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Main Invisible

Dissertation : Main Invisible. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  21 Avril 2014  •  6 697 Mots (27 Pages)  •  1 043 Vues

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« Car il peut être observé que dans toutes les religions polythéistes, parmi les sauvages comme dans les âges les plus reculés de l'Antiquité, ce sont seulement les événements irréguliers de la nature qui sont attribués au pouvoir de leurs dieux. Les feux brûlent, les corps lourds descendent et les substances les plus légères volent par la nécessité de leur propre nature ; on n'envisage jamais de recourir à la « main invisible de Jupiter » dans ces circonstances. Mais le tonnerre et les éclairs, la tempête et le soleil, ces événements plus irréguliers sont attribués à sa colère. »

— Adam Smith « History of Astronomy », 1755~, in W.P.D Wightman and J.C Bryce (eds), Adam Smith Essays on Philosophical Subjets, Clarendon Press, 1981, p. 491

dans la Théorie des sentiments moraux :

« Le produit du sol fait vivre presque tous les hommes qu'il est susceptible de faire vivre. Les riches choisissent seulement dans cette quantité produite ce qui est le plus précieux et le plus agréable. Ils ne consomment guère plus que les pauvres et, en dépit de leur égoïsme et de leur rapacité naturelle, quoiqu'ils n'aspirent qu'à leur propre commodité, quoique l'unique fin qu'ils se proposent d'obtenir du labeur des milliers de bras qu'ils emploient soit la seule satisfaction de leurs vains et insatiables désirs, ils partagent tout de même avec les pauvres les produits des améliorations qu'ils réalisent. Ils sont conduits par une main invisible à accomplir presque la même distribution des nécessités de la vie que celle qui aurait eu lieu si la terre avait été divisée en portions égales entre tous ses habitants ; et ainsi, sans le vouloir, ils servent les intérêts de la société et donnent des moyens à la multiplication de l'espèce. »

— Adam Smith, 1999 [1759], Théorie des sentiments moraux, Léviathan, PUF, p.257

dans la Richesse des Nations :

« Mais le revenu annuel de toute société est toujours précisément égal à la valeur échangeable de tout le produit annuel de son industrie, ou plutôt c’est précisément la même chose que cette valeur échangeable. Par conséquent, puisque chaque individu tâche, le plus qu’il peut, 1° d’employer son capital à faire valoir l’industrie nationale, et 2° de diriger cette industrie de manière à lui faire produire la plus grande valeur possible, chaque individu travaille nécessairement à rendre aussi grand que possible le revenu annuel de la société. À la vérité, son intention, en général, n'est pas en cela de servir l'intérêt public, et il ne sait même pas jusqu'à quel point il peut être utile à la société. En préférant le succès de l'industrie nationale à celui de l'industrie étrangère, il ne pense qu'à se donner personnellement une plus grande sûreté ; et en dirigeant cette industrie de manière à ce que son produit ait le plus de valeur possible, il ne pense qu'à son propre gain ; en cela, comme dans beaucoup d'autres cas, il est conduit par une main invisible à remplir une fin qui n'entre nullement dans ses intentions ; et ce n'est pas toujours ce qu'il y a de plus mal pour la société, que cette fin n'entre pour rien dans ses intentions. Tout en ne cherchant que son intérêt personnel, il travaille souvent d'une manière bien plus efficace pour l'intérêt de la société, que s'il avait réellement pour but d'y travailler. Je n'ai jamais vu que ceux qui aspiraient, dans leurs entreprises de commerce, à travailler pour le bien général, aient fait beaucoup de bonnes choses. Il est vrai que cette belle passion n'est pas très commune parmi les marchands, et qu'il ne faudrait pas de longs discours pour les en guérir. »

— Adam Smith, Recherche sur la nature et les causes de la richesse des nations, Livre IV, ch. 2, 1776 ; d'après réédition, éd. Flammarion, 1991, tome II p. 42-43.

Dans le domaine socio-économique qui est celui de la deuxième et de la troisième occurrence, cette formule évoque l'idée que des actions guidées par notre seul intérêt peuvent contribuer à la richesse et au bien-être commun. Malgré sa place très modeste dans l’œuvre de Smith, cette expression est devenue très populaire, au point de faire l'objet de nombreux commentaires et de nombreuses interprétations, dont certaines portent sur le sens qu'elle avait pour Smith dans le contexte de son époque, et la plupart sur les usages qui en ont été faits postérieurement par d'autres auteurs.

Les diverses interprétations, au moins quatorze, seront examinées plus loin. Une des causes du foisonnement des interprétations tient au fait que Smith écrit au moment où la controverse autour du système de l'optimisme de Leibniz est très vive. Dès lors se pose la question de savoir si la « main invisible » est ou non la métaphore de quelque chose de proche de ce système. L'autre raison à la multiplicité des interprétations tient à leurs conséquences pratiques tant au niveau économique que politique, c'est ce que nous appellerons par la suite, les enjeux.

Les diverses interprétations de la main invisible[modifier le code]

La classification de Grampp2[modifier le code]

Grampp a recensé neuf façons d'interpréter la main invisible3, interprétations proposées par des chercheurs :

1.La force qui fait de l'intérêt de l'un, l'intérêt des autres. C'est ce qu'Élie Halévy appelle l'« harmonisation naturelle des intérêts ». C'est aussi l'interprétation la plus répandue, nous y reviendrons plus loin. Elle a été notamment défendue par Cropsey4 et Sugden5.

2.Le mécanisme des prix. C'est une interprétation presque aussi commune que la précédente, nous l'étudierons plus en détail ultérieurement.

3.Une métaphore de l'idée de conséquences inattendues. Pour Grampp (2000, p. 446), c'est celle des néo-autrichiens. Vaughn (1987, p. 997) écrit : « La “main invisible” est une métaphore utilisée par Smith pour désigner le principe par lequel un ordre social bénéfique émerge des conséquences inattendues des actions individuelles des être humains6 ».

4.La concurrence. C'est ce qu'affirme Rosenberg7 mais pour Grampp8, rien dans l'œuvre de Smith ne viendrait étayer cette thèse. Bruno9 partage cette position et écrit qu'« on ne peut pas

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