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La Stabilité Financière

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Par   •  6 Mars 2014  •  4 802 Mots (20 Pages)  •  1 742 Vues

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La stabilité financière

Intervention de M. Jean-Claude Trichet Président de la Banque centrale européenne, Forum Financier BelgeBruxelles, le 26 novembre 2003

Introduction

Mesdames, Messieurs,

Je suis très heureux d'être à Bruxelles aujourd'hui à l'occasion de cette réunion du Forum financier belge. Je remercie chaleureusement le gouverneur Quaden de son invitation à venir partager quelques idées dans le cadre de ce prestigieux forum. Le thème de mon intervention est la stabilité financière, sujet vaste et complexe s'il en est.

J'aimerais en fait porter mon attention sur les conséquences probables des profondes mutations en cours dans le secteur financier sur la stabilité financière et la politique de l'Eurosystème en ce domaine. La raison principale pour laquelle je souhaite aborder cette question, et qui explique pourquoi nous y sommes attentifs à la Banque centrale européenne, est que la stabilité du secteur bancaire, et du système financier dans son ensemble, revêt une importance cruciale pour l'Eurosystème, comme pour toute banque centrale. La stabilité financière est la condition sine qua non du succès de la conduite de la politique monétaire et de la pérennité des systèmes de paiements, deux responsabilités majeures d'une banque centrale.

Le secteur financier est en constante évolution. J'aborderai, si vous le voulez bien, trois aspects spécifiques de cette évolution : l'importance croissante des marchés financiers en général et de la volatilité des marchés en particulier, l'innovation financière et le processus actuellement à l'œuvre de renforcement de l'intégration des différents systèmes financiers nationaux.

Pour analyser les principaux défis dans le domaine du maintien de la stabilité financière, je crois utile de définir un socle de réflexion en s'interrogeant sur ce qui distingue le « monde réel » du monde idéal, « sans tensions », dépeint dans les manuels universitaires. Ce socle permet de structurer le raisonnement dans la mesure où le monde idéal est, par nature, exempt de toute instabilité financière. Par contraste, la plupart des préoccupations relatives à la stabilité financière proviennent du fait que les marchés financiers, dans la réalité, sont soumis à des tensions ou, en d'autres termes, comportent des imperfections.

Une de ces tensions qui me semble fondamentale est liée à l'imperfection des informations dont disposent très souvent les opérateurs des marchés financiers. Lorsque les informations disponibles ne sont pas optimales – ou lorsque les marchés ne sont pas complètement transparents – les décisions des investisseurs peuvent faire l'objet de réexamens constants, ce qui induit inévitablement une volatilité des prix de marché. Il n'en résulte toutefois pas nécessairement une menace pour la stabilité financière. Au contraire, l'existence même d'un certain niveau de volatilité indique que les marchés remplissent la fonction qui est la leur, à savoir qu'ils constituent un mécanisme d'échange efficace entre les agents économiques. Cela étant, certains épisodes récents d'extrême volatilité ont attiré notre attention sur le besoin de définir plus clairement la limite entre la volatilité « normale » et la volatilité que l'on pourrait qualifier de « néfaste ».

La deuxième source de tensions tient de ce que nous ne disposons pas, contrairement à l'hypothèse formulée par la théorie du monde idéal, de marchés complets. Le développement rapide du processus d'innovation financière entraîne la création de nouveaux instruments, voire souvent de marchés totalement nouveaux. De cette manière, nous progressons sur la voie de marchés plus complets et bénéficions de nouvelles solutions face aux défauts des instruments ou des marchés plus traditionnels. Si ce processus renforce nettement l'efficience du système financier, de nouveaux risques peuvent également voir le jour. L'émergence d'instruments de transfert de risques de crédit entre des banques et d'autres institutions financières en est une illustration récente éclatante. Les activités et les profils de risque des institutions financières s'en trouvent modifiés dans la mesure où les risques de crédit étaient essentiellement l'apanage des banques auparavant.

On peut considérer que l'absence d'un cadre international de prévention et de résolution des crises constitue un troisième type de tensions. Étant donné que des gouvernements et des systèmes judiciaires supranationaux n'existent pas, l'indépendance nationale s'accompagne de problèmes de mise en œuvre pratique, ce qui peut représenter un obstacle à la résolution des crises à l'échelle mondiale. Avec l'inévitable mouvement d'intégration des systèmes financiers, les risques découlant de l'absence d'un cadre commun s'accroissent naturellement. La communauté internationale mène des efforts substantiels de coordination pour surmonter cette source de tensions.

La situation de l'Europe est unique, car l'intégration transfrontière y est bien plus développée que dans n'importe quelle autre région du globe. La stabilité financière est d'ailleurs une notion de plus en plus européenne, à mesure que s'estompe sa pertinence nationale. À cet égard, la monnaie unique, le Système européen de banques centrales et le marché unique de réserves liquides - c'est-à-dire le marché monétaire en euros - sont les fondements d'un système financier européen aux ramifications bien plus denses qu'on ne le reconnaît généralement. Des efforts de coopération sont donc entrepris au niveau des banques centrales et des autorités de surveillance pour surmonter les difficultés liées au caractère essentiellement national des compétences en matière de contrôle et de surveillance.

La BCE, et l'Eurosystème dans son ensemble, développent également leurs activités dans le domaine de la stabilité financière européenne. Pour une part, ces activités sont publiques, grâce aux articles et rapports publiés régulièrement. Mais de nombreuses autres activités sont plus discrètes, qu'elles prennent la forme de discussions au sein du Conseil des gouverneurs, du Conseil général ou du Comité de la surveillance bancaire du SEBC ou qu'elles se déroulent à travers notre contribution régulière au renforcement de la coopération entre les autorités européennes en charge de ces questions ou par le biais de notre participation

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