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Maitre Lelong

Commentaire d'oeuvre : Maitre Lelong. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  19 Novembre 2014  •  Commentaire d'oeuvre  •  5 053 Mots (21 Pages)  •  525 Vues

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La nature des sanctions pénales lato sensu au regard de leur application dans le temps ne cesse de susciter débats et jurisprudence, compte tenu surtout de la multiplication de ces mesures ces dernières années et des subtilités du principe de non-rétroactivité de la loi pénale (V. par ex. F. Desportes et F. Le Gunéhec, Droit pénal général, 16e éd., Economica, 2009, n° 331 s. ; J. Pradel et A. Varinard, Les grands arrêts du droit pénal général, 7e éd., Dalloz, 2009, n° 10). Une nouvelle application de cette délicate question résulte de la loi n° 2008-174 du 25 février 2008 sur la rétention de sûreté et la déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental (art. 706-140 c. pr. pén.). Plus précisément, l'article 706-135 permet à la chambre de l'instruction et à la juridiction de jugement de prononcer une mesure d'hospitalisation d'office. Et l'article 706-136 permet à ces mêmes juridictions d'appliquer, à certaines conditions, des interdictions (d'entrer en relation avec la victime de l'infraction ou certaines personnes, de paraître en certains lieux, de détenir ou de porter une arme, d'exercer certaines activités professionnelles) ou des incapacités (suspension et annulation du permis de conduire). Ces mesures prévues à ces deux articles ne peuvent être prononcées que si les juges font une déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental.

L'arrêt rendu par la chambre criminelle le 16 décembre 2009 et ci-dessus rapporté est une nouvelle illustration de cette question à propos d'un individu qui, par arme à feu, avait commis un assassinat et une tentative d'assassinat. Atteint de troubles mentaux graves, l'intéressé avait bénéficié d'une particulière mansuétude de la chambre de l'instruction : celle-ci avait considéré que la procédure créée par la loi du 25 février 2008 était en l'espèce inapplicable et que les mesures prévues aux articles 706-135 et 706-136 ne pouvaient être prononcées, s'agissant de peines qui ne pouvaient s'appliquer à des faits commis antérieurement à la loi du 25 février 2008 ; en conséquence, elle décide la remise en liberté de l'intéressé (Colmar, 25 juin 2009).

La chambre criminelle dans sa décision du 16 décembre 2009 casse cette décision. Pour elle, les mesures édictées aux articles 706-135 et 706-136 sont des mesures de sûreté de sorte que l'article 112-1, alinéa 2, du code pénal (« peuvent seules être prononcées les peines légalement applicables » à la date des faits) ne doit pas recevoir application. C'est reconnaître à la fois la qualification de mesure de sûreté de ces mesures et leur applicabilité à des faits antérieurs à la loi nouvelle. Que faut-il en penser ?

I - Les mesures prévues par les articles 706-135 et 706-136 du code de procédure pénale sont-elles des mesures de sûreté ?

Une réponse à cette question particulière suppose que l'on ait d'abord défini ce que sont de façon générale les mesures de sûreté ?

A - L'expression « mesures de sûreté » est ancienne en doctrine alors que le droit positif ne l'utilise que depuis quelques années. Mais, comme on va le voir, le sens reste toujours le même.

1 - Pour les auteurs, les mesures de sûreté sont dépourvues de toute coloration morale et sont destinées uniquement à lutter contre l'état dangereux de l'individu. Naguère, le président M. Patin avait clairement campé la mesure de sûreté face à la peine : « Tandis que l'objet de la peine, disait-il, est d'appliquer au délinquant un châtiment proportionné à la fois à la faute qu'il a commise et au degré d'indulgence dont il peut être digne, la mesure de sûreté vise seulement, en dehors de toute question de responsabilité personnelle, à garantir la société contre le délinquant, soit en l'éliminant s'il n'est pas amendable, soit en l'amendant par des mesures appropriées si la chose paraît possible » (M. Patin, La place des mesures de sûreté dans le droit positif moderne, RSC 1948. 415). Tous les auteurs sont d'accord sur cette définition de la mesure de sûreté qui, on l'aura noté, ne peut être cernée qu'en confrontation avec la peine. On ajoutera que, chez les auteurs, la mesure de sûreté est de durée indéterminée et ne saurait être prononcée sans examen mental psychologique préalable.

Certes, dans la pratique, la différence n'est pas aussi nette. Psychologiquement, les délinquants ne font guère la différence. A leurs yeux, comme les mesures de sûreté, les peines ont une fonction de prévention et de réhabilitation. (art. 131-3 s. c. pén. parlant du reste des « peines correctionnelles »), alors que, de leur côté, les mesures de sûreté sont ressenties comme des peines ainsi que le montre bien l'exemple de la suspension du permis de conduire. C'est ainsi qu'il a été dit, lors des travaux préparatoires du code pénal que, « désormais, toutes les sanctions pénales seront sans distinction des peines ; elles sont d'ailleurs ressenties comme telles par le condamné » (JO Sénat, Doc. parl. 1985-1986, n° 300, p. 7). Certains auteurs sont même allés jusqu'à prôner une « intégration de la peine et de la mesure de sûreté dans un régime unitaire de sanctions pénales fondé sur des critères à la fois physiques, sociaux et moraux » (M. Ancel, La défense nouvelle, 3e éd., Cujas, 1981, p. 232). On notera enfin que l'article 132-24 du code pénal énonce que « la nature, le quantum, et le régime des peines prononcées sont fixés de manière à concilier la protection effective de la société, la sanction du condamné et les intérêts de la victime avec la nécessité de favoriser l'insertion ou la réinsertion du condamné et de prévenir la commission de nouvelles infractions ». Dans ce texte à l'allure philosophique, l'interprète trouvera la consécration de la peine et de la mesure de sûreté tout à la fois, et à l'occasion d'une même sanction, notre droit pénal consacrant une sorte de Janus bifrons.

Ces remarques ne sauraient cependant effacer la distinction entre les peines et les mesures de sûreté : la peine est la sanction d'une faute morale et elle est donc, au moins en partie, rétributive, alors que la mesure de sûreté est une simple mesure de prévention sociale. Faut-il rappeler que la plupart des codes pénaux distinguent clairement les deux concepts en énumérant dans des développements distincts les diverses peines et les diverses mesures de sûreté (J. Pradel, Droit pénal comparé,

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