La Théorie Des Dysfonctionnements Economiques
Compte Rendu : La Théorie Des Dysfonctionnements Economiques. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar dissertation • 12 Novembre 2013 • 8 371 Mots (34 Pages) • 1 507 Vues
Leçon 5 : La Theorie des dysfonctions bureaucratiques.
Critiques du modèle rationnel de la bureaucratie
Présentation
Dès les années 40, aux Etats-Unis, des recherches s’intéressent aux difficultés et aux limites des organisations bureaucratiques. Alors que Max Weber les avait décrites comme des organisations idéales du point de vue de l’efficacité et de la régularité, il devient évident à partir de différentes observations, que la rationalité mise en oeuvre dans une bureaucratie ne produit pas que des conséquences rationnelles. C'est ce que vont soutenir Robert King Merton, Philip Selznick et Alvin Gouldner (1920) qui, tout en reconnaissant l'importance de l'oeuvre de Weber, vont s'en démarquer.
En effet, ces critiques de la bureaucratie privilégient l'analyse des dysfonctionnements à celle de l’efficacité. Ils s'intéressent en fait, au fonctionnement interne des organisations, plus qu'aux relations que celles-ci entretiennent avec la société dans laquelle elles s'inscrivent. Ce qui les conduit à s'intéresser, non seulement aux dimensions rationnelles, mais également à celles qui semblent, a priori, irrationnelles.
Notons, au passage, que leur démarche est l'équivalente de celle de l'Ecole des Relations humaines, par rapport à l'organisation taylorienne du travail. Car, si Taylor ne tenait pas compte de la psychologie réelle des ouvriers, pas plus qu'il n'accordait d'intérêt aux groupes professionnels, Weber n'a pas vraiment tenu compte de la désobéissance des fonctionnaires ou de leur capacité à se coaliser.
Les fondateurs de la sociologie des organisations, par contre, prennent au sérieux les conclusions du groupe de Harvard (Elton Mayo et l'Ecole des relations humaines) : le travailleur est un individu qui a des émotions, des intérêts, des sentiments, des croyances et des buts qui ne correspondent pas toujours avec ceux de l’organisation pour laquelle il travaille. Il n’est pas cet individu orienté rationnellement (en finalité) sur les objectifs de l’organisation. Dans cette perspective, la bureaucratie n’est plus un ensemble d’activités coordonnées en vue d’atteindre un but défini, mais doit être considérée comme un système social où les dimensions formelles interagissent avec des dimensions informelles. Quant au froid bureaucrate wébérien, il se trouve avoir maintenant des sentiments, des croyances, des buts qui ne coïncident pas toujours avec ceux de l'organisation .
Il faudra attendre l'après-guerre pour critiquer la conception wébérienne de la bureaucratie. C'est en étudiant la manière dont sont mis en oeuvre les grands travaux décidés par l'Etat américain, que les chercheurs vont mettre en évidence les dysfonctionnements que produit la nécessité de prévoir les comportements.
R.K. Merton et la personnalité bureaucratique
Dans deux articles célèbres, le sociologue américain R.K. Merton a montré que l’organisation bureaucratique entraîne des conséquences secondaires inattendues, contraires à ses objectifs et à ses principes.
Pour Merton, la discipline nécessaire pour obtenir le comportement standardisé souhaité entraîne le développement, chez les fonctionnaires, d’une attitude ritualiste, d'une sorte de "personnalité bureaucratique" qui consiste, par exemple, à considérer que la règle est « sacrée ». Il part, pour le démontrer, des concepts d' “ incapacité acquise ” de Veblen et de “ psychose professionnelle ” de Dewey et Warnotte. Les fonctionnaires reçoivent une formation et finissent, à force de pratique, par acquérir une personnalité qui est adaptée à la situation professionnelle au moment de leur embauche. Ainsi, on leur demande d'être méthodiques, prudents, disciplinés, en un mot, de se conformer exactement aux prescriptions de leur poste. Pour parvenir à cet endoctrinement, les organisations bureaucratiques développent des procédures idéologiques pour inculquer l'adhésion aux règles.
Mais les conditions peuvent changer et, du coup, la personnalité acquise n'est plus adaptée. Or, comme ce qui a été acquis c'est essentiellement un fort attachement aux règles, les individus ne vont pas accepter facilement de changer leurs comportements. Autrement dit, la formation peut être un handicap (on va privilégier l'application du règlement, plutôt que l'intérêt du destinataire du service). Et ce, parce que le fonctionnement bureaucratique lui-même encourage cette attitude. Merton parle des “ origines structurelles de la sur-conformité ”.
En effet, la mise en oeuvre de règles strictes, de programmes précis encadrant le comportement des salariés a pour conséquence de :
- diminuer les relations interindividuelles (mais, bien sûr, cela a l'avantage de diminuer l'arbitraire et la compétition) ;
- provoquer une intériorisation des règles au point qu'elles apparaissent comme des fins en soi et non plus des moyens d'atteindre des fins (“ déplacement des buts ”) ;
- faire renoncer à chercher des alternatives (on se contente de piocher dans des réponses toutes faites).
La rigidité comportementale qui en résulte leur rend difficile de répondre aux exigences particulières de leur activité. De plus, le fait d'appartenir à un groupe égalitaire crée un esprit de caste qui renforce cette rigidité et crée un fossé entre le fonctionnaire et son public. La règle est impersonnelle, générale, universelle. Or, chaque destinataire du service public veut être traité de façon unique, spéciale. Si un fonctionnaire s'y essaie, il risque de rencontrer l'hostilité de ses pairs et de la hiérarchie : on lui reprochera d'être corrompu ou de favoriser telle ou telle personne. Il va donc s'en abstenir. D'où une incompréhension mutuelle et des plaintes récurrentes.
En outre, la rigidité de comportement, les difficultés d’adaptation et les conflits avec le public renforcent le besoin de contrôle et de réglementation. Donc les conséquences inattendues et dysfonctionnelles tendent à renforcer l’emprise de la bureaucratie. Pour Merton, la dysfonction apparaît comme la résistance du facteur humain à un comportement qu’on essaie d’obtenir mécaniquement. A la suite de Merton, des travaux empiriques ont confirmé ces premières hypothèses.
On pourrait résumer son apport en comparant sa conception de la bureaucratie à celle de
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