus en plus nombreuses aux âges d’entrée en activité, de se marier et de créer de nouveaux ménages. Cette structure particulière qui exerce sur le marché du travail une tension inédite et redoutable va modifier de nombreuses institutions comme la famille, mais aussi le marché du travail, et par là même du champ économique et voire même politique. En particulier la notion de famille et de mariage quasi universel et précoce qui caractérisait les sociétés maghrébines encore récemment, connaît un recul évident annonçant des changements importants au niveau du comportement

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