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La Main Invisible

Dissertation : La Main Invisible. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  20 Avril 2014  •  1 614 Mots (7 Pages)  •  1 473 Vues

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La théorie d’Adam Smith est souvent résumée par l’étrange image d’une « main » qui harmoniserait les intérêts personnels de sorte à créer la plus grande prospérité pour tous. C’est le thème fameux de la « main invisible ». Que signifie exactement cette curieuse métaphore ? Mais d’abord, est-on sûr qu’elle est une création du philosophe et économiste écossais ?

L’idée selon laquelle les intérêts s’harmonisent d’eux-mêmes sur le marché est loin d’appartenir en propre à Adam Smith. Sur ce point comme sur d’autres, il est un auteur de synthèse. Dès le XVIIème siècle, cette conception s’élabore dans des milieux intellectuels très différents. L’un des cercles qui aura le plus fait pour la diffuser est celui des jansénistes français. Cette idée sera bientôt reprise par des calvinistes provocateurs, comme le fameux docteur Bernard de Mandeville, auteur anglais d’origine hollandaise de la Fable des abeilles. Ces partisans du réveil augustinien, des deux côtés de la Manche, tiendront, comme on sait, un fameux paradoxe : c’est en l’homme la volupté et la cupidité qui donnent naissance à un ordre social prospère et harmonieux. C’est la corruption même de l’être déchu qui est au principe de ce qu’il peut y avoir de meilleur en matière de satisfaction terrestre.

Le précurseur le plus direct d’Adam Smith est sans doute Pierre de Boisguilbert, lequel a parfaitement su tenir la ligne de ses maîtres de Port-Royal. Admettant comme beaucoup que ce qui fait tenir les hommes ensemble est désormais l’utilité des travaux spécialisés, Boisguilbert pose que la recherche de son propre bien-être est source d’ordre et d’équilibre puisque, pour satisfaire cet intérêt, chacun est conduit à livrer aux autres ce qui satisfera leurs intérêts. Cette complémentarité des besoins donne ainsi naissance à un système spontanément ordonné dans lequel chacun est gagnant. Ce qui laisse penser qu’un Dieu, en suscitant la division du travail et la coordination des activités par le marché, a créé une machine parfaite qui va d’elle-même.

Comme l’écrivait Pierre de Boisguilbert dans sa Dissertation sur la nature des richesses : « Les deux cent professions qui entrent aujourd’hui dans la composition d’un État poli et opulent, ce qui commence aux boulangers et finit aux comédiens, ne sont, pour la plupart, d’abord appelées les unes après les autres que par la volupté ; mais elles ne sont pas sitôt introduites, ou n’ont pas pris racine en quelque sorte que faisant après cela partie de la subsistance d’un État, elles n’en peuvent plus être disjointes ou séparées, sans altérer aussitôt tout le corps (…). Pour prouver ce raisonnement, il faut convenir d’un principe, qui est que toutes les professions, quelles qu’elles soient dans une contrée, travaillent les unes pour les autres et se maintiennent réciproquement, non seulement pour la fourniture de leurs besoins, mais pour leur propre existence ». A ceci près, que chacun, poursuivant son intérêt propre, cherche à frauder, à monopoliser, à tromper. Heureusement il est une autorité suprême qui vient contrebattre les effets néfastes de l’égoïsme. Cette autorité est celle du marché et de la concurrence qui le régit : « par un aveuglement effroyable, il n’y a point de négociant, quel qu’il soit, qui ne travaille de tout son pouvoir à déconcerter cette harmonie ; ce n’est qu’à la pointe de l’épée, soit en vendant, soit en achetant, qu’elle se maintient ; et l’opulence publique, qui fournit la pâture à tous les sujets, ne subsiste que par une Providence supérieure, qui la soutient comme elle fait fructifier les productions de la terre, n’y ayant pas un moment ni un seul marché où il ne faille qu’elle agisse, puisqu’il n’y a pas une seule rencontre où on le fasse la guerre ».

Adam Smith, comme on le voit, n’a pas inventé l’idée de cette « Providence supérieure ». Il lui a cependant donné un tour spécial qui écarte la menace d’une interprétation téléologique en morale et en économie politique. La providence de la « main invisible », selon lui, n’est pas du tout la manifestation directe de la puissance divine. Elle est la métaphore, ô combien dangereuse, qui exprime la chaîne des conséquences non intentionnelles d’actions qui ne sont motivées que par des penchants inscrits dans la nature humaine. Ainsi, les hommes ignorent quelles sont les fins ultimes de la création, ils ignorent même la plupart du temps les fins lointaines auxquelles aboutiront leurs actes. On se tromperait par exemple à voir dans l’opulence le résultat d’une sagesse humaine capable de prévoir les conséquences éloignées de la division du travail. Les hommes ne font que suivre des penchants. Ils aiment trafiquer, sans doute parce qu’ils sont faits pour le commerce des idées et des paroles avec leurs semblables, mais ils ne se doutent pas qu’ils se procureront par ce moyen les conditions de la richesse.

La « main invisible » chez Smith signifie

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